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OU VA LA FONCTION RH ?

SANS | publié le : 03.12.2002 |

Choc démographique, contexte budgétaire de plus en plus contraignant, développement de la violence et du stress, difficulté à trouver des relais efficaces chez les managers... Ces nouveaux enjeux, sur fond de décentralisation, érigent la fonction RH à un niveau beaucoup plus stratégique que la traditionnelle gestion des statuts.

Mutualisation des moyens, polyvalence des tâches et mobilité accrue, telle est, grosso modo, la feuille de route que le gouvernement vient d'adresser aux 1,6 million de fonctionnaires territoriaux. Vingt ans après les lois Mauroy-Defferre, le deuxième volet de la décentralisation, lancé à la mi-octobre par le Premier ministre, va, à coup sûr, constituer un électrochoc pour la fonction RH dans les collectivités locales. Tel est, en tout cas, le pronostic de Jean-Pierre Mandeville, membre du pôle de compétences RH à l'Ecole nationale d'application des cadres territoriaux (Enact) d'Angers. « La mise en oeuvre de l'intercommunalité et les effets de cette décentralisation "bis" vont modifier en profondeur les missions des DRH. Pour cette population, un paysage inédit va se dessiner », résume ce responsable de formation. Sur les conséquences du projet de loi Raffarin, les DRH sont persuadés que ce bouleversement institutionnel risque d'accélérer la concurrence entre collectivités et, du même coup, de creuser les disparités.

Gestion des départs

Par ailleurs, le problème colossal des recrutements va se poser avec une plus grande acuité. Car, d'ici à 2016, un fonctionnaire territorial sur deux sera parti en retraite, le rythme des départs prenant son plein effet à compter de 2006. Un appel d'air qui concernera plus particulièrement l'encadrement. « En 2014, nous aurons perdu la moitié de nos agents. La gestion des départs est un défi majeur qui suppose de travailler simultanément sur les compétences, l'organisation du travail, le suivi des carrières », souligne Valérie Chatel, DRH de Lille Métropole, la communauté urbaine lilloise.

Reste que ce choc démographique va se poser différemment suivant les collectivités. « Celles affichant des politiques salariales avantageuses capteront les meilleurs profils, les autres se partageront les miettes », constate Michel Le Lann, DRH de la ville d'Amiens. D'autant plus que la réforme du régime indemnitaire risque de pénaliser les collectivités territoriales aux ressources financières limitées.

Les régions bénéficiaires de la réforme

« L'objectif de cette réforme est d'introduire plus de souplesse dans l'attribution des primes, lesquelles peuvent représenter jusqu'à 30 % ou 40 % de la rémunération des agents. Autrement dit, cela aboutira à une revalorisation qui impactera fortement le budget des communes. Les régions, grandes bénéficiaires du projet Raffarin, monteront inexorablement en puissance, au grand dam des départements et des communes de taille moyenne », analyse Bernard Lorreyte, directeur du pôle collectivités locales chez Bernard Brunhes Consultants.

Résultat : si cette nouvelle donne amène les DRH à réfléchir sur de nouveaux process en matière de développement des compétences, des pratiques à la limi- te de la légalité commencent à voir le jour. « Pour recruter, certaines villes moins attractives n'hésitent plus à verser d'importantes primes à l'embauche », souffle un DRH.

Paradoxalement, cette concurrence sur le front du recrutement se déroule dans un contexte de pression budgétaire sans précédent. Si le passage aux 35 heures a peu grevé le budget des grandes villes, le poste masse salariale, qui atteint parfois plus de 50 % des charges, est surveillé comme le lait sur le feu par les élus.

Gestion rigoureuse

« Le poids de la masse salariale est excessivement pesant. Cette contrainte nous impose la mise en place de méthodes de gestion rigoureuses », confirme Jean-Philippe Heppe, directeur de la division personnel de la ville de Lyon et président de l'Association des DRH des grandes villes de France. A Amiens, la maîtrise des dépenses de personnel s'est concrétisée par une chasse aux gains de productivité, passant, notamment, par une refonte de l'organisation du travail ainsi que par l'introduction en masse des outils informatiques. « Notre service RH compte 45 personnes, un chiffre qui n'a pas bougé depuis 1989, alors que nous traitons deux fois plus de paies », indique Michel Le Lann.

Niveau de prestations

A cette pression interne s'ajoute celle des usagers pour un service public toujours plus réactif. Une situation que les DRH ont de plus en plus de mal à assumer. « Posons clairement la question à nos élus : quel est, en fonction des ressources existantes, le niveau de prestation souhaité ? », s'interroge l'un d'entre eux. En filigrane, cet équilibre pose aussi la question de l'externalisation. « Pour répondre aux nouveaux besoins des usagers, nous devons identifier les services que nous devrons assurer ou, au contraire, externaliser », affirme Michel Delamaire, directeur général de la ville du Havre.

Actes de violence

Et la recrudescence, en interne, des actes de violence n'est pas non plus étrangère à cet environnement. Lors de sa dernière assemblée générale, l'Association des DRH départementaux a envisagé la création d'une commission pour traiter ce fléau. « Pour la première fois, j'ai eu à régler des problèmes de violence à l'intérieur des services », admet Nicole de Dieu le Ville, présidente de cette association et DRH du conseil général des Pyrénées-Atlantiques. Si les DRH multiplient les actions de prévention et les instances de médiation pour endiguer les actes conflictuels, ils assistent, parallèlement, à un développement du stress.

A Lille, cette maladie a fait l'objet d'une enquête approfondie, suite à un rapport alarmant de l'inspection du travail. Plus grave, selon Bernard Lorreyte, les agents ne supportent plus le manque de reconnaissance de leur hiérarchie : « Ils n'ont plus de repères, ce qui entraîne des cas de dépression et de l'absentéisme. » Pour ce fin connaisseur de la fonction publique territoriale, ce mal-être pro- vient, en partie, d'un déficit managérial.

« Bien souvent, les managers se révèlent incapables de traiter les conflits », tranche Michel Le Lann. « Plus géné- ralement, la déconcentration de la fonction RH en direction des managers est l'autre grand chantier de la GRH », affirme Bernard Lorreyte.

Formation des cadres

Toutefois, les pratiques de management évoluent. L'évaluation et la détermination des objectifs font, aujourd'hui, partie des missions courantes du manager. Et les collectivités n'hésitent plus à investir dans la formation de leurs cadres. Véronique Riffault, responsable de la GRH à la ville de Clermont-Ferrand, leur consacre, chaque année, des séminaires pour « façonner une culture managériale ».

Par ailleurs, les DRH se sont progressivement outillés. La percée des NTIC les aide à mieux se concentrer sur les enjeux. « Les pratiques RH se rapprochent de celles du secteur privé », constate Stéphane Hocquet, consultant chez Algoé. « Il est fréquent, observe Jean-Pierre Mandeville, de l'Enact d'Angers, que les DRH participent au comité de direction. Ils ont de moins en moins cette vision statutaire de leur métier. » Ont-ils vraiment le choix ?

L'essentiel

1 Pour les DRH de la fonction publique territoriale, le projet de loi Raffarin sur la décentralisation risque d'accélérer les phénomènes de concurrence entre collectivités locales et, du même coup, de creuser les disparités.

2 Dans les villes, départements ou régions, les DRH doivent gérer le problème colossal des départs. D'ici à 2016, un fonctionnaire territorial sur deux sera parti en retraite.

3 Des budgets de plus en plus contraignants, l'absence de relais chez les managers et l'augmentation des conflits en interne sont, actuellement, les autres défis à relever pour la fonction RH.

La fonction publique en chiffres

La fonction publique territoriale emploie 1 619 000 agents répartis au sein de 26 conseils régionaux, 100 conseils généraux, 36 773 communes.

A titre de comparaison, la fonction publique de l'Etat regroupe 3 500 000 agents, tandis que la fonction publique hospitalière en emploie 810 000.

Les fonctionnaires territoriaux représentent 8 % de la population active et 27 % de la fonction publique. Ils se partagent quelque 270 métiers répartis en 57 cadres d'emploi et 8 filières (administrative, technique, culturelle, sportive, sanitaire et sociale, animation, police municipale, sapeurs-pompiers).