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L'EPARGNE SALARIALE AU RALENTI

SANS | publié le : 15.04.2003 |

Petit "coup de barre" pour l'épargne salariale. Les PME, principal marché à conquérir, sont difficiles à convaincre. Les difficultés économiques ne les incitent guère à la mise en place de rémunérations globales ambitieuses. Dans les grands groupes déjà équipés, les réflexions sur l'épargne d'entreprise portent sur la retraite, dont la réforme du financement est en cours.

L' épargne salariale est-elle soluble dans la crise ? Après les deux années de forte médiatisation consécutive au vote de la loi Fabius, qui en fixait un cadre complet en prenant garde d'en faciliter l'accès aux PME, force est de constater que 2003 risque de rester un petit millésime.

En 2001, 97 % des salariés ne bénéficiaient pas d'une épargne salariale. Sortis du millier d'entreprises françaises de plus de 1 000 salariés, les avantages du petit paradis fiscal et social que constituent les PEE n'étaient généralement pas proposés aux salariés, encore moins dans les entreprises de moins de 200 personnes. Ce chiffre a sans doute peu varié deux ans plus tard. Natexis Interépargne, le leader du marché de l'épargne salariale, a signé 8 000 nouveaux contrats en 2002. Les autres poids lourds du secteur affichent environ 3 000 contrats signés depuis la rentrée de septembre 2002.

Recul de la capacité d'épargne

Le contexte économique a évidemment pesé sur ce marché. Plus qu'une Bourse en berne, ce sont le recul de la capacité d'épargne et la santé des entreprises qui limitent les ardeurs aujourd'hui. « Les sources habituelles d'alimentation de l'épargne salariale que sont l'intéressement et l'abondement se sont affaiblies, explique Guy Cabessa, président du directoire d'Interépargne. Il y a de quoi fragiliser un cadre réglementaire par ailleurs très avantageux. »

Réduction des coûts

Le discours managérial sur la rétention des talents et les conséquences du papy-boom atteint encore peu les PME qui ressentent bien plus fortement la nécessité de réduire leurs coûts.

C'est dire que de nouvelles sorties de trésorerie, comme de l'intéressement ou un abondement des versements volontaires, ne sont plus guère de saison. Comme investir la seule participation - obligatoire pour les plus de 50 salariés - sur un PEE ne représente pas un avantage déterminant pour l'employeur (même régime fiscal), l'épargne salariale peut bien attendre un ou deux ans de plus. CQFD.

D'autre part, le niveau d'information des chefs d'entreprise reste limité sur ce sujet et les dossiers sont longs à boucler. « Un processus de vente prend un an à un an et demi chez nous », estime ainsi Christel Buresi, ingénieur d'affaires chez Novacy. Même dans les grands réseaux bancaires qui proposent, tous ou presque, une offre de PEE "packagée", plus simple, avec un choix de trois ou quatre fonds, le travail à déployer sur le terrain est lent.

Au moins deux ans de pédagogie

« Il faudra encore au moins deux ans de pédagogie », selon Bruno Antoine, directeur général de Servepar, joint venture entre Natexis Ban- ques Populaires et Accor, gestionnaire du produit Tesorus, lancé en octobre 2002 (lire Entreprise & Carrières n° 640). Pour lui, l'accès aux PME est loin d'être gagné. Et la création des PEI, dispositifs permettant de mutualiser des plans d'épargne entre de nombreuses PME, n'a encore débouché que sur quelques accords qui, en outre, ont généré peu de souscriptions (lire p. 16).

En revanche, les avantages de l'épargne salariale n'ont pas échappé aux patrons des TPE, à qui la loi Fabius a ouvert l'accès aux PEE. Dans une logique très patrimoniale, ils utilisent à plein la défiscalisation de l'abondement.

Abondement supérieur à 100 %

Le Crédit Lyonnais AM a ainsi vendu 3 500 exemplaires de son jeune Pacteo Pro, dédié à cette population. « Les entreprises qui y ont souscrit comptent, en moyenne, 2,8 salariés, précise Pierre Schereck, directeur commercial de l'épargne entreprise ; 80 % y affectent un abondement supérieur à 100 % et, pour beaucoup, égal à 300 %. Et plus de 20 % de ces ventes combinent un PEE et un PPESV (lequel permet un abondement maximal de 4 600 euros par an, en complément des 2 300 euros du PEE, NDLR). »

Troisième niche du marché : les grandes entreprises. Déjà bien équipées, elles s'efforcent d'homogénéiser des dispositifs multiples d'actionnariat salarié, d'épargne salariale et de retraite collective. La plupart ne reviennent pas sur les politiques d'abondement, voire sur les opérations d'actionnariat salarié. Cette gestion des rémunérations globales fait désormais partie de leur image de marque d'employeur et elles ne peuvent plus prendre le risque de les abandonner.

Responsabilisation des salariés

« Alors que beaucoup de grandes entreprises sont entrées en force dans l'épargne salariale par le biais d'opérations d'actionnariat salarié, le problème est souvent, désormais, de diversifier les possibilités d'investissement et de responsabiliser les salariés dans la gestion de leur épargne », analyse Jacques Guichenduc, responsable du dossier chez Altedia.

Parmi les sujets de réflexion : l'arbitrage entre l'actionnariat salarié et une épargne plus diversifiée. Un abondement préférentiel sur le fonds actions de l'entreprise a, généralement, beaucoup concentré l'épargne sur un seul titre. Il est considéré comme une prime de risque indispensable à la réussite des opérations d'actionnariat salarié, mais de nombreux spécialistes considèrent, à présent, que, sans revenir sur cette approche, les entreprises devraient rendre leur politique moins discriminante en modulant l'abondement.

Complément de retraite

Autre évolution dans la réflexion de ces entreprises, qui fait écho au sujet de préoccupation majeur des salariés : la retraite. C'est, par exemple, ce qui a conduit PSA à créer un PEE de long terme inédit, sur quarante ans, en plus du régime de retraite à cotisations définies (lire p. 18).

« Pour un épargnant salarié sur trois, la nécessité de se constituer un complément en vue de la retraite est la motivation principale de l'investissement dans le PEE, confirme Francis Wright, spécialiste du sujet chez Hewitt Associates, sur la foi de l'enquête du Baromètre de l'épargne salariale, réalisée avec Interépargne et JP Morgan, dont les chiffres seront dévoilés en mai prochain. De plus, la proportion d'épargnants salariés qui considèrent qu'une durée de placement de dix ans est idéale est passée de 17 % en 2002 à 23 % cette année. »

Au-delà des cinq ans de blocage du PEE

De fait, une moitié d'entre eux conserve, aujourd'hui, son épargne investie dans le plan de son entreprise au-delà des cinq ans de blocage du PEE. C'est dire que les PPESV n'ont pas encore de quoi soulever l'enthousiasme, alors que les possibilités d'abondement sur les PEE sont loin d'être utilisées à plein dans la grande majorité des cas.

Cela signifie aussi, qu'en l'attente de décisions gouvernementales sur le financement des retraites, le paysage de l'épargne salariale devrait rester encore assez contrasté. Et ce, pour les années à venir.

L'essentiel

1 L'épargne salariale suscite moins d'engouement qu'espéré après le vote de la loi Fabius en 2001.

2 Si les efforts des gestionnaires financiers en direction des PME ne se relâchent pas, le marché démarre lentement. Les difficultés économiques expliquent en bonne partie cet attentisme.

3 Les TPE sont plus facilement séduites, les chefs d'entreprise utilisant l'épargne salariale dans une logique patrimoniale. Les grandes entreprises, déjà équipées, s'efforcent, elles, d'harmoniser leurs dispositifs.