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SANS

Alexandre le gland

SANS | publié le : 25.03.2003 |

Enfin quelqu'un de normal. Je veux dire : enfin quelqu'un qui ne passe pas toute son énergie à tenter de me convaincre que sa vie professionnelle est exaltante, que ses responsabilités sont exceptionnelles, et que seul son talent personnel est à l'origine de la place enviée qu'il occupe.

Un modeste, un vrai. « Vous savez, j'ai vraiment l'impression d'être là par le plus grand des hasards. Pas une vocation d'enfance, une pure opportunité. Un peu de chance, un peu d'implication personnelle, deux-trois méthodes un peu rustiques. Et des résultats. Pas de quoi pavoiser, vraiment ! Ce que je fais, en réalité, tout le monde pourrait le faire plus ou moins. Et pas forcément plus mal, soyons réalistes. »

Je veux bien être réaliste. Mais ça passe par le constat que ses cinq prédécesseurs se sont éreintés en vain dans la même fonction, sans aucun résultat sauf des grèves à répétition, une usine bloquée, un dépôt de bilan, et même, pour le plus calamiteux d'entre eux, une séquestration de trois jours dans les ateliers !

Il y a un truc, forcément. « Non, ne cherchez pas, il n'y a aucune recette magique. Je fais le boulot avec les mêmes ingrédients que tout le monde. Pas de fumigène, pas de pouët-pouët à émerveiller les foules. Je suis moi-même étonné que ça marche si bien. Au lieu de me demander ma recette magique, vous feriez mieux de me donner une explication ! Personnellement, je n'ai pas l'impression d'avoir jamais rien demandé d'extraordinaire, ni même d'avoir mobilisé les foules en blablatant sur les enjeux, les menaces, les perspectives, l'avenir radieux, et tout le toutim. Je fais comme tout le monde, et j'attends la même chose de tout le monde : bosser en contrepartie du salaire que je perçois. Aussi bête que ça. »

Non, je ne peux pas le croire. Ce type a quelque chose en plus. Un ingrédient, un gène, une composition chimique particulière, un talent secret, un mystère. Une amulette, un gri-gri ?

Cherchons mieux.

Il insiste. « Je vous assure, je suis un type ordinaire. Je suis comme nous tous. Je m'inquiète pour mes proches. J'ai l'humeur météo-dépendante. Je joue au Loto et je perds à chaque coup. Je suis avachi un week-end sur deux. Je ramène des dossiers à la maison. Je trouve les objectifs trop élevés. J'ai oublié tout ce que j'ai appris à l'école. Ma famille se moque de moi. Comme je m'appelle Alexandre, on m'appelle "Alexandre le gland" à chaque occasion familiale, c'est vous dire... Je ne sais pas briller, ni en petit comité, ni en grand. Je suis plus petit que je voudrais et plus gros que voudrait ma femme. Je suis un type de la vie de tous les jours. Un ordinaire, "ni héros, ni salaud". »

J'ai trouvé. Il est là le truc ! Vous réconciliez les gens ordinaires avec les obligations du travail ! Et c'est ça qui est extraordinaire, justement ! Merci de la leçon, Alexandre !