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Les agents contribuent au projet industriel de la SNCF

SANS | publié le : 03.12.2002 |

Dans le cadre de l'élaboration du projet industriel 2003-2005, la SNCF a procédé à une vaste consultation interne. Les cheminots réclament, notamment, des managers pleinement responsabilisés, une organisation moins cloisonnée et un meilleur dialogue.

«Un projet industriel donne des orientations politiques, stratégiques, en fonction du contexte du moment. Il a pour vocation d'être un outil de management. Mais il ne jouait pas pleinement ce rôle, faute d'être suffisamment connu », explique Monique Fournier-Laurent, directrice des cadres et de l'Institut du management de la SNCF, en charge de la "démarche contributive pour le projet industriel 2003-2005".

Le premier volet du projet industriel (1997-1999) avait été élaboré de manière très centralisée, le suivant avait associé l'encadrement, puis avait été décliné dans le cadre de projets d'établissement et d'entité. Mais cela n'était pas suffisant, trop d'agents ignorant encore son contenu. En demandant aux agents de faire des propositions devant « infléchir » le projet industriel, il s'agissait de casser son image "d'affaire de spécialistes". « Par ailleurs, ces dernières années, la SNCF a dû faire face à un environnement en pleine mutation - intégration européenne, ouverture à la concurrence... -, à des orientations stratégiques nouvelles et donc à des bouleversements en termes de management, ajoute Monique Fournier-Laurent. Il y avait donc une réelle volonté de savoir où l'on en était avec les cheminots. »

Quatre thèmes

Tout commence en mars dernier : la direction charge l'agence Campana Eleb de réaliser des interviews filmées de 380 agents et de 70 dirigeants issus des différentes filières et qualifications. L'agence tire de cette enquête préalable plus de cinquante heures d'enregistrement, puis un film de quinze minutes, dont le montage est validé par les intéressés. Leurs préoccupations sont regroupées autour de quatre thèmes : l'Europe, la concurrence, le service public ; l'avenir de l'entreprise, la transmission des connaissances entre les générations ; l'évolution professionnelle ; le management et le dialogue social.

Projeté au début des forums régionaux (étape suivante de la consultation), ce film a pour objectif de cadrer le débat, mais aussi d'inciter les participants à s'exprimer sans réserve, même en présence de leurs supérieurs... Vingt mille cheminots participent aux 100 forums organisés dans toute la France, entre juin et septembre dernier. « Les forums ont permis d'aborder des sujets qui, jusqu'ici, étaient tabous, comme celui de la conflictualité et de ses conséquences sur la perte de clients », témoigne, ainsi, une directrice régionale du fret. Cependant, « une proportion non marginale de cheminots pensaient que cette démarche n'était que de la poudre aux yeux », avoue Monique Fournier-Laurent.

Propositions concrètes

Pourtant, 5 000 agents acceptent, au sein de "groupes de contribution", de faire des propositions concrètes pour améliorer le fonctionnement de la SNCF sur les quatre axes. Exemples de contribution : présenter aux nouveaux embauchés les métiers de la SNCF et le contexte européen, sous forme vidéo ; renseigner le personnel sur le budget attribué à son unité pour le sensibiliser aux contraintes économiques ; inviter les anciens à partager leur expérience lors des formations des jeunes embauchés ; limiter le poids des éléments variables de la rémunération (pour éviter que la perte d'une prime de poste soit un frein à la mobilité) ; augmenter la présence des dirigeants de proximité sur le terrain ; créer une base informatique des conflits sociaux...

Parallèlement, l'analyse des forums permet à la Sofrès d'élaborer un questionnaire envoyé à l'ensemble des salariés. Résumant, pour chaque thème, les différentes prises de position des cheminots, il leur demande d'indiquer celles dont ils se sentent le plus proches. Plus de 45 000 agents (25 %) le remplissent, dont près de 40 % soumettent également une contribution. « Ce qui est frappant, souligne Monique Fournier-Laurent, c'est à quel point les contributions sont responsables et guidées par le souci de mieux répondre aux besoins des clients. Le statut n'est pas la préoccupation première des agents. »

Renouer le dialogue

Après avoir épluché les 4 000 premières contributions, le Comité exécutif a arrêté 18 décisions, qui seront intégrées au projet industriel (lire ci-dessous). Mais ce travail d'analyse n'est pas achevé : à l'heure actuelle, chaque région et chaque direction doivent prendre connaissance, et proposer au débat les contributions de leurs troupes. « Dans l'immédiat, nous devons faire en sorte que chaque responsable hiérarchique ait un échange avec ses agents qui ont fait une contribution écrite, sur le contenu de la proposition et son éventuelle reprise dans une mesure nationale. C'est d'ailleurs un biais pour les encourager à renouer le dialogue avec leurs équipes, explique Sylvie Plot, correspondante régionale projet industriel à Lyon. Par ailleurs, nous avons lancé des groupes de travail pour définir, pour les trois prochaines années, les mesures à mettre en oeuvre pour rénover les pratiques managériales et le dialogue social. »

Au niveau national, un "comité de suivi de la démarche contributive" sera, en outre, constitué, pour vérifier que les dispositifs mis en place sur la base des contributions le soient d'une manière réellement participative, et répondent à l'exigence d'un management nouveau exprimée par les cheminots. « La direction a annoncé la mise en place d'un entretien professionnel annuel pour chaque agent, souligne Monique Fournier-Laurent. L'objectif est que chaque cheminot ait un échange régulier avec son hiérarchique pour parler de son poste, peu importe qu'il ait lieu lors du déjeuner ou à la machine à café, qu'il dure 15 ou 45 minutes... C'est pourquoi le suivi consistera à s'appuyer sur un réseau de terrain pour connaître le ressenti des agents en la matière. Et si l'on apprend qu'une région s'est mis dans l'idée de légiférer, on pourra lui rappeler l'esprit dans lequel cet engagement avait été pris. ».

SNCF

Effectifs : 220 000 personnes dont 181 000 au sein de la maison mère.

Chiffre d'affaires : 20,1 milliards d'euros en 2001 dont 14,2 milliards d'euros pour la maison mère.

L'essentiel

1 Consultés dans le cadre d'une "démarche contributive sur le projet industriel", un quart des 180 000 cheminots sont à l'origine de plus de 15 000 contributions pour préparer l'avenir de la SNCF : ouverture à la concurrence, gestion des carrières, responsabilisation du management...

2Ces contributions ont débouché sur l'annonce, le 23 octobre dernier , de 18 premières mesures qui seront intégrées au projet industriel, présenté début 2003 aux organisations syndicales.

3 La direction va également mettre en place un dispositif de suivi, pour vérifier la mise en oeuvre concrète de ces engagements, dans le respect des objectifs fixés par les cheminots.

Chronologie

Mars 2002 : interviews de 380 agents et de 70 cadres dirigeants.

16 mai : lancement officiel de la démarche contributive.

Juin-septembre : organisation de forums décentralisés (20 000 cheminots), puis groupes de contribution (5 000 participants).

Août-septembre : envoi d'un questionnaire (45 371 réponses).

Octobre : analyse des contributions par le Comité exécutif.

23 octobre : restitution de la démarche et annonce des 18 premières décisions.

Des syndicats circonspects

Informés, mais non associés en tant que tels à la démarche, les syndicats se retrouvent dans les quatre thèmes de débat qui ont émergé des forums. « Nous avions réuni 1 000 jeunes à la Villette, voici un an, où s'étaient exprimées les mêmes inquiétudes », souligne Benoît Vincent, de la fédération CFDT cheminots. Ils restent cependant dubitatifs sur l'influence réelle des propositions faites par les cheminots. « C'est une démarche de communication pure, qui ne remet en aucun cas en cause la stratégie de la SNCF », estime Grégory Roux (CGT). Les deux organisations se montrent particulièrement critiques vis-à-vis du questionnaire, trop "manichéen" à leurs yeux, et dont les réponses peuvent être interprétées en fonction de ce que la direction souhaite entendre.

Les cheminots veulent que ça change !

Ils se montrent particulièrement critiques sur l'organisation et les modes de fonctionnement de l'entreprise. La direction a, d'ores et déjà, proposé 18 mesures d'amélioration.

Les cheminots se montrent partagés sur la notion de rentabilité (44 % pensent qu'elle peut permettre d'améliorer le service au client, 52 % estiment que le service public sous-entend la non-rentabilité), ou l'intégration des jeunes (48 % attendent d'eux qu'ils adoptent leur manière de travailler ; 45 % qu'ils apportent de nouvelles solutions), mais sont une majorité (60 %) à n'avoir pas peur de l'ouverture à la concurrence. Ils estiment, également, à 59 %, que la SNCF doit mieux s'organiser pour mieux satisfaire ses clients. Un pourcentage élevé au regard de l'alternative proposée par le questionnaire ("disposer de moyens plus importants"), et que la Sofrès interprète comme la critique d'un mode de fonctionnement de l'entreprise. D'ailleurs, 64 % reprochent à la direction d'imposer des décisions ; 56 % critiquent le cloisonnement de l'entreprise et 42 % sa complexité. Quant à la conflictualité, 36 % des répondants la mettent sur le compte des décisions défavorables aux agents, 34 % sur celui du manque d'écoute, 30 % sur celui du manque d'explication et de concertation.

Demandes des cheminots

Au registre des solutions, 93 % des cheminots demandent à l'entreprise de faciliter le passage d'une filière à une autre, 83 % de faciliter l'accès à des postes d'encadrement et 74 % de mettre en place un intéressement aux résultats ; 62 % demandent, en outre, une évaluation des managers par leur équipe et 58 % une rémunération au mérite.

Mise en place des engagements

Pour répondre à ces revendications, la direction a annoncé, le 23 octobre dernier, la mise en place de 18 premiers engagements afin de, notamment, « mieux connaître et reconnaître le travail de chaque cheminot » (rendez-vous professionnel individuel annuel pour chaque agent, mise en place d'un intéressement financier à l'échelon des établissements) ; « permettre aux managers d'être sur le terrain pour écouter, dialoguer et diriger » (allègement des tâches des managers de proximité, attribution aux chefs d'établissement d'un budget pour la reconnaissance financière des agents, généralisation de l'entretien annuel d'évaluation pour les managers) ; « décentraliser le fonctionnement » (rotation moins rapide des dirigeants d'unité et d'établissement, décentralisation du dialogue social et de la formation) et « préparer l'avenir de la SNCF » (renforcement de la formation en alternance, parrainage pour chaque nouvel embauché, passeport formation pour tous les agents).

S. F.