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DES EMPLOYEURS S'ENGAGENT CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES

SANS | publié le : 10.12.2002 |

La couleur de peau ou la consonance d'un nom peuvent bloquer l'accès à un emploi. Cette discrimination, pourtant judiciairement condamnée, perdure. Cependant, des entreprises et des associations ont décidé de prendre le problème en main. Des initiatives à suivre.

A hmed et Fatou, deux prénoms "typiquement" maghrébin et africain. Et ceux qui les portent risquent de ne pas avoir de "chance". Les personnes de pays hors Union européenne restent trois fois plus en recherche d'emploi que les Français (25,5 %, contre 8,1 %), et les jeunes étrangers ont un taux de chômage deux fois supérieur à celui des Français.

Contrairement aux idées reçues, ce phénomène est encore plus accentué pour les diplômés (bac à bac + 5), les étrangers hors UE étant, selon les niveaux, trois à quatre fois plus au chômage que les Français d'origine. Des données équivalentes ne sont pas disponibles pour les Français dont les parents sont originaires, à une ou deux générations, de pays du Maghreb ou des Dom-Tom, car les statistiques françaises ne prennent pas cet aspect en compte.

Racisme à l'embauche, à la promotion. Emplois statutairement fermés aux étrangers. Que les discriminations raciales à l'accès à l'emploi soient conscientes ou non, qu'elles soient difficilement quantifiables, qu'elles évoluent selon la santé du marché de l'emploi ne change rien. Elles entraînent, chez les victimes, dépit, puis rancoeur et peut-être pire. Et pour la société et les entreprises françaises, une perte d'énergie.

Information et judiciarisation

Comment lutter contre ? Par l'information, par la judiciarisation. Le Groupe d'étude des discriminations (GED) a été créé en 1999, puis transformé en Geld (Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations). Le "114", numéro de téléphone gratuit* sur les discriminations raciales, mis en place le 16 mai 2000, reçoit des appels concernant l'emploi, la vie professionnelle et la formation, qui représentent le premier motif de signalement (environ 35 % des appels). Depuis sa mise en service et jusqu'au 31 janvier dernier, 39 353 appels utiles ont été comptabilisés. Ils ont donné lieu à 10 663 fiches de transmission aux Commissions départementales d'accès à la citoyenneté (Codac), qui sont censées "judiciariser" les démarches.

Une autorité idépendante

La loi du 16 novembre 2001 a apporté des changements judiciaires (élargissement du champ des discriminations, notion de discrimination indirecte, aménagement de la charge de la preuve, la victime devant établir des faits, l'employeur faisant la preuve que sa décision n'a pas été prise sur un motif discriminatoire et le juge formant, ensuite, sa propre conviction, droit pour les syndicats d'ester en justice à la place des victimes...). En 2002, la lutte contre les discriminations raciales a même été déclarée "grande cause nationale" par le gouvernement Jospin. Des spots télévisés ont été diffusés.

Le 14 octobre dernier, le président de la République s'est prononcé en faveur d'un engagement formel des nouveaux immigrants et pour la création d'une autorité indépendante pour lutter contre les discriminations. L'idée n'est pas neuve : elle avait été proposée dans le rapport du socialiste Jean-Michel Belorgey, publié en mars 1999. Bien que soutenue par de nombreuses associations, elle n'a jamais vu le jour. L'avenir de cette nouvelle autorité dépendra des moyens et prérogatives qui lui seront accordés.

Pas de politique de quota

Peut-on et doit-on aller au-delà de ce genre d'initiatives ? La France a toujours dit non à une politique de quota. Nicole Ameline, nouvelle ministre déléguée à la Parité et à l'Egalité professionnelle, confirme, aujourd'hui, cette position (lire p.19). SOS Racisme reste également opposé aux politiques de quota, mais prône « des politiques volontaristes afin de créer une réelle dynamique d'intégration », car « le principe d'égalité ne peut suffire comme remède au fléau de la discrimination ».

Rapport à l'entreprise

La lutte contre les discriminations raciales est d'autant plus nécessaire que l'absence de travail légal nourrit le recours au travail illégal ou au noir, analyse Générations-Solidarités, association proposant un système de parrainage par de jeunes retraités : « Il est très dur de sortir les jeunes de ces systèmes. Leur rapport à l'entreprise est sapé. Si la représentation des employeurs vis-à-vis des jeunes, de la banlieue, ou des immigrés est fausse, celle de ces personnes, et notamment les jeunes, vis-à-vis des adultes, de l'entreprise, des employeurs, en devient tout aussi fausse. » Le problème risque de rester "grande cause nationale" pour longtemps encore.

* Il est accessible du lundi au vendredi, de 9 h à 19 h depuis la métropole et les DOM, à partir des postes fixes et des portables.

L'essentiel

1 Les discriminations raciales à l'embauche ou à la promotion professionnelle, qui touchent proportionnellement davantage les diplômés que les non- diplômés étrangers, restent un sujet tabou en France.

2 Le président de la République s'est prononcé en faveur de la création d'une autorité indépendante pour lutter contre ce type de discrimination.

3 Rares sont ceux qui revendiquent des politiques de quota, mais toutes les associations de lutte contre ces discriminations réclament des politiques volontaristes.

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