Fin 2000, onze entreprises lorraines créaient, avec l'Anact, un "club TMS" pour prévenir les troubles musculo-squelettiques. A leur initiative, une étude sur les coûts cachés des TMS vient d'être menée. Ceux-ci sont deux fois plus élevés que les coûts directs.
Comment, lorsqu'on est DRH, médecin du travail ou membre du CHSCT, convaincre sa direction générale du bien-fondé d'actions de prévention contre les troubles musculo-squelettiques ? En lui prouvant que cette maladie lui coûte très cher, beaucoup plus cher que les seuls versements à la branche AT/MP (accidents du travail/maladies professionnelles) de la Sécurité sociale.
C'est ce qu'ont souhaité faire les entreprises membres du club TMS Lorraine, fondé à l'initiative de l'Anact (Agence pour l'amélioration des conditions de travail), il y a deux ans. Ce club est un lieu d'échanges de réflexions et de pratiques de représentants d'entreprises industrielles - DRH, médecins du travail, ingénieurs méthode ou de production, contrôleurs de gestion, etc. -, soucieux de prévenir cette maladie (voir Entreprise & Carrières n° 604).
Le club a passé commande, via l'Anact, d'une étude destinée à mesurer les coûts cachés des TMS. Celle-ci, menée par Iséor (Institut de socio-économie des entreprises et des organisations), pendant le premier semestre 2002, a porté sur trois entreprises membres du club, qui avaient toutes mis en place un certain nombre d'actions pour gérer et prévenir les TMS.
Quels sont les coûts cachés d'un TMS ? « Ils sont de deux types : d'une part, des surcharges de fonctionnement, parce que l'entreprise doit faire face à des dysfonctionnements ; d'autre part, l'insuffisance de valeur ajoutée, c'est-à-dire l'insuffisance de développement de l'entreprise », explique Véronique Zardet, directrice adjointe d'Iséor, qui a dirigé l'étude. Dans le premier cas, ce sera, par exemple, le coût de remplacement de la personne par un intérimaire ; dans le deuxième, la baisse de productivité d'un salarié placé à un poste aménagé pour raisons médicales.
Pour évaluer ces coûts cachés, Iséor a mené 70 entretiens à tous les niveaux hiérarchiques et analysé des documents internes (données médicales, comptes rendus de CHSCT...). Bilan du corpus de 400 pages, remis aux entreprises du club : les coûts visibles de la maladie ne sont que la partie émergée de l'iceberg, soit seulement un tiers du coût total. D'une entreprise à l'autre, les sommes varient énormément. De 6 800 euros, par an et par personne, à 11 200 euros chez une autre.
En regard de ces coûts, la prévention représente-t-elle un investissement ? Il a été difficile à Iséor de l'établir, en raison d'informations trop approximatives. L'Institut a d'ailleurs pointé le manque d'indicateurs dans les entreprises pour mesurer réellement l'ampleur du phénomène des TMS... Pour les sociétés, l'étude a été considérée comme une base de départ pour aller plus loin. « Iséor nous a donné des pistes en nous permettant d'identifier des axes de progrès, indique Cathie Kopp, responsable ressources humaines de Hager Electro, l'une des entreprises dans lesquelles a été menée l'étude. Pour notre part, nous avons retenu quatre indicateurs pour mesurer notre progression : le coût direct, le surcoût lié au remplacement de la personne absente, le coût des restrictions médicales, le coût du temps passé par les différents services à gérer les TMS. »
L'objectif, pour 2003, est de relancer une étude plus large sur le coût et l'impact des efforts de prévention. Chargé de mission à l'Anact, Philippe Douillet estime que la prévention a des effets au-delà de la santé. « La mise en place de la polyvalence des postes, par exemple, a un impact non seulement sur la santé mais sur la performance des salariés. Etablir des liens entre la prévention et la performance est important : plus encore que le coût, c'est peut-être la notion d'investissement qui intéresse une entreprise. »
Le chargé de mission pense aussi que la notion de "rating social", liée au développement durable, sera de plus en plus prégnante. Comme le souligne la responsable RH de Hager Electro, « préserver le capital santé au travail permet à l'entreprise d'améliorer sa performance - moins d'absentéisme, meilleure pro- ductivité... - et le climat social (meilleures conditions de travail). Les entreprises ont donc tout intérêt à s'engager dans la voie de la prévention ».