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La mobilisation dans l'urgence

SANS | publié le : 10.03.2003 |

Face à l'avalanche des plans de licenciements, partenaires sociaux et gouvernement ont décidé de réagir. Trois dates ont été retenues : le 18 mars, le 17 avril et le 6 mai, pour tenter d'innover et d'éviter la casse sociale.

Contrat de sécurité professionnelle, mutualisation du risque emploi, renforcement du rôle du comité d'entreprise, obligation de reclassement... A quelques jours de la conférence nationale sur l'emploi, qui aura lieu le 18 mars, rue de Grenelle, les partenaires sociaux affinent leurs propositions.

De fait, l'urgence est réelle : plus de 10 000 postes ont été supprimés ces derniers mois et, selon la CFE-CGC métallurgie, ces suppressions ne sont qu'un avant-goût des restructurations à venir. Giat devrait annoncé, dans les prochains jours, son sixième plan social, tandis que la téléphonie devrait poursuivre ses licenciements. Le Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales), qui représente quelque 101 500 emplois, prévoit, de son côté, une réduction des effectifs directs de l'ordre de 3 % à 5 % en 2003.

Indignation, colère des intéressés... Les plans de licenciements sont de moins en moins bien tolérés. A Cognac, en Charente, la situation a tourné au drame humain. Trois salariés de Martell (groupe Pernod-Ricard) ont entamé une grève de la faim afin de protester contre les 114 suppressions de poste prévues, alors que leur usine n'est « ni déficitaire, ni en difficulté ».

Occupations de locaux

A Saint-Denis (93), 500 personnes ont envahi, jeudi dernier, un magasin Décathlon pour protester contre les délocalisations qui touchent le textile, en scandant des slogans désespérés : « La grande distribution, fossoyeur du textile. » L'amertume était tout aussi vive à Lens (62), où plus de 1 000 manifestants sont venus protester contre les dégraissages et les fermetures d'usines dans le Nord : Metaleurop, La Française de mécanique, Sollac, Lu-Calais, Renault-Douai, Testut...

Dix-huit mois de délai

Face à la pression, les partenaires sociaux ont décidé de réagir. Ils se sont réunis, le 3 mars dernier, pour ouvrir une négociation sur « le traitement social des restructurations ». Les organisations ont, en effet, dix-huit mois, pour aboutir à un accord interprofessionnel. C'est le délai que leur a laissé François Fillon, le ministre du Travail et des Affaires sociales, après avoir suspendu onze articles du volet licenciement de la loi de modernisation sociale (LMS), fin 2002. Les partenaires sociaux vont-ils se retrouver sur les licenciements, alors que les négociations sur les 35 heures sont au point mort ? L'intérêt des parties est ici réel, la dégradation de la situation de l'emploi les presse à faire vite, et, à défaut d'entente, le législateur risque de reprendre la main, ce que personne ne souhaite.

Divergence de vue

La question des licenciements divise, toutefois, les acteurs : si les syndicats de salariés réclament de meilleures garanties en matière de reclassement et de prévention des licenciements, le patronat souhaite, de son côté, s'en tenir davantage à la procédure. Toutefois, entre ces deux positions extrêmes, plusieurs propositions se font jour. La CGT a mis en avant l'idée d'un nouveau statut du travail salarié, visant à élaborer de nouveaux droits en matière d'emploi : plus grande sécurité des parcours professionnels, en termes de rémunération, de retraite, de protection sociale, quels que soient les aléas de carrière.

La CFDT s'est prononcée pour un "droit au reclassement" et pour la "responsabilisation sociale et environnementale des entreprises". La CFTC ne dit pas autre chose en demandant aux entreprises, non seulement de maintenir l'employabilité de leurs salariés, intra-muros, mais aussi de se pencher sur le reclassement et la réindustrialisation du bassin d'emploi (sous-traitants...). En outre, Michel Coquillon, en charge de l'emploi au sein de la confédération chrétienne, suggère de distinguer deux types de plans sociaux, « les plans sociaux défensifs applicables aux sociétés en difficulté financière ou en liquidation et les plans sociaux offensifs, à travers lesquels les entreprises cherchent à renforcer leur compétititivé ».

La CGC métallurgie préconise, de son côté, une « mutualisation du risque emploi » par les entreprises, afin de « susciter » chez leurs dirigeants « la prévention des licenciements » et des « risques de fermeture ». Le syndicat se dit, ainsi, favorable à la création d'un fonds alimenté par une nouvelle cotisation pesant sur les entreprises. Des ristournes pourraient également être accordées aux plus innovantes.

Inventaire des pratiques

Cette première réunion a surtout permis de se mettre d'accord sur un point : les partenaires veulent se concentrer sur l'analyse des pratiques, bonnes ou mauvaises. Ce seront deux experts reconnus, Bernard Bruhnes (BBC) et Raymond Soubie (Altédia), qui seront chargés de dresser cet inventaire. Sans nul doute, leurs travaux décortiqueront les méthodes de Metaleurop ou de Daewoo, ces "patrons voyous" qui n'hésitent pas à fuir les problèmes, abandonnant leurs entreprises pour éviter de payer des indemnités. Ils devraient également mettre en avant les accords de méthode signés, par exemple, chez Alcatel, Carrefour-Promodès, Aventis (voir Entreprise & Carrières n°652), qui visent à anticiper les mesures de reclassement, avant même qu'un plan social ne soit annoncé. A charge, ensuite, aux partenaires sociaux, d'en tirer des conclusions.

La seconde réunion, le 6 mai, devrait être consacrée à l'étude de l'accord du 6 mai 1969, qui a donné naissance à toute la réglementation sur les licenciements. Ce n'est probablement qu'après que le patronat et les syndicats entreront de plain-pied dans la négociation.

Plate-forme commune

Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, ne doute pas d'arriver à une plate-forme de propositions : « Il existe une convergence d'idées assez forte. Aucun des partenaires ne souhaite se limiter au simple accompagnement des licenciements, mais chacun cherche à défendre les droits des salariés et à mieux responsabiliser les entreprises. »

En attendant, ils se retrouveront avec le ministre du Travail et des Affaires sociales, le 18 mars, pour la conférence sur l'emploi. Elle devrait aborder quatre thèmes, l'insertion professionnelle des jeunes, la gestion prévisionnelle des âges (et notamment le taux d'activité des plus de 50 ans), le parcours vers l'emploi des personnes les plus en difficulté et la formation tout au long de la vie.

Une énième grand-messe ? Personne ne le souhaite. Mais tous gardent en mémoire la conférence d'octobre 1997 sur les 35 heures, au cours de laquelle l'Etat avait bouleversé les partenaires sociaux et contraint le patron des patrons à démissionner...

Les préretraites ont toujours la cote

Ni les futures perspectives du papy-boom, ni les pénuries de main-d'oeuvre qui se profilent ne semblent dissuader les entreprises de recourir aux préretraites. Car, avec la multiplication des plans sociaux, ce dispositif connaît, actuellement, un véritable regain d'intérêt.

Alcatel CIT négocie actuellement des préretraites à partir de 53 ans, et l'UIMM, l'Union des industries et des métiers de la métallurgie, a étendu, fin février, son dispositif Casa (Cessation d'activité des salariés âgés) à 18 nouvelles entreprises, parmi lesquelles Schindler, David Brown Guinard Pumps et Bergerat Monnoyeur...

En France, la volonté d'inverser la tendance est pourtant réelle. Après avoir supprimé le système de pré- retraite contre embauche (Arpe), les partenaires sociaux ont successivement durci les règles d'indemnisation de l'assurance chômage, à la fin 2002.

Quant à l'Etat, il a restreint le financement des préretraites, limité aux métiers pénibles - industrie - et dangereux. Mais, à l'heure des restructurations, les entreprises jouent, elles, à contre-courant pour limiter la casse sociale.