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« Les grands groupes sont le foyer de l'innovation RH »

SANS | publié le : 18.03.2003 |

Frank Bournois et Jean-Louis Scaringella ont ausculté les évolutions innovantes de la GRH dans les entreprises du CAC 40 (1). Pour eux, les politiques mises en oeuvre dans ces groupes annoncent les tendances à venir dans la plupart des entreprises françaises.

E & C : Pourquoi avez-vous choisi d'étudier, spécifiquement, les pratiques RH des entreprises du CAC 40 ? Forment-elles un groupe homogène en la matière ?

Frank Bournois et Jean-Louis Scaringella : Nous avions choisi de nous pencher sur les entreprises les plus importantes. Mais sur quel critère pouvions-nous nous fonder : les effectifs, le chiffre d'affaires, les résultats financiers... ? La capitalisation boursière est un critère assez parlant. Par ailleurs, étant particulièrement médiatisées, ces entreprises intéressent tous types de lecteurs : responsables RH, salariés en place, étudiants, candidats à un poste... Mais, surtout, nous avons pensé que ces groupes possédant d'importants moyens financiers, c'est en leur sein que nous trouverions des nouveautés et des moyens de les mettre en oeuvre en matière de GRH.

E & C : Cela a-t-il été le cas ?

F. B. et J.-L. S. : Absolument. Les étudiants du Ciffop ont ausculté chacune des 40 entreprises selon une grille d'analyse que nous avions bâtie (stratégie et environnement concurrentiel, internationalisation, organisation de la fonction RH, culture d'entreprise, rémunérations, recrutement-carrières-formation, SIRH et relations sociales), et les réponses des entreprises ont été recoupées auprès d'autres sources. Cela a permis de faire apparaître un foisonnement réel d'innovations RH. Mais aussi de démontrer l'existence, dans ces groupes, d'une véritable cohérence entre leurs modes de gestion des ressources humaines, leur environnement, leur stratégie, leur organisation, et, venant faire le lien entre tous ces éléments, leur culture. Or, une culture ne se décrète pas, mais s'hérite d'une histoire d'entreprise, et, à ce titre, s'infléchit peut-être mais ne se manipule pas. C'est pourquoi il ne suffirait pas de piocher, auprès de chaque entreprise étudiée, la meilleure pratique RH, puis de les additionner, pour avoir la meilleure GRH. Pour autant, nous sommes persuadés que les politiques de gestion des ressources humaines mises en oeuvre par ces grands groupes constituent, en quelque sorte, les premières vagues, qui annoncent les vagues à venir, qui déferleront dans les autres entreprises.

E & C : Quelles sont les tendances qui vous ont paru particulièrement marquantes ?

F. B. et J.-L. S. : Tout d'abord, la coexistence, à quasi-égalité, de deux types de profil de DRH groupe : ceux qui viennent de l'opérationnel avant de prendre des responsabilités RH, et les spécialistes, qui ont eu une carrière fonctionnelle. Nous pensons que l'on va assister à une montée en puissance des généralistes du management : tout d'abord parce que c'est le cas ailleurs en Europe, mais aussi parce que les entreprises recherchent des dirigeants « orientés business ». Ainsi, dans ces grands groupes, le "DRH stratège" est une réalité : il fait partie du comité exécutif, prend part à la décision stratégique, et combine parfois ce rôle avec une fonction de conseiller du président, de directeur de filiale, ou encore avec la responsabilité de grands comptes.

Un deuxième fait marquant réside dans le développement des SIRH, qui donnent un rôle de plus en plus important au salarié. Les intranets mondiaux, notamment, permettent de communiquer en temps réel, partout dans le monde. Cela réduit singulièrement le pouvoir lié à la détention de l'information : par exemple, les procédures d'évaluation ou de mobilité interne ne font plus l'objet de "on-dit" et peuvent être connues de tous. Tout comme les plans d'actionnariat salarié, ou les stratégies de développement durable, ces politiques ont pour effet de donner une place plus grande aux individus, alors même qu'ils sont noyés dans un environnement international.

E & C : En matière de gestion des carrières, également, la tendance est d'en laisser, toujours plus, la responsabilité aux individus eux-mêmes...

F .B. et J.-L. S. : Effectivement, la gestion des carrières a connu une importante démocratisation. Et si les « hauts potentiels » font toujours l'objet d'une attention particulière, de nombreux DRH sont conscients du risque d'un traitement trop différencié, qui les oppose au reste des salariés. Certains préfèrent parler d'ailleurs de « potentiels », tout court, ou de « talents », en essayant d'élargir le nombre de salariés concernés. Par ailleurs, de la même manière que le terme "qualification" a disparu au bénéfice de la "compétence", le mot "carrière" tend à s'effacer. Désormais, on parle plutôt d'employabilité, et la prochaine étape, à notre sens, va être celle de la "résilience". C'est-à-dire la capacité à anticiper et à mieux rebondir sur les « chocs professionnels ».

(1) RH, les meilleures pratiques des entreprises du CAC 40, Frank Bournois, Jacques Rojot et Jean-Louis Scaringella, éditions d'Organisation, 712 pages, 40 euros.

LEURS LECTURES

Frank Bournois

- Le murmure des fantômes, Les vilains petits canards, Un merveilleux malheur, de Boris Cyrulnik, éditions Odile Jacob, 2003, 2001 et 2000.

- Gustave Eiffel, de Michel Carmona, éditions Fayard, 2000.

Jean-Louis Scaringella

- La comédie humaine, d'Honoré de Balzac, Bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard, 1976 à 1981.

- Albert Speer, de Joachim Fest, éditions Perrin, 2001.

PARCOURS

Adjoint à la direction des cadres d'une division du groupe Rhône-Poulenc, puis professeur de GRH à l'université Lyon-3, Frank Bournois a été responsable des études à l'Institut des hautes études de la Défense nationale, avant de pren- dre la direction du Ciffop (Paris-2 Panthéon Assas). Il est responsable scientifique de la chaire "Dirigeance" à l'ESCP-EAP.

Professeur de gestion et de finance, Jean-Louis Scaringella a été directeur de HEC et du CPA, avant de prendre la direction de l'ESCP-EAP.

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