E. & C. : Quels défis représente l'entrée massive de jeunes peu qualifiés dans les entreprises ?

N.F. : Pour remplacer les départs massifs à la retraite, les entreprises risquent de devoir abaisser leurs exigences. Ce faisant, elles s'exposent à intégrer certains jeunes qui sont en marge du système scolaire et de la Cité, et n'ont pas les codes nécessaires pour s'adapter aux contraintes et aux règles de l'entreprise. Ce qui peut déboucher sur des comportements inadaptés à ce qu'elle attend.

E. & C. : Les jeunes sont-ils seuls en cause ?

N.F. : Non, le contexte joue un rôle important. Le statut précaire qu'ils se voient imposer les maintient dans un rapport d'immédiateté avec les événements, qui les empêche de relativiser. Cela crée un terreau propice au déclenchement de tensions, de conflits, voire, dans les cas extrêmes, de violence. Un autre facteur important est la préparation des managers de proximité à faire face à ce public.

E. & C. : Quels principes d'action les managers de proximité peuvent-ils adopter ?

N.F. : Un manager qui s'appuie seulement sur la hiérarchie et l'expertise technique pour asseoir son autorité a peu de chances de réussir. En revanche, il lui faudra être capable de relativiser les codes des jeunes sans s'en offusquer et de donner du sens au travail qu'ils accomplissent. Ce qui ne signifie pas qu'il doit accepter tout et n'importe quoi. C'est à lui de définir ce qui est négociable et ce qui ne l'est pas. En outre, il doit être lui-même exemplaire dans l'application des règles. Si l'on additionne tout cela, beaucoup de responsabilités pèsent sur les épaules des managers. En conséquence, l'entreprise a tout intérêt à les soutenir.

E. & C. : Les entreprises anticipent-elles les difficultés de l'intégration de ces jeunes ?

N.F. : Pas vraiment. En fait, elles ne commencent à s'attaquer au problème que lorsqu'elles voient apparaître des signes très visibles de dysfonctionnement, alors que les causes auraient pu être traitées bien avant.