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Les salariés accidentés espèrent une réparation intégrale

SANS | publié le : 17.12.2002 |

Plus d'un an après l'explosion d'AZF, à Toulouse, les salariés blessés attendent une réforme de l'indemnisation des accidents du travail qui leur permettrait une réparation intégrale. Un arrêt de la Cour de cassation concernant les victimes de l'amiante a ouvert une brèche dans ce sens.

Plus grave accident industriel de l'après-guerre, l'explosion de l'usine chimique AZF, le 21 septembre 2001, à Toulouse, est à l'origine de 30 morts (dont 10 salariés) et 2 500 blessés ; 155 personnes parmi les salariés du site ont été blessées. La moitié d'entre elles ont été en arrêt de travail pendant plusieurs semaines, une dizaine de personnes sont encore arrêtées. Bon nombre garderont des séquelles à vie.

Mesures exceptionnelles

L'ampleur de l'accident a nécessité la mise en place de mesures exceptionnelles, au lendemain de l'explosion. « Les salaires ont été maintenus en l'état, quelle que soit la durée de l'arrêt de travail, et les contrats de prévoyance ont été avantageux », précise Patrick Timbart, chargé, par le groupe TotalFinaElf, du règlement des dossiers des salariés du site chimique. La totalité du montant des primes, dans le cadre de contrats d'assurance en responsabilité civile, serait évaluée entre 180 et 240 millions d'euros. Parallèlement, un fonds de solidarité, représentant 1,2 million d'euros, a été doté par la direction d'un montant identique aux sommes collectées.

Suivi des indemnisations

Sous l'égide de la direction des affaires criminelles, un comité de suivi a rapidement été mis en place pour suivre le règlement des indemnisations de l'ensemble des victimes. Mais les accidents du travail restent un cas à part et ne sont pas régis par les principes d'indemnisation du droit commun (lire encadré). « Jusqu'à présent, les accidents du travail dérogeaient au principe de l'indemnisation intégrale, sauf dans le cas où l'on pouvait démontrer la faute inexcusable de l'employeur, ce qui était extrêmement difficile, explique François-Robert Rastoul, avocat de la Fnath (Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés) et défenseur des salariés toulousains. Or l'affaire de l'amiante a ouvert une brèche. L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, du 28 février 2002, n'impose plus l'obligation, pour le salarié, de démontrer "la faute inexcusable" de l'employeur, celui-ci ayant une obligation de "sécurité de résultat". Il y a là un renversement de la charge de la preuve, puisque ce n'est plus à la victime de faire la preuve de la faute inexcusable, mais à l'employeur de prouver qu'il ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié. »

Procédure en référé

Une procédure en référé a été engagée par treize salariés toulousains devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale. L'audience, qui devait avoir lieu le 11 décembre dernier, a été reportée au 29 janvier prochain. En attendant, elle a eu pour effet de faire réagir le service juridique de TotalFinaElf, qui a pris contact avec les avocats afin de négocier sur la base de préjudices "complémentaires". Ce référé, s'il a lieu, sera immédiatement exécutable, et pourra permettre des indemnisations complémentaires, comme la majoration de rente en cas d'incapacité totale, la prise en compte des souffrances psychiques ou morales, de préjudices physiques et économiques. Il s'agirait là d'une première qui ne devrait pas manquer d'améliorer la prise en compte élargie de préjudices en attendant une réforme en profondeur de la loi.

Evaluation délicate

« Le plus difficile à évaluer, ce sont les séquelles psychologiques, qui jouent sur le long terme. On essaie de demander aux salariés de refuser toute indemnisation individuelle et de recourir à des associations ou services juridiques, et, surtout, de ne rien signer de définitif qui limiterait tout recours, explique Maurice Daubèze, élu CGT du groupe et également blessé, actuellement en arrêt maladie. Les sommes versées jusqu'à présent correspondent à des avances, qui répondaient à des demandes ponctuelles au cas par cas, comme une voiture ou un appareillage orthopédique. Même dans le cas d'une indemnisation intégrale, notre cas ne doit pas être assimilé à des accidentés de la route, il faut réformer la législation en ce sens. »

L'une des principales associations de blessés, regroupant des personnes qui se trouvaient hors de l'usine d'AZF, milite également pour une prise en compte spécifique des victimes d'accidents industriels.

Rappel sur la responsabilité civile en cas d'accident

La responsabilité civile en cas d'accident pour le droit commun est régie par les articles 1382 et 1834 du Code civil. Un régime particulier s'applique aux victimes d'accident de la circulation dans lequel un véhicule terrestre à moteur est impliqué. Il est destiné à améliorer et à accélérer l'indemnisation des victimes. Cette loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, prend en compte tous les préjudices qui doivent être réparés intégralement.

Il existe une responsabilité dérogatoire en matière d'accident du travail, et aucune action en réparation des accidents ne peut être exercée (article L451-1 du Code de la Sécurité sociale). L'indemnisation est forfaitaire. Une indemnisation complémentaire est due à la victime ou à l'ayant droit en cas de faute inexcusable de l'employeur (article L452-1 du Code de la SS).