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LES ACCORDS RTT RESISTENT A LA LOI FILLON

SANS | publié le : 25.02.2003 |

Deux mois après l'adoption de la loi Fillon au Parlement, les négociations des branches professionnelles et des entreprises sur l'assouplissement des 35 heures patinent. Même si, sur le terrain, des dysfonctionnements existent, patronat et syndicats ne souhaitent pas rompre des accords reposant, dans la plupart des cas, sur le modèle "gagnant-gagnant".

L'initiative gouvernementale pourrait tourner court : en donnant dix-huit mois aux branches professionnelles pour négocier une partie des assouplissements de la loi Aubry, François Fillon, ministre des Affaires sociales, voulait réécrire une loi sur la RTT mieux adaptée aux entreprises et aux salariés. Mais l'attitude du patronat tout comme celle des organisations syndicales pourrait mettre à mal ses intentions de départ. Les acteurs rechignent actuellement à rouvrir les dossiers. Leur position n'est, d'ailleurs, pas dénuée d'ambiguïté. Verbalement, le patronat épouse les positions du gouvernement : l'utilisation des heures supplémentaires est indispensable pour combler le manque de main-d'oeuvre qualifiée. Les unes après les autres, les fédérations ont, d'ailleurs, toutes réclamé une augmentation du contingent des heures supplémentaires (180 au lieu de 130 heures prévues par la loi Aubry), ainsi qu'une diminution de leur coût de majoration. Mais sur le fond, peu d'entre elles sont prêtes à passer à l'acte. Elles tiennent avant tout à calmer le jeu et à préserver la paix sociale au sein des entreprises de leur secteur. « La loi Aubry était une erreur, soutient Eric Hayat, président du Syntec, qui regroupe trois fédérations - la branche informatique, le conseil et l'ingénierie (500 000 salariés). Mais aucune négociation n'est prévue. Les jours de RTT sont aujourd'hui entrés dans les moeurs et il est très difficile de revenir en arrière. »

Boîte de Pandore

Guère plus convaincus, les syndicats ne souhaitent pas, non plus, ouvrir la boîte de Pandore des négociations. Une nouvelle discussion pourrait mettre à mal les garanties sociales obtenues lors des précédents accords. Les syndicats ne sont, d'ailleurs, pas favorables à une augmentation du contingent des heures supplémentaires. L'extension du forfait cadre, tout comme la monétisation du compte épargne-temps ne recueillent pas un franc succès. Les parties devraient, dès lors, avoir des difficultés à trouver un terrain d'entente pour signer un nouveau texte.

Un bilan bien mince

Vraisemblablement, le bilan pourrait être bien mince, lorsque le gouvernement fera le point des discussions. C'est pourtant en juillet 2004 que le décret transitoire sera réexaminé au vu des négociations de branche.

Pour autant, les lois Aubry n'échappent pas à la critique. Sur le terrain, des dysfonctionnements existent. Les difficultés d'application des accords ont été largement sous-estimées. Autre écueil : les dissensions entre les délégués syndicaux de terrain et les confédérations dont les directives ne tiennent pas toujours compte des spécificités locales. Stéphanie Savel, consultante associée de Stratégie et gouvernance sociales, pointe du doigt l'organisation des temps collectifs : « L'application des accords révèle des problèmes organisationnels pour les opérationnels et les managers, que ce soit au niveau d'un service, d'un atelier ou d'un établissement, indique-t-elle. La réduction du temps de travail a créé un contexte où il est de plus en plus difficile de travailler ensemble. Concrètement, les moments où les équipes sont au complet sont rares. »

Charge de travail

Christian Bourgoin, manager senior à Algoe, met en avant la charge de travail des cadres, source de fortes tensions : « Si les cadres bénéficient de la RTT, l'entreprise ne s'est jamais préoccupée de diminuer leur charge de travail. Or ils sont, aujourd'hui, beaucoup moins solidaires de leur management. » Les autres difficultés concernent la modulation du temps de travail (alternance de périodes hautes et de périodes basses), parfois difficile à prévoir, notamment en période de baisse d'activité.

Commissions de suivi

« Les commissions de suivi, instaurées par la loi Aubry, permettent de gommer ces imperfections, assure François Navarranne, vice-président du cabinet Ides Consultants. Organisées chaque année, elles donnent l'occasion aux partenaires sociaux de rediscuter des points litigieux de l'accord, au plus près du terrain. »

En somme, le volet de la loi Fillon consacré au temps de travail ne résoud rien. Comme si cette loi du 17 janvier 2003 n'existait, pour l'heure, qu'au conditionnel : si elle recevait l'aval des branches professionnelles, tout comme celui des entreprises ; si les organisations syndicales s'appropriaient ce texte... Mais, pour l'heure, la loi Fillon n'est pas encore appliquée.

L'essentiel

1 Les branches professionnelles ont dix-huit mois pour faire des propositions au gouvernement. Mais peu d'entre elles sont prêtes à ouvrir un débat qui s'est souvent révélé conflictuel.

2 Pourtant, sur le terrain, des dysfonctionnements existent. Les difficultés d'application ont parfois été sous-estimées. Ce sont les commissions de suivi, mises en place par la loi Aubry, qui, pour l'heure, permettent de faire des ajustements.

3 Les syndicats, tout comme le patronat, ne se sont pas encore appropriés la loi. Pour l'heure, la loi Fillon manque d'applications concrètes.