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Reconnaître la compétence des communes en matière d'emploi

SANS | publié le : 29.04.2003 |

Depuis vingt ans, les communes sont devenues des actrices majeures en matière d'emploi et d'insertion, alors que la loi ne leur attribue pas cette compétence. L'association d'élus Alliance Villes Emploi souhaite que la prochaine loi sur la décentralisation légitime leur action.

E & C : Quels sont les outils développés par les collectivités locales en matière d'emploi, d'insertion et de formation, et quelles sont leurs spécificités ?

Marie-Pierre Establie : Si les collectivités locales sont impliquées dans le domaine de l'emploi, de l'insertion et de la qualification, c'est que, depuis 1980, l'Etat les a incitées à le faire. D'abord prudents et frileux, les élus se sont massivement engagés, au milieu des années 90, avec la montée du chômage et la première vague de chômage des cadres. Le maire, c'est-à-dire l'élu de proximité, a été interpellé par les citoyens. Il y a eu un basculement. Tout à coup, on a découvert que les communes étaient devenues compétentes de fait en matière d'accompagnement vers l'emploi. C'est ainsi qu'on arrive, aujourd'hui, à 400 missions locales, 450 maisons de l'emploi et 188 Plie (Plan local d'insertion par l'économique) sur 4 052 communes, ce qui représente une couverture énorme puisque les Plie sont très souvent intercommunaux.

Ces structures contribuent à « la mise en mouvement » du territoire. Une maison de l'emploi, par exemple, se trouve à la croisée des chemins entre les publics et l'entreprise. C'est un guichet unique pour tous les acteurs, c'est aussi un observatoire local et un outil de proposition et de montage de projets. La relation de proximité est aussi une caractéristique essentielle de ces outils. Je le vois dans le Plie de ma ville : nous arrivons à pourvoir des offres qui n'existaient pas avant d'en discuter avec les PME. Parfois, une PME ne sort pas son offre simplement parce qu'elle n'a ni le temps ni les moyens de gérer les candidatures et les entretiens. Autre spécificité : la réponse très individualisée et immédiate d'un outil comme le Plie. On repère les besoins, les publics, et l'on peut construire la réponse parce que les financements sont immédiats (55 % de fonds territoriaux, 45 % en provenance du Fonds social européen), alors que les délais sont beaucoup plus longs dans le cadre d'une programmation régionale. Le protocole du Plie nous contraint à avoir des objectifs de retour à l'emploi, quantitatifs et qualitatifs (1). Quels sont les dispositifs qui rendent des comptes en France ? Cela commence à entrer dans les moeurs, mais le Plie, lui, fonctionne de cette façon depuis dix ans.

E & C : Votre association estime que ces compétences de fait doivent devenir des compétences de droit, à inscrire dans la loi en préparation sur la décentralisation. Pourquoi ?

M.-P. E. : Tant que la loi ne vous donne pas une compétence, celle-ci n'est pas vraiment reconnue. On ne considère pas que vous avez une légitimité à intervenir dans ce domaine. Aujourd'hui, les EPCI (2) ont une compétence de droit, partagée avec l'Etat, en matière de développement économique et de politique de la ville. Notre association se mobilise pour que le domaine emploi-insertion-qualification, compétence de fait, soit inscrit dans la loi sur les transferts de compétences. Ce que nous voulons, c'est un partage des compétences avec l'Etat, le chef de file étant la collectivité locale ou l'EPCI. Cette nouvelle légitimité permettra à des villes encore très prudentes dans les domaines de l'emploi et de l'insertion de s'engager plus fortement. Nous préconisons aussi, dans le cadre d'une contractualisation avec l'Etat, la région, le département, la création d'un seul "comité emploi insertion territorial" qui assurerait la cohérence sur un territoire de toutes les politiques de la ville, de l'emploi et de l'insertion.

E & C : Ce transfert de compétences ne risque-t-il pas d'entraîner des inégalités parmi les territoires ?

M.-P. E. : C'est effectivement un risque qu'il faut absolument chercher à éviter. C'est pour cela que nous voulons partager notre légitimité avec l'Etat, qui reste le garant de l'homogénéité et de l'égalité. Je pense que toute bonne décentralisation doit être accompagnée par des organisations nationales d'observation et d'analyse. C'est aussi une façon de regarder ce qui se fait sur l'ensemble des territoires et d'interpeller nos interlocuteurs nationaux, qui pourront faire les péréquations et les régulations nécessaires.

Les Plie, sur ce sujet, ont fait longtemps peur à l'Etat. Il y a eu des tensions, mais elles sont, aujourd'hui, résolues. Nous avons maintenant tissé un partenariat intéressant avec l'Etat. Nous voulons que la décentralisation aille dans ce sens et que l'on poursuive ce partenariat intelligent, qui contribue aussi à réguler les inégalités

(1) 58 % des 77 681 bénéficiaires de Plie ont eu une sortie positive vers un emploi durable (enquête 2001 Alliance Villes Emploi/Cabinet E2i).

(2) EPCI : Etablissement public à coopération intercommunale : communautés urbaines, communautés d'agglomération, communautés de communes...

SES LECTURES

La ville éclatée, Latts-Institut d'urbanisme, éditions de l'Aube, 1998.

- Entre chômage et difficultés de recrutement : se souvenir pour prévoir, Commissariat général du Plan, La Documentation française, 2001.

- La mondialisation par le bas, les nouveaux nomades de l'économie souterraine, Alain Terrius, éditions Balland, 2002.

PARCOURS

Directrice de la maison de l'emploi de Rueil-Malmaison, Garches et Vaucresson (92), Marie-Pierre Establie est, depuis 1993, déléguée générale d'Alliance Villes Emploi, une association d'élus et de responsables d'outils territoriaux dédiés à l'emploi (président, Jacques Baumel ; président délégué, Pierre de Saintignon).

Elle a participé à la mise en place de la décentralisation de la formation professionnelle au conseil régional Midi-Pyrénées et a expé- rimenté dans cette région les projets de MIP (maisons d'itinéraire professionnel et personnel, ancêtres des maisons de l'information de la formation et de l'emploi - Mife) et a créé la première maison pour l'emploi, à Rueil-Malmaison.

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