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SANS

Spleen le jeune

SANS | publié le : 25.02.2003 |

Lui, il a toute la panoplie. Avec son catogan, ses baskets fluo et sa trottinette pliante, le voilà tout droit échappé d'un reportage sur la web génération. Et il le sait.

« Nous, les nouveaux supports du réseau, franchement, les barons du système, ils nous cassent l'ascenseur républicain ! »

Voilà qui est bien dit. Regardons de plus près.

Dans cette grande organisation de vente, quelques centaines de "patrons-propriétaires" sont, en effet, encadrés par des "supports-terrain" quelquefois plus jeunes qu'eux, souvent plus diplômés, et toujours moins riches. C'est la dure loi du système. Mais c'est aussi la voie royale d'accès à la position enviée d'exploitant.

Et là, à nous les marges grassouillettes, la croissance à deux chiffres, et juste après, la présidence du club de foot local. Et peut- être un petit mandat politique local, pour parfaire le tableau. Trente ans de réseau, trente ans d'histoires exemplaires, de revanche sociale, et de construction patrimoniale. Une vraie success story, un modèle admirable et envié.

Ce n'est pas l'avis de tout le monde.

« Ascenseur républicain ? Tu parles ! Piège à c..., plutôt. Il y a des années que le système est coincé. Et, aujourd'hui, impossible de suivre la même voie que les anciens. Ils ont verrouillé toutes les bonnes positions et bouché tous les tuyaux d'accès en casant leurs propres enfants ! »

Allons bon. Ce n'est déjà plus la République, c'est déjà l'Empire. Mon animateur s'échauffe.

« Battre le terrain, je le fais. Soutenir à bout de bras des incapables assoupis sur la rente de leur papa, je le fais aussi. Mais c'est déjà moins drôle. Ramer tous les jours sans espoir de progresser vraiment, je me demande pourquoi je continuerais à le faire ? Même les esclaves avaient l'espoir d'être affranchis. Pas nous. »

Un peu amer, le gaillard. Et pas dans la finesse. Je m'apprête à réagir, histoire de modérer le propos. Il m'arrête d'un geste.

« Surtout, ne dites rien. Je sais que j'exagère. Mais vous savez ce qui nous attend, nous, les jeunes de l'entreprise ? Au moins vingt ans de galère avant de tenir les manettes pour de bon. Et que restera-t-il du gâteau, à ce moment-là ? Pas grand-chose. Boulotté par des cohortes de petits vieux accrochés à leurs revenus et à leur passé de nantis. Tu parles d'un programme ! »

J'ai peur qu'il ait raison.

Pierre-Loïc Chantereau < http://www.equation-management.com >