logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

DRH, ATTENTION AU RISQUE PENAL

SANS | publié le : 08.04.2003 |

Harcèlement, délit d'entrave, travail dissimulé... Toutes ces infractions relèvent du pénal et engagent très souvent la responsabilité du DRH, délégation de pouvoirs oblige. Si le nombre de condamnations reste limité, le risque grandit avec la législation et la jurisprudence récentes.

T rois dirigeants de la société IBM France ont été condamnés, fin 2001, au pénal pour délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise dans une affaire qui remontait à décembre 1999. Sur le banc des accusés : le directeur des relations sociales, sommé de verser 3 048,98 euros d'amende.

Un exemple parmi d'autres, qui voit la fonction personnel égratignée, et non plus seulement celle de dirigeant d'entreprise. Délégation de pouvoirs oblige, les DRH sont souvent en première ligne pour répondre de certains délits. Peu en ont conscience. Pour autant, pas question de céder à la panique. Les cas où un DRH se retrouve en garde à vue, voire derrière les barreaux, se comptent sur les doigts d'une main. « D'autant plus qu'une peine de prison survient après des multirécidives, signale Aurore Guido-Deaïbes, avocate du cabinet Bensay & Associés. L'amende demeure la sanction la plus courante ». Mais demain ?

Nouveaux risques pénaux

Plusieurs nouvelles lois, si elles n'ont pas encore produit un nombre important d'affaires, créent, toutefois, de nouveaux risques pénaux. Par exemple : la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et la loi sur les nouvelles régulations économiques, qui renforcent les compétences du comité d'entreprise en matière d'information et de consultation, tandis que la première introduit le harcèlement dans le champ du pénal. Et c'est sans compter le durcissement de la jurisprudence avec, par exemple, l'arrêt "Nikon" d'octobre 2001, interdisant à l'employeur de consulter les courriels personnels de ses salariés.

Vigilance

Une telle conjoncture incite les entreprises et les avocats à davantage de vigilance, à l'instar de Me Sylvie Le Damany, associée du cabinet Landwell & Associés. « Spécialisée en pénal des affaires, je travaille aujourd'hui avec notre département droit du travail. Les textes sont plus nombreux. Cela impose davantage de vérifications en amont du fonctionnement même de l'entreprise. Une démarche réclamée par les actionnaires très réactifs, aujourd'hui, vis-à-vis de la responsabilité sociale de leur entreprise. »

Travail dissimulé

Le délit d'entrave et le harcèlement ne sont pas les seules dérives susceptibles de conduire un DRH à s'expliquer devant les juges. « Nous avons aujourd'hui quelques dossiers lourds en matière de travail dissimulé avec un mauvais décompte des heures supplémentaires », précise Agnès Cloarec-Mérendon, avocate chez Latham & Watkins, qui insiste auprès de ses clients pour la tenue très précise et quotidienne de feuilles d'heures contresignées par les chefs de service. « Les managers ne se sentent pas concernés par le contrôle du temps de travail et les DRH ne sont pas toujours très au fait des pratiques du terrain », ajoute- t-elle.

A ces erreurs préjudiciables pour l'entreprise s'ajoutent les problèmes rencontrés avec la sous-traitance. Koaï, par exemple, en a fait les frais en octobre dernier. Cette société de prêt-à-porter a, en effet, été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris pour travail clandestin, parce qu'elle était en affaires avec une société de confection adepte du travail au noir. Le tribunal lui a alors reproché de ne pas avoir rempli son obligation, imposée par le Code du travail, de vérification des déclarations de cotisations Urssaf de ses sous-traitants. « Ce type d'affaire arrive souvent dans des structures très complexes, les DRH découvrant l'illégalité des contrats de sous-traitance au moment du procès-verbal », informe Agnès Cloarec-Mérendon.

Prêt de main-d'oeuvre

Par ailleurs, les entreprises ont tendance à externaliser certaines de leurs activités pour réaliser des économies de structure. « Les salariés sont toujours dans les murs, mais rémunérés par un autre employeur qui ne leur propose pas les mêmes avantages et acquis sociaux en vigueur dans l'entreprise qui les héberge, décrit Sylvain Niel, directeur du département GRH de Fidal, cabinet d'avocats. Un jour ou l'autre, la condamnation pour prêt de main-d'oeuvre finit par tomber. »

Donneur d'ordres

Les DRH sont également exposés lors de discriminations à l'embauche, comme l'a constaté SOS Racisme. « Ce n'est pas le DRH qui est donneur d'ordre du tri des CV, mais c'est lui qui écopera, déplore la responsable du service discriminations de l'association. Cela pose le problème de refuser ou de dénoncer un ordre inadmissible. » La CFE-CGC s'est déjà prononcée sur ce point. Jean-Marc Icard, son secrétaire national, plaide, en effet, pour l'instauration d'une sorte de clause de conscience pour un cadre confronté à un ordre illégal.

Reste l'épineux sujet de l'hygiène et de la sécurité concernant directement le DRH, fréquemment président du CHSCT. Pas étonnant donc que les grands groupes recrutent, aujourd'hui, d'anciens magistrats, spécialisés dans le droit pénal, qu'ils nomment à des postes de responsable de l'audit juridique ou à celui de déontologue.

L'essentiel

1 Les lois et la jurisprudence font entrer, plus que jamais, le droit social dans le champ pénal. Le risque de condamnation est donc plus grand.

2 Les DRH recevant délégation de pouvoirs sur de nombreux points de la gestion des ressources humaines se retrouvent en première ligne. Mais, peu en ont conscience.

3 De nombreux outils sont disponibles pour se prémunir du risque pénal : rédaction de chartes sociales, audit du risque pénal et formations dédiées.