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« Un inévitable choc culturel »

SANS | publié le : 18.03.2003 |

Jean-Pierre Willems, spécialiste et consultant en droit de la formation professionnelle continue, estime que seule une rupture culturelle avec les habitudes nées de la loi de 1971 permettra un renouveau de la formation, ce qui ne peut passer que par la défiscalisation de l'obligation légale.

U n traitement de cheval pour la formation ? Jean-Pierre Willems, spécialiste en droit de la formation professionnelle continue et consultant auprès des Opca, ne voit, « hélas », pas d'autre solution : il faut mettre fin à la fiscalisation de l'obligation légale de financement de la formation par les entreprises, et la transformer en obligation conventionnelle gérée par les partenaires sociaux, les services RH des entreprises et les représentants du personnel.

Rompre avec les habitudes

Les habitudes fiscales et administratives et les pratiques héritées de la loi de 1971 engluent la formation. Il faut donc rompre avec elles, en faisant de la formation un sujet de débat, dans les branches et les entreprises. Un sujet pris à bras le corps par les salariés. En quelque sorte, la formation pourrait devenir un enjeu de négociation comme le sont les rémunérations.

Logique à bout de souffle

« La logique fiscale est à bout de souffle, estime Jean-Pierre Willems. La loi de 1971 a produit tous les effets bénéfiques qu'elle pouvait produire et, notamment, la généralisation de la formation dans les entreprises, l'ouverture de droits individuels pour les salariés, la création de budgets formation et le développement de services formation, la mise en place d'outils de gestion externes (Opca), etc. Mais nous sommes à un stade où cette logique fiscale commence à produire plus d'effets négatifs que positifs. »

« La loi n'a plus d'impact quantitatif : les dépenses déclarées stagnent depuis plusieurs années. Elle a traité la formation comme un produit de consommation : d'où la nécessité de la financer sans que soit posée la question de sa finalité, et a induit des comportements de consommation qui trouvent leur limite. La logique fiscale a développé une culture du contrôle et du suivi des financements qui mobilise un temps de travail énorme pour un résultat médiocre : le volume de temps passé à la gestion administrative de la formation se fait au détriment de sa dimension qualitative. » Et, plus fondamentalement, « la logique fiscale empêche un véritable développement du droit de la compétence et de la gestion de la compétence par l'entreprise. Or, ce droit, peu lisible parce que diffus, existe et présente une grande cohérence ».

Conséquence : face à ce nouveau droit en construction (voir encadré), il faut aligner des pratiques modernes de formation. « Cette remarquable construction du droit de la compétence doit être mise en relation avec d'autres évolutions, et, notamment, le fait que la norme ISO 9000, dans sa version 2000, n'exige plus un système de formation, mais des moyens diversifiés d'acquisition et de maintien des compétences. »

Faire émerger un droit de la compétence

« Le véritable enjeu, pour les entreprises et les salariés, est la formalisation et la gestion de ce droit de la compétence qui a déjà largement pénétré notre droit du travail. Par rapport à cette problématique, la logique fiscale de la formation est bien pauvre. De ce point de vue, la négociation fait un premier pas en proposant la suppression de l'obligation fiscale. En même temps, elle ne va pas assez loin, en ne prenant pas à bras le corps la question du droit de la compétence : ce n'est peut-être pas par hasard que, dans tous les travaux du Medef sur la compétence, l'approche juridique a été ignorée. »

Restent deux questions. Premièrement, le salarié doit-il cotiser et cofinancer l'effort de formation ? « Si ce co-financement est un transfert de charge de l'entreprise vers le salarié, c'est une régression sociale, répond Jean-Pierre Willems. Si c'est abondé par l'entreprise et les pouvoirs publics, selon le niveau de qualification, la CSP, le salaire..., alors, c'est du plus et on peut en envisager une utilisation nouvelle : un droit individuel, des principes nouveaux, une logique positive et dynamique. Ce qui est de la responsabilité de l'entreprise dépend de son financement, ce qui ne l'est pas est sujet à négociation. »

Deuxièmement : la formation peut-elle se dérouler hors temps de travail effectif, même pour ce qui est des formations sous la responsabilité de l'employeur ? « Il n'y a pas de principe absolu. On peut l'envisager pour certaines populations privilégiées, pas pour les salariés occupant les postes les plus pénibles ».

Les prémices d'un nouveau droit de la compétence

« Le Code du travail et les tribunaux ont d'ores et déjà tracé les contours du droit de la compétence », analyse Jean-Pierre Willems.

« Le droit du recrutement et de l'évaluation (L. 121-6 et L. 121-7) établit que l'entreprise ne peut gérer que les compétences qu'elle est en mesure d'utiliser. La compétence doit être contextualisée, on ne peut s'intéresser à la personnalité de manière générale. »

« Le droit de l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois (L. 932-2) définit une obligation à plusieurs dimensions. Du point de vue individuel, l'entreprise doit fournir aux salariés les moyens d'acquérir les compétences requises par l'évolution de leurs emplois : fonctions relevant de leur qualification professionnelle. Du point de vue collectif, l'entreprise doit mettre en place les moyens du suivi de l'évolution des emplois : la GPEC est, sur le fondement de cet article, une obligation juridique dont le comité d'entreprise, notamment, peut exiger le respect. »

« Le droit de l'insuffisance professionnelle est précisé par la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'appréciation de la compétence du salarié. Cette jurisprudence nous indique qu'il faut raisonner en quatre temps pour déterminer si un salarié est compétent ou non : 1) Les objectifs fixés, ou résultats attendus, entrent-ils dans le champ de la qualification et sont-ils réalistes ? 2) L'entreprise a-t-elle fourni les moyens nécessaires ? 3) La non-atteinte de résultats n'est-elle pas due à une cause extérieure ? 4) L'entreprise a-t-elle fourni les moyens au salarié d'acquérir les compétences requises pour exercer ses fonctions (obligation d'adaptation) ? »

« Enfin, le droit de la VAE nous apprend que, pour parvenir à la compétence, la formation et l'activité sont équivalentes. »