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Coup de frein dans les PME

SANS | publié le : 12.11.2002 |

Les pratiques de formation des PME semblent entrer dans une période de vaches maigres. Prudence financière, moindres ambitions, pilotage à courte vue, constate l'étude Perspective 2003 de l'Agefos-PME.

Les années 2002 et 2003 ne devraient pas être de grandes années en matière de formation dans les petites et moyennes entreprises (PME). C'est du moins ce qui apparaît à la lecture de l'étude Perspective 2003 de l'organisme paritaire collecteur agréé des fonds de la formation (Opca) Agefos-PME (1), une étude menée pour la dixième année consécutive, et qui montre un moindre appétit de formation des PME. Plusieurs symptômes en témoignent.

Des réponses centrées sur des besoins ponctuels

En 2002, les formations en réponse à un besoin ponctuel des salariés s'affirment comme une nouvelle priorité des entreprises (35 % cette année contre 27 % en 2001). Cette nécessité concerne surtout les PME de 10 à 19 salariés (44 % contre 33 % en 2001).

En revanche, une grande majorité de PME de plus de 50 salariés continue à élaborer leurs projets de formation dans une logique globale d'élévation des compétences (entre 55 % et 60 %). Ce constat, loin de s'expliquer par le seul sentiment d'incertitude des entreprises face à la conjoncture, trouve sa justification dans le fait que 2002 semble être une étape après une période de développement et de forte activité de formation. L'investissement formation, constaté les années précédentes, était justifié par le passage à l'euro, le passage aux 35 heures, l'évolution technologique, l'engagement dans un processus de certification (Iso...), un large accès à des financements publics destinés à la formation (Fonds social européen, engagement de développement de la formation), des contraintes de compétitivité dans le cadre du développement de l'entreprise. Ces grands chantiers menés à bien, les PME donnent l'impression de vouloir souffler.

Des plans de formation moins fréquents

45 % des PME sont dotées d'un plan de formation, contre 51 % l'an passé, 53 % en 2000 et 59 % en 1999. L'existence d'un plan de formation est liée à la taille de l'entreprise : faiblement présent dans les TPE (15 %), il est utilisé dans la quasi-totalité des structures de plus de 200 salariés. Les PME du secteur de l'industrie sont plus avancées que celles du commerce ou des services : des dispositions juridiques en matière de technique et de sécurité obligent, en effet, celles-ci à disposer d'un plan de formation.

Des stratégies à court terme

61 % des PME privilégient un plan de formation sur une seule année, contre 52 % en 2001. Le glissement vers un plan annuel concerne, en particulier, les entreprises de 20 à 199 salariés, et 40 % des TPE ont recours à des plans de formation d'une période inférieure à une année. Alors qu'en 2001, les PME de l'industrie étaient les plus nombreuses à planifier leurs formations sur une durée de plus d'un an (25 %, contre 20 % tous secteurs confondus), cette année, touchées par la conjoncture, elles sont les plus nombreuses à limiter la durée de leurs objectifs de formation sur un an (75 % contre 40 % en moyenne, tous secteurs confondus). Les entreprises de services sont toujours celles qui privilégient les plans de formation de courte durée (26 % contre 13 % pour le commerce et 11 % pour l'industrie).

Notons, malgré tout, un paradoxe qui laisse un peu d'espoir : ce sont les TPE qui déclarent, dans une plus grande proportion que les autres, recourir à des plans de formation pluriannuels (27 %, contre 14 % pour les PME de 20 à 49 salariés) ! Signe que certaines TPE ont pris conscience de leurs besoins.

Des investissements moindres

59 % des entreprises interrogées limitent leur budget de formation à l'obligation légale, soit une hausse de 11 points par rapport à l'année précédente. C'est surtout le cas pour les PME de 20 à 49 salariés (60 % contre 38 % en 2001), et pour les TPE de moins de 10 salariés (71 %).

A l'inverse, et en grande majorité, les entreprises de plus de 200 salariés consacrent un budget de formation supérieur à l'obligation légale (84 %, soit une hausse de 5 points). C'est dans le secteur des services que les budgets se limitent à l'obligation légale.

Corollaire de ces chiffres : 9 % des PME envisagent une baisse de leur budget de formation, soit 3 points supplémentaires par rapport à 2001 ! 60 % des PME prévoient un budget équivalent pour l'année à venir. Les TPE sont les plus nombreuses à envisager une diminution de leur budget cette année (22 %).

L'habitude des pédagogies traditionnelles

Autre signe de tassement : le mode d'apprentissage privilégié demeure le "face-à-face pédagogique", en salle de formation : 52 % des dirigeants interrogés citent cette formule. Ils ne sont que 13 % à utiliser des supports multimédias (CD-Rom...) et 6 % la formation à distance (cours par correspondance, Internet ou vidéoconférence...). Cependant, les PME de 200 à 499 salariés témoignent d'une avance dans l'utilisation de supports multimédias (20 % contre 13 % en moyenne) et des formations à distance (12 % contre 6 % pour l'ensemble).

Un manque de temps

Le manque de temps pour former les salariés (53 %) et les difficultés de recrutement (52 %) sont les deux principales difficultés vécues par les entreprises dans la gestion des compétences. La pénurie de qualifications déclarée dans plusieurs secteurs accentue probablement cette situation. Le manque de moyens n'intervient que pour 33 % des citations.

Les PME de 200 à 499 salariés, qui disposent de moyens plus efficaces de recrutement, sont, proportionnellement, moins touchées par cette contrainte. Elles citent plus souvent le manque de temps à consacrer à la formation des salariés (56 %) comme difficulté majeure. Elles semblent plus touchées que les autres PME par la mobilité du personnel vers d'autres tâches ou responsabilités (37 %).

Les PME de moins de 20 salariés sont plus sensibles à l'aspect financier : plus d'un tiers d'entre elles soulignent cette difficulté dans la mise en oeuvre de la formation.

Le sentiment de ne pas manquer de compétences

Un des résultats les plus surprenants de l'étude Agefos-PME est le sentiment exprimé par une majorité de PME, qui estiment disposer des compétences nécessaires et qui, en conséquence, prévoient une réduction de leur effort formation : 57 % des dirigeants interrogés, soit 10 points de plus qu'en 2001, sont dans ce cas. Ce sont les entreprises de services qui se déclarent massivement satisfaites dans ce domaine (63 %, soit 10 points de plus par rapport à l'an dernier), et les PME de 20 à 199 salariés qui expriment les plus forts besoins de compétences (50 %). Elles argumentent cette position par le fait que leurs politiques de recrutement et leurs efforts en formation, les années précédentes, leur ont permis de pallier les besoins de compétences.

Conséquence de ce sentiment : une importante perte d'intérêt pour les contrats de qualification et d'apprentissage.

(1) Dixième sondage annuel d'Agefos-PME réalisé avec Ipsos régions, auprès de 503 dirigeants d'entreprise ou de directeurs des ressources humaines. Le sondage a été effectué par téléphone, entre le 24 juin et le 5 juillet 2002. Echantillon : entreprises de 1 à 499 salariés, réparties sur l'ensemble de la France, dans les secteurs marchands (industrie, commerce, services).

REPERES

26 %

des PME interrogées ont un budget formation en hausse pour 2003. Elles étaient 32 % en 1999.

59 %

des PME limitent leur budget formation à la seule obligation légale en 2002. Elles n'étaient que 48 % dans la même situation l'année précédente.

L'essentiel

1 Après trois années de relative bonne santé pour les formations dans les PME, les années 2002 et 2003 annoncent un tassement. L'étude Perspective 2003 de l'Agefos-PME confirme en cela les peu engageantes prévisions économiques des organismes de formation privés.

2 La morosité économique générale et la fin de grands chantiers formation (35 heures, informatique, RTT...) expliquent ce coup de frein.

3 La priorité donnée à l'embauche de personnel déjà opérationnel, plutôt qu'à la formation de personnel en place, pourrait exacerber la concurrence des talents.

Priorité aux ouvriers et aux employés

Globalement, les catégories professionnelles privilégiées pour la formation sont les ouvriers et les employés, qu'ils soient qualifiés ou non. Suivent les techniciens et agents de maîtrise. On note, néanmoins, des différences selon la taille de l'entreprise. Ainsi, dans les PME de 200 à 499 salariés, la formation des techniciens et des agents de maîtrise, ainsi que celle des cadres et des ingénieurs, tient une place importante (respectivement, 54 % et 41 %). Dans les TPE, les ouvriers qualifiés, ainsi que les ouvriers et employés non qualifiés, sont prioritaires (respectivement, 30 % et 23 %), car l'acquisition de nouvelles compétences dans ces très petites entreprises passe surtout par la formation du personnel opérationnel. Les employés, eux, sont favorisés dans les PME de 10 à 19 salariés (43 %) et de 20 à 49 salariés (37 %).

Plutôt recruter que former

L'accumulation des symptômes négatifs en matière de formation dans les PME débouche sur un autre constat. Quitte à choisir, ces entreprises préféreraient embaucher du personnel déjà formé et opérationnel (71 %) plutôt que de faire l'effort de formation en interne (61 %).

L'embauche de jeunes diplômés est favorisée par les PME de plus de 50 salariés, qui ont une véritable politique et les moyens d'intégrer ce public. De même, le secteur des services est particulièrement porté sur le recrutement de personnel qualifié et opérationnel (76 % contre 71 % en moyenne).

En revanche, la formation des salariés à de nouvelles qualifications serait surtout retenue par les entreprises de l'industrie. Et les PME de 50 à 199 salariés se distinguent des autres entreprises par le fait qu'elles privilégient la formation des salariés avant le recours à un personnel qualifié externe (75 % contre 66 %).

Risques

Cette tendance a une autre conséquence : l'embauche de jeunes en contrat d'alternance et de jeunes diplômés n'est citée, respectivement, qu'en troisième et quatrième positions des solutions préférées (33 % et 21 %). Ce constat porte en germe de nombreux risques : renforcement de la compétition entre les entreprises pour embaucher les plus opérationnels, difficulté accrue d'entrée sur le marché pour les jeunes peu formés et les primo-demandeurs d'emploi.

L. G.

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