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Forces et faiblesses de l'institution

SANS | publié le : 19.11.2002 |

En dépit de ses faiblesses, l'institution prud'homale a fait ses preuves et bénéficie d'un large consensus. Elle est toutefois perfectible, notamment sur la démarche de conciliation et sur les délais des rendus de jugement.

L e conseil de prud'hommes est irremplaçable. » Syndicats patronaux et de salariés, conseillers, avocats... Tous s'accordent sur ce point : cette juridiction fonctionne bien. Pour preuve : 70 % des jugements rendus sont confirmés en appel.

Ses faiblesses ? « Elles sont, en partie, la conséquence de l'originalité même de cette institution à laquelle tout le monde est attaché, souligne Michel Henry, avocat de salariés, proche de la CGT. A savoir, le paritarisme. » Apparu en 1848, il consiste à faire traiter chaque litige par un nombre égal de conseillers employeurs et de conseillers salariés. Certes, leurs convictions divergent, mais rares sont les situations de blocage. En effet, seules 10 % des affaires vont en départage, la procédure utilisée lorsque les quatre conseillers du bureau de jugement n'aboutissent pas à une décision majoritaire.

Juges élus

Le statut très particulier des conseillers prud'homaux ne laisse également pas indifférent. En effet, cette institution est la seule instance judiciaire française composée de juges non professionnels, élus de façon directe. Et les principaux intéressés n'ont pas envie que cela change. « Il arrive que ces juges ne soient pas toujours à l'aise avec les règles juridiques, soulève Me Olivier Meyer, avocat d'employeurs pour le cabinet D, M, & D. Mais leurs décisions sont pleines de bon sens car elles sont motivées par leur connaissance du terrain et du monde du travail. »

Contexte de l'entreprise

Les juges d'appel ne bénéficient pas de la même indulgence, même s'ils sont de vrais magistrats et héritent de 50 % des affaires prud'homales. « Et pour cause : les contraintes, le contexte de l'entreprise n'existent pas pour eux, seul importe le droit », déplore Me Chantal Giraud-Van Gaver, du cabinet Coblence & Associés. Une opinion partagée, en particulier, par Jean-François Veysset, vice-président de la CGPME. Si deux jugements sur trois sont, actuellement, selon lui, défavorables aux employeurs, il craint néanmoins que des juges de métier produisent des décisions arbitraires susceptibles de compromettre l'équilibre des entreprises.

Pour mettre fin à ce débat, une seule parade : « Enrichir les formations pour faire de ces conseillers des experts aguerris à la procédure et au droit », conseille Me Yasmine Tarasewicz, avocate d'entreprise, en charge du département social de Proskauer Rose. Toutes les organisations s'y emploient. Ainsi, la CFE-CGC, qui a choisi pour ces élections de faire figurer en bonne place sur ses listes des militants d'entreprise plutôt que des adhérents juristes, va devoir doubler le nombre de sessions pour les juges nouvellement élus (1).

La CGPME inaugure, quant à elle, la préformation des candidats en passe de devenir conseillers le 11 décembre prochain. Une pratique mise en place depuis maintenant plusieurs scrutins à la CGT. « Ces stages responsabilisent et jouent donc un rôle très important auprès des jeunes futurs conseillers », explique Gérard Billon, responsable des élections prud'homales 2002 à la confédération.

Longueur des délais

Voilà pour les bons points. Du côté des mauvais : les délais. Aujourd'hui, un peu plus de dix mois sont nécessaires pour voir la fin d'un litige. Mais cette moyenne recouvre de fortes disparités ; 1 affaire sur 4 arrive à son terme en plus d'un an. Une telle différence s'explique par l'inégale activité supportée par les conseils. C'est pourquoi la CFTC et l'Ugict-CGT (la branche cadre de la CGT) réclament une nouvelle répartition géographique de ces derniers, ainsi que de nouvelles compositions des sections, notamment en fonction des différents bassins d'emploi.

Paris débordé

« A Paris, les juges de la section encadrement sont tellement débordés qu'ils rendent leur jugement le jour même des audiences, regrette Martine Riou, avocate chez Coblence & Associés. Ils ne s'accordent que quelques minutes pour délibérer. Alors qu'en province, ils prennent un mois, en moyenne. Tout se joue à la plaidoirie, le dossier que nous avons constitué est rarement consulté dans son intégralité. Après, nous devons attendre la notification écrite du jugement, qui prend entre trois et six mois. »

L'étape préliminaire de la conciliation fait également des mécontents. Seulement 10 % des litiges y sont réglés. Ce qui fait dire à certains, à l'instar de Chantal Giraud-Van Gaver, que « la conciliation à l'époque où la transaction occupe une telle place n'a plus de pertinence ».

Phase préalable

Pourtant, elle pourrait retrouver ses prérogatives. Il suffirait, déjà, que les deux parties se donnent la peine de se déplacer. Trop souvent, les avocats pallient l'absence de l'une ou de l'autre (aux prud'hommes, 55 % des salariés et 72 % des employeurs ont recours à un avocat). Et, à défaut de régler les conflits, « cette étape pourrait servir de phase d'instruction préalable, suggère l'avocat Michel Henry. Soit examiner l'ensemble des pièces et témoignages qui composent une affaire devant l'ensemble des parties prenantes ».

Ainsi bouclé, un dossier n'aura plus à subir de renvoi ou de recours. Une garantie de jugement plus rapide.

(1) L'employeur doit accorder aux conseillers, outre le temps nécessaire à l'accomplissement de leurs fonctions, un congé rémunéré de six semaines maximum par mandat pour recevoir une formation, qui sera remboursée par l'Etat. Leur coût total est de 6 millions d'euros.

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