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Les entreprises gardent le contrôle

SANS | publié le : 25.03.2003 |

Quelques entreprises ont entièrement confié leur fonction paie et administration du personnel à un prestataire extérieur. Mais la majorité trouvent plus sage de piloter l'externalisation.

Bull n'a conservé aucune compétence paie en interne. L'entreprise a, en effet, confié, depuis juin 2002, l'intégralité de sa paie à ADP GSI, pour les collaborateurs, et à Externance, pour les cadres dirigeants.

L'objectif ? Faire face à la décroissance des effectifs. La réduction a été, il est vrai, drastique, puisque le nombre de collaborateurs a été divisé par deux en une quinzaine d'années. « Notre outil de paie était devenu surdimensionné et d'un coût démesuré par rapport à notre structure, confie Jean-Louis Encontre, le directeur des affaires sociales. Nous cherchions des prestataires leaders sur leur marché. Des experts capables de s'adapter à l'évolution de notre organisation. » Pour gérer socialement la disparition du besoin de compétences paie en interne, un accord a par ailleurs été trouvé avec ADP GSI. Le prestataire a embauché, sur la base du volontariat, dix-huit personnes anciennement chargées de la paie chez Bull.

Offre d'externalisation complète

Ce type d'externalisation n'est pas totalement nouveau. En 1996, Chargeurs confiait déjà la paie et l'administration du personnel de son siège à Externance, qui reprenait douze salariés du groupe textile. Cependant, les prestataires de services mettent aujourd'hui davantage l'accent sur cette offre d'externalisation complète.

Comme dans l'exemple de Bull, ADP GSI propose aux entreprises de plus de 1 000 salariés d'externaliser ni plus ni moins que la fonction paie et l'administration du personnel. A la base, le prestataire s'occupe du traitement de la paie (édition des bulletins, virements et déclarations légales) et parfois de l'infogérance, sur une plate-forme mutualisée, de ses propres applications ou des progiciels de gestion intégrés de PeopleSoft et SAP.

Dans les exemples d'externalisations les plus poussées, le prestataire se charge de l'administration des contrats d'embauche, des soldes de tout compte, des notes de frais et des visites médicales. Il réalise des tableaux de bord sociaux et s'occupe de la gestion des temps et des activités. Pour parfaire l'organisation, un centre d'appels, géré par le prestataire, reçoit les questions des salariés.

ADP GSI n'est pas le seul à vouloir affirmer sa présence en France sur ce créneau. IBM, par exemple, propose également une prise en charge du processus métier de la paie et de l'administration du personnel.

Une externalisation aussi complète demeure cependant rare en France. Mise en avant par des prestataires, dont la maison mère est souvent américaine, elle est plutôt l'apanage des filiales de sociétés anglo-saxonnes.

Forte réticence

Du côté des entreprises, la réticence est forte. « Dassault Systèmes n'a pas choisi une externalisation de la fonction paie, car il est difficile de demander à un prestataire d'être immédiatement au fait des problématiques et du contexte propre à chaque entreprise, explique Nicolas Bugnicourt, responsable du système d'information RH. Le responsable paie a aujourd'hui, plus que par le passé, un rôle de pilote de l'activité et d'expertise fonctionnelle. Il doit être le garant de la cohésion de l'ensemble de la solution. De plus, en cas de litige, il est difficile de demander à un prestataire d'être juge et partie. »

En matière d'externalisation, le choix se fait donc encore, principalement, entre l'infogérance et les "services bureaux" (voir encadré page précédente).

Des spécialistes de l'informatique, comme LogicaCmg pour le progiciel de paie de SAP, Steria pour la solution de paie de PeopleSoft, ou CCMX pour son propre outil, proposent l'hébergement des serveurs et la mise à jour des progiciels. Une offre teintée de veille légale, mais qui se limite souvent, juridiquement, à une obligation de moyens. Certains de ces prestataires concluent d'ailleurs des partenariats avec des cabinets de conseil, pour proposer une offre globale d'externalisation. Et nombre de sociétés de services informatiques tentent de se lancer sur un marché susceptible de leur assurer des revenus récurrents.

Rôle d'expert

Parmi les arguments invoqués par des spécialistes de l'infogérance pour défendre leur prestation figure la facilité pour une entreprise de rapatrier la gestion de la paie en interne. Mais encore faut-il avoir les moyens informatiques nécessaires ! Les sociétés spécialisées dans la paie font valoir leur rôle d'expert engagé sur les délais et la conformité. « Nous avons, chez nous, des spécialistes de ces questions qui font de la veille juridique. Ils ont une vision globale de la manière de gérer une paie. Grâce à leur position d'observateurs, ils conseillent les clients pour rationaliser les pratiques », insiste Marc Ginestière, directeur commercial de Cegedim SRH. Mais un prestataire d'externalisation qui mutualise les moyens de gestion de la paie entre plusieurs entreprises a-t-il toujours la disponibilité pour suivre et conseiller chacun de ses clients ? Les entreprises clientes préfèrent, en règle générale, garder un minimum de compétences paie en interne pour piloter le tout.

Coûts prohibitifs

Mais quel est le bilan coûts/avantages de l'externalisation ? Les prestataires affirment être capables de gérer les évolutions brutales d'une organisation. Une étude minutieuse est nécessaire pour savoir si les conditions sont toujours avantageuses pour l'entreprise.

« Notre groupe agricole compte une vingtaine de sociétés et notre structure change perpétuellement, après des rachats de sociétés ou des réorganisations de l'activité, témoigne Philippe Sein, directeur des ressources humaines d'Euralis. Par ailleurs, notre effectif varie constamment, car nous employons beaucoup de travailleurs saisonniers. Nous avons effectué un comparatif externalisation et gestion de la paie en interne. Les coûts d'un prestataire externe pour obtenir des adaptations rapides étaient prohibitifs ! »

Au-delà d'un avantage financier parfois difficile à appréhender, l'externalisation bute sur la crainte de se livrer pieds et poings liés à un partenaire extérieur. « Il s'agit d'un marché assez léonin, reconnaît Jean-Louis Encontre. Le prestataire vous impose des contraintes qui obligent à modifier les processus internes, à mieux structurer et à anticiper vos demandes. D'un autre côté, cette collaboration oblige à davantage de rigueur et de discipline, ce qui n'est pas un mal ! » En contrepartie, l'entreprise n'est pas dépendante du départ d'un expert paie en interne. De plus, la direction des ressources humaines se débarrasse de tâches administratives rébarbatives pour, en principe, se consacrer à des activités plus valorisantes de conseil en interne. Mais, la paie n'est pas toujours perçue comme un processus complètement automatisable.

Maîtrise de la politique de rémunération

« La paie et les rémunérations entrent également dans l'ordre du ressenti, analyse Jean-François Lansard, consultant du CXP, cabinet de conseil et d'évaluation des progiciels. Si un DRH ne peut pas savoir de suite combien de personnes sont dans telle tranche de salaire, il aura l'impression de ne plus maîtriser sa politique de rémunération ! »

Les nouvelles technologies sont justement censées faciliter l'accès à l'information. « Le système est plus transparent, affirme Jacques Nicolle, directeur de l'activité externalisation de la paie de la branche conseil PME-PMI de PricewaterhouseCoopers. Les clients accèdent en temps réel aux mêmes données que nos collaborateurs. » Il suffit à l'entreprise cliente de se connecter, via Internet, pour avoir accès aux informations sur la paie.

La question de la confidentialité des données se pose tout naturellement aux DRH quand il s'agit d'externalisation, qu'une liaison web intervienne ou non. Les prestataires assurent que leurs propres réseaux informatiques sont sûrs et que les informations paie sont moins sujettes à " fuite" lorsqu'elles sont traitées par une personne extérieure à l'entreprise.

Gage de sécurité

Cependant, les bilans coûts/avantages de l'externalisation font parfois peu de poids face à un contexte difficile. En effet, une entreprise décide souvent d'externaliser sa paie après un événement particulier qui vient bousculer son organisation. Ainsi, Bio-Rad France a confié sa paie à un prestataire extérieur après son rachat par le groupe américain Bio-Rad Laboratories Inc. « Ces deux dernières années, nous étions dans une phase de réorganisation importante, témoigne Valérie Bonte, la directrice des ressources humaines France. Face aux changements que cela a impliqués, notamment de convention collective, face aux nombreux recrutements dans l'entreprise et à l'arrivée d'une nouvelle équipe RH, l'externalisation apportait un gage de sécurité dans la gestion de la paie. » La question d'une reprise en charge de la paie en interne pourrait bien se poser à présent que l'entreprise a stabilisé son organisation. Cet exemple montre combien il est important de garder une certaine maîtrise de sa paie et de s'assurer des conditions pour pouvoir la rapatrier en interne.

De l'infogérance à l'externalisation

Le terme générique "externalisation" regroupe des réalités bien différentes. Ce même nom désigne, parfois, la tierce maintenance applicative ou l'hébergement externe d'applications informatiques pour lequel le prestataire a souvent, uniquement, une obligation de moyens. A cette forme d'externalisation, sont parfois associés des services supplémentaires de veille légale et réglementaire, par exemple. Une forme plus poussée d'externalisation correspond à l'ancienne appellation de "services bureaux" pour laquelle la paie est traitée à l'extérieur.

Le prestataire a une obligation de résultat. Il est donc tenu à des délais pour les virements des salaires, les déclarations aux organismes tiers et les documents administratifs. Il est financièrement responsable des erreurs de conformité aux normes légales, conventionnelles et concernant les accords d'entreprise.

Les acteurs de la paie

D'après une étude du cabinet Pierre Audoin Consultants (PAC), le marché français de l'externalisation de la paie, de la gestion des temps et des activités et des ressources humaines a atteint 345 millions d'euros en 2002. L'externalisation de la paie représente, à elle seule, plus de la moitié de ce marché. ADP GSI, en 2001, était largement dominant avec 57 % des parts de marché. « La tendance des entreprises à externaliser leur paie et leurs ressources humaines se confirme et s'amplifie, analyse Alexia Pestel, consultante chez PAC et responsable de cette étude. L'externalisation concerne les entreprises de toute taille. » Selon le cabinet de conseil, l'externalisation de la paie et des ressources humaines concernait près de 30 % du marché l'an dernier. Les prévisions pour 2005-2006 s'établissent à 40 %, toujours avec une large prédominance de la partie paie.

Classement 2001 des acteurs de services paie-RH en externalisation

1 - ADP GSI

2 - Cegedim

3 - IBM

4 - Sopra

5 - Arinso

Source : Cabinet Pierre Audoin Consultants.

Trois questions à Simon Elkael

Simon Elkael est directeur général du cabinet de conseil en système d'information ressources humaines Aderhis.

Pourquoi une entreprise décide-t-elle d'externaliser sa paie ?

La question de l'externalisation se pose souvent en termes de réduction des coûts au sein de la direction informatique, financière ou générale. La réflexion se transforme en décision d'externaliser pour des raisons propres à la DRH. Ce choix fait suite à la perte d'une compétence interne à l'entreprise. Par ailleurs, les progiciels nécessitent un savoir technique de plus en plus poussé qui incite les entreprises à se tourner vers un prestataire extérieur.

Où en est l'offre aujourd'hui ?

Les éditeurs informatiques se sont améliorés par rapport aux aspects fonctionnels. Les offres sont plus complètes et matures. En revanche, elles ne sont pas toujours à la hauteur pour les PME. Le prix des licences demeure trop élevé pour elles. Et ces entreprises ne peuvent pas se permettre d'essuyer les plâtres en matière de qualité.

Quels sont les avantages et les risques de l'externalisation ?

La vague d'externalisation se confirme avec la progression de la notion de services autour de la fonction ressources humaines. Quand une entreprise fait ce choix, elle se consacre davantage à des tâches de gestion des compétences, par exemple. Elle doit cependant bien administrer l'externalisation en la pilotant en interne. Le service paie disparaît rarement. Le lien avec la gestion des temps ou avec la formation est ainsi assuré