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L'OBLIGATION D'EVALUER LES RISQUES

SANS | publié le : 05.11.2002 |

A compter du 8 novembre prochain, toutes les entreprises françaises devront être en mesure de présenter aux inspecteurs du travail un document unique recensant les risques professionnels auxquels leurs salariés sont exposés. Sur le terrain, beaucoup n'ont pas encore ouvert le dossier et s'interrogent sur les moyens à mettre en oeuvre.

L a nouveauté est relative. Un des principes clés de la loi du 31 décembre 1991 introduisait déjà la nécessité de planifier la prévention des risques professionnels en les évaluant a priori. Le document unique, créé par le décret du 7 novembre 2001, ne devrait être que la formalisation de pratiques déjà appliquées dans l'entreprise et un outil du dialogue social. « La révolution a déjà eu lieu il y a dix ans, confirme Agnès Ravaud, responsable du bureau CT1-2 à la sous-direction des conditions de travail et protection des risques du travail au ministère des Affaires sociales. Mais il fallait créer un support stable, qui, en permettant de traduire l'évaluation des risques, ferait progresser les entreprises. »

Frémissement dans les PME

Aucune donnée quantitative n'est disponible sur le nombre d'employeurs qui satisfont déjà à cette nouvelle obligation. Si les grands groupes, relativement bien équipés, se sont rapidement saisis du dossier, le comportement des PME et des très petites entreprises est plus incertain. « Nous enregistrons néanmoins, chez elles, un frémissement, poursuit Agnès Ravaud. Il y a quatre ans, le principe même d'évaluation était remis en cause. Aujourd'hui, mon service est de plus en plus sollicité par les branches professionnelles pour participer à des réunions d'information publiques. La date du 8 novembre est importante, mais pas fatidique. Il a été demandé à l'inspection du travail de faire preuve de souplesse et de veiller surtout à ce que l'entreprise ait commencé son travail d'évaluation et de formalisation. »

« Les premiers contrôles vont nécessairement être affligeants, estime Dominique Olivier, responsable confédéral CFDT. Mais les entreprises vont forcément progresser, et ses acteurs internes vont apprendre à travailler ensemble. » C'est l'un des objectifs annexes du document unique : favoriser le dialogue social en privilégiant une approche pluridisciplinaire qui implique salariés, élus, médecine du travail, encadrement. Oui, mais comment ?

Absence de méthode

Bon nombre d'entreprises réclament à cor et à cri une méthode que le ministère refuse de livrer. « Le chef d'entreprise, l'encadrement et les salariés doivent s'approprier la démarche, c'est pourquoi nous ne voulons pas donner une recette type, indique Agnès Ravaud. Un comité national de suivi, constitué des représentants des organismes de prévention, a, néanmoins, été chargé d'élaborer un outil méthodologique sur la base d'expériences de terrain. » Un outil qui ne sera disponible, au mieux, que début 2003.

En attendant, les entreprises peuvent rechercher de l'information auprès de leur Cram, de leur branche professionnelle, comme l'Union des industries chimiques qui propose, par exemple, des formations à l'évaluation des risques, ou l'OPPBTP qui organise des réunions d'information. « Les participants s'y bousculent », indique Alain Fraisse, délégué régional pour le Sud-Est.

Aucune aide spécifique

Certaines entreprises déplorent aussi qu'aucune aide spécifique n'ait été créée pour financer leur démarche. Seul le Fonds d'amélioration des conditions de travail (Fact) du ministère peut, sous conditions, être sollicité. Les DRTEFP peuvent éventuellement puiser dans leurs crédits. « Mais nous ne pourrions aider que 30 entreprises sur les 150 000 de la région, remarque Philippe Sotty, ingénieur prévention de la DRTEFP de Provence-Alpes- Côte d'Azur. Nous préférons consacrer ces crédits à l'élaboration d'outils méthodologiques. » La balle est dans le camp des chefs d'entreprise.

L'essentiel

1 Un décret crée pour les entreprises l'obligation de transcrire sur un document unique l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Il doit être actualisé au minimum une fois par an et à chaque fois qu'une prise de décision modifie les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail.

2 L'évaluation des risques n'est pas une fin en soi, mais une étape qui doit favoriser le dialogue social et permettre au chef d'entreprise de définir des priorités avant de lancer un plan d'action.

3 Des consignes de souplesse ont été adressées aux inspecteurs du travail. Ils seront bienveillants envers les entreprises, surtout les PME et les TPE qui, sans être en mesure de présenter un document unique, apportent la preuve qu'elles ont entamé la démarche d'évaluation.

REPERES*

146 millions de journées de travail perdues en Europe pour cause d'accidents du travail.

800 000 accidents du travail avec arrêt en France (régime général et régime agricole confondus).

700 accidents du travail mortels.

25 000 maladies professionnelles reconnues et indemnisées. *Année 1999.

Le cadre juridique

La directive cadre n°89/391/CEE du Conseil des communautés européennes, du 12 juin 1989, définit les principes fondamentaux de la protection des travailleurs. Elle place l'évaluation des risques professionnels au sommet de la hiérarchie des principes généraux de prévention, dès lors que les risques n'ont pas pu être évités à la source. Cette démarche ne préexistait alors pas dans le droit français.

La loi n°91-1414 du 31 décembre 1991 a permis de transposer, pour l'essentiel, les dispositions de la directive cadre. S'agissant de l'évaluation des risques, c'est l'article L. 230-2 du Code du travail qui traduit le droit communautaire, au regard de trois exigences d'ordre général : obligation pour l'employeur d'assurer la santé et la sécurité des travailleurs, mise en oeuvre des principes généraux de prévention des risques professionnels, obligation de procéder à l'évaluation des risques.

Le décret 2001-1016, du 5 novembre 2001, portant création d'un document unique relatif à l'évaluation des risques, introduit de nouvelles dispositions réglementaires dans le Code du travail : l'article R. 230-1 précise l'obligation pour l'employeur de créer et de conserver ce document, tandis que l'article R. 263-1-1 détaille les sanctions pénales prévues en cas de non-respect par l'employeur de ses obligations.

La circulaire DRT n° 6, du 18 avril 2002, vise à fournir des éléments de droit et de méthode afin de promouvoir le document unique et d'en faciliter la compréhension par les acteurs concernés.

Des sanctions de faible portée

L'entreprise qui ne possède pas de document unique ou ne procède pas aux mises à jour encourt une amende de 1 500 euros, qui peut-être portée à 3 000 euros en cas de récidive intervenue dans un délai d'un an à compter de l'expiration ou de la prescription de la première peine. En outre, l'employeur qui viole l'obligation de mise à disposition des instances représentatives du personnel et de l'inspection du travail se rend coupable de délit d'entrave et est passible d'une amende de 450 euros. Pas de quoi plomber la trésorerie.

« Les amendes ne sont effectivement pas très élevées, reconnaît Paul-Henri Antonmattei, directeur du laboratoire de droit social de Montpellier-1. Mais il ne faut pas oublier que la décision du 28 février dernier de la Cour de cassation a introduit une obligation de sécurité de résultat. En clair, en cas de maladie professionnelle ou d'accident du travail survenu dans une entreprise qui ne possède pas ou ne met pas à jour son document unique, le chef d'entreprise est juridiquement responsable et s'expose à être condamné pour faute inexcusable. »

Ce qui devrait, malgré tout, encourager les employeurs à s'engager dans la démarche au plus vite.