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La mairie de Villeneuve-d'Ascq limite le taux d'alcool à 0,5 g

SANS | publié le : 26.11.2002 |

Confrontée à quelques cas de consommation excessive, la mairie de Villeneuve-d'Ascq, qui emploie 1 400 agents, et jusqu'à 300 auxiliaires selon les périodes, a pris la question de l'alcoolisme à bras le corps à la fin des années 90.

Plusieurs groupes de travail ont alors été constitués pour définir des plans d'action, avec l'aide de médecins du travail, d'assistantes sociales et de consultants. Pour permettre à chacun de s'impliquer dans cette démarche, les réunions auxquelles participaient les salariés et les délégués du personnel se tenaient durant le temps de travail. Malgré cela, les débuts furent laborieux en raison de l'ambiguïté des débats. « On considère que l'alcoolisme est un problème personnel, donc on refuse souvent l'utilisation d'éthylotest, au prétexte qu'il s'agit d'une atteinte à la vie privée. Mais, en même temps, on voudrait que l'entreprise intervienne, même pour sanctionner », résume Patrick Sechet, le DRH de la mairie.

Des objectifs clairs

Les objectifs à atteindre sont clairement énoncés en 1999. Outre la gestion des cas difficiles, la mairie ajoute un paragraphe sur l'alcool dans son règlement intérieur. Elle s'engage, parallèlement, dans un vaste plan de sensibilisation vis-à-vis de ses agents et favorise la mise en place d'un groupe d'entraide. Une double action, individuelle et collective, dont le coup d'envoi a été la publication, en 2000, d'une charte sur l'alcoolisme. Pour éviter les malentendus, cette charte précise le taux d'alcoolémie maximal autorisé (0,5 g), identique quel que soit le poste considéré, et détaille la conduite à tenir en cas de soupçon d'ivresse. « Dès qu'un chef de service a un doute, il doit prendre toutes les mesures de sécurité, pour l'individu et ses collègues, puis faire constater son état à l'alcoolique avec l'éthylotest », indique Patrick Sechet. En parallèle, l'ensemble du personnel, par groupes de 20, a été convié à des demi-journées de sensibilisation à l'alcool. « Notre but était de leur apprendre à "gérer" leur consommation, pas de diaboliser les traditionnels "pots", ce qui aurait laissé apparaître notre action comme une entrave à la convivialité », ajoute Patrick Sechet. Depuis un an, le dispositif prévoit aussi la prise en charge de dix agents sous la forme d'un accompagnement psychologique et social post-cure.

Un tabou brisé

Malgré la transformation de la vision de l'alcoolisme induite par ces actions, la partie est loin d'être gagnée pour Patrick Sechet : « Au plan collectif, c'est une vraie réussite, car on peut considérer qu'un tabou a été brisé : aujourd'hui, un chef de service peut dire à un agent "tu as un problème avec l'alcool, il faut t'aider". Mais au plan individuel, le bilan est toujours plus délicat à établir, car une rechute est toujours possible... »

Le coaching de salariés alcooliques

En aval du travail médical (cure) destiné au sevrage, celui de réinsertion sociale, mené par les cabinets de consultants spécialisés dans l'alcoologie d'entreprise, s'apparente à du coaching. « La réin- sertion professionnelle suppose un gros travail de reconquête de soi, explique Denis Delesalle, fondateur du cabinet d'accompagnement conseil en entreprises (Cace). L'alcool est souvent un désinhibiteur, un dopant pour des personnes en quête de performance. En arrêtant l'alcool, ils ont peur d'être orphelins d'eux-mêmes. »

Pour mener ce travail de médiation, cet ancien alcoolique, qui a mis six ans pour arrêter de boire, commence par lever le tabou en évoquant cette « communauté de faiblesse » qui unit tous les alcooliques. « Je raconte mon histoire, je me mets en pâture pour briser le tabou et délier les langues. Dans l'entreprise, seule la victoire est acceptable. Quand on évoque l'alcool, on parle forcément de ses défaillances, de ses limites. Il ne s'agit pas tant d'évoquer ce que l'alcool détruit que de ce qu'il apporte à l'alcoolique. »

La relation individualisée se mène sans arrêt de travail et suppose une liaison quasi permanente avec la personne concernée. « Je suis disponible en permanence pour elle », précise Denis Delesalle. Reste que, selon lui, l'accompagnement curatif individuel ne suffit pas : « Les entreprises tirent trop souvent la sonnette d'alarme quand elles sont face à un cas désespéré. Mais si l'on veut éviter que les autres ne plongent, il faut faire de la prévention collective. »