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« La lutte actionnariale ne fait que commencer »

SANS | publié le : 05.11.2002 |

E & C : Vous venez de présenter, lors d'une rencontre de Lab'Ho (Observatoire des hommes et des organisations), vos travaux sur le gouvernement d'entreprise, travaux qui avaient également fait l'objet d'un dossier dans le numéro du printemps 2002 de Management & conjoncture sociale. Quelle est la thèse que vous défendez ?

P.-Y. G. : Depuis plusieurs années, je travaille sur la légitimité des entreprises dans nos sociétés. Le gouvernement d'entreprise n'est pas un sujet nouveau, il est né avec le capitalisme. Ce qui l'est, c'est l'apparition de nouveaux propriétaires du capital. En effet, entre 1980 et 2002, nous sommes passés de 25 millions à 250 millions d'actionnaires dans le monde, 6 millions en France, dont 2 millions de salariés-actionnaires. En conséquence, la propriété des grandes entreprises se dilue de plus en plus dans le public. Il convient donc de parler, aujourd'hui, d'actionnariat de masse.

E & C : Quelles sont les implications pour l'entreprise et la société ?

P.-Y. G. : Cette réalité devrait conduire à une irréversible démocratisation du gouvernement des entreprises. La responsabilité de définir les stratégies des entreprises, de désigner leurs dirigeants et de légitimer leurs décisions appartient, désormais, à des millions de personnes. Or, celles-ci sont, pour la plupart, ignorantes du fait que l'actionnariat implique, certes un droit au profit, mais aussi un devoir de contrôle sur l'entreprise. Ainsi, les faillites d'Enron et de Swissair mettent en évidence l'irresponsabilité des actionnaires eux-mêmes, qui n'ont pas exercé leur devoir de vigilance. Or, comment contrôler les dirigeants quand le capital est aux mains de millions de personnes ? Deux scénarios : soit cette masse d'actionnaires assez ignorants ne jouent pas leur rôle et les entreprises sont livrées aux incertitudes de la spéculation, soit surgissent des actionnaires d'un nouveau genre, qui s'expriment et prennent au sérieux leur fonction. Les règles de la démocratie doivent alors s'appliquer à la gouvernance de l'entreprise. Ces actionnaires sont de plus en plus présents. Pour être reconnus, ils mènent un activisme assez efficace, qu'il faut bien appeler par son nom : la lutte actionnariale. Et cette lutte ne fait que commencer.