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L'outil ne doit pas supplanter les enjeux stratégiques de l'e-RH

SANS | publié le : 08.10.2002 |

Les projets d'e-RH sont davantage guidés par des motivations d'ordre technologique que stratégique, regrette Bernard Merck. La fonction RH devra rapidement s'imprégner des NTIC si elle veut jouer un rôle moteur dans les entreprises.

E & C : Comment les entreprises appréhendent-elles l'e-RH ?

Bernard Merck : En France, les entreprises accordent encore une place prépondérante à l'outil, lequel supplante les enjeux stratégiques du projet, ses objectifs et les hommes qui seront au coeur du dispositif. Chez certains, l'outil détient une sorte de pouvoir magique capable de rendre le système intelligent. Chez d'autres, la mise en place d'une démarche d'e-RH est appréciée comme une opportunité destinée à asseoir la crédibilité de son initiateur. Inutile de vous dire que, dans ces conditions, les projets sont voués à l'échec. Ma propre expérience m'a enseigné qu'il fallait avancer par étapes, modestement. Il est fondamental d'établir un calendrier ambitieux, mais réaliste, permettant d'atteindre les objectifs fixés. Ce principe de base suppose, il est vrai, que les acteurs se donnent le temps de nourrir une réflexion, avant de se lancer dans une telle démarche.

E & C : Quelles sont les règles d'or qui président en matière d'e-RH ?

B. M. : Il faut, avant toute chose, procéder à une refonte complète des processus, et se poser des questions simples : quels sont mes objectifs ? Quels seront les process RH impactés ? Quels sont ceux qu'il faudra conserver ou bien, au contraire, éliminer ? Quelle est la réelle valeur ajoutée de chaque processus pour l'entreprise ? Ces interrogations de bon sens sont souvent occultées par les DRH. Lesquels ont cette fâcheuse tendance à brûler les étapes. Il faut aussi penser à redéfinir des règles RH, les simplifier et les rendre compréhensibles par tous. Ensuite, il faut s'attaquer à l'organisation RH, puis préparer les hommes au changement. Une fois que les hommes sont situés dans le projet, que les sources de blocage ont été levées, il est alors temps de s'intéresser aux outils. L'optimisation des processus et l'intégration d'outils adaptés vont engendrer des gains de temps pour les acteurs, qui pourront être réinvestis dans la stratégie. Aujourd'hui, un DRH ne consacre que 10 % de son activité à la stratégie. Or, les directions générales attendent de la fonction RH qu'elle soit pro-active et anticipatrice.

Autre point important : la communication. Chez France Télécom, notre programme "RH Demain" a fait l'objet d'un intense effort de communication. Or, malgré ce déferlement, il m'est arrivé de rencontrer des salariés qui n'en avaient jamais entendu parler. Morale de l'histoire : il faut non seulement travailler la communication directe mais aussi l'information transversale en créant des espaces de discussion, dans lesquels les salariés vont pouvoir se libérer de leurs angoisses.

E & C : En dehors de nos frontières, la prise en compte des enjeux de l'e-RH est-elle si différente ?

B. M. : Nos confrères britanniques et suédois, par exemple, adoptent une démarche beaucoup plus pragmatique que la nôtre. Chez eux, ce sujet fait l'objet de réunions de travail et d'échanges d'expérience, alors que, chez nous, on ne ressent qu'un léger frémissement. Ils ont également une approche plus systémique. Dès la conception du projet, ils réfléchissent sur les moyens d'intéresser les fournisseurs, les sous-traitants, les clients ou le réseau de distribution de l'entreprise.

E & C : Comment convaincre des managers surmenés d'endosser des responsabilités liées aux RH ?

B. M. : Il ne faut pas sous-estimer le risque de rejet de la part des managers. Cela dit, le responsable d'une équipe qui a les yeux rivés sur son écran toute la journée ne peut pas consacrer du temps à manager ses équipes, alors que cela nécessite beaucoup de contacts directs. Par le passé, j'ai organisé un petit test dans une entreprise. J'ai convoqué tous les chefs de service et je leur ai demandé s'ils pouvaient me citer les noms, prénoms et situations familiales de chacun de leurs collaborateurs. Le résultat a été affligeant. Sans tomber dans l'excès, qui consisterait à transformer les managers en spécialistes de l'administration du personnel, on se doit de leur inculquer des règles de gestion des RH.

E & C : En quoi l'e-RH va-t-elle révolutionner la fonction ?

B. M. : En premier lieu, les outils seront de plus en plus abordables. Les entreprises vont avoir tendance à multiplier les projets d'e-transformation, ne serait-ce que pour faire des gains de productivité ou de réactivité. En outre, dans les prochaines années, nous allons assister à l'explosion de l'entreprise traditionnelle. Les travailleurs nomades seront de plus en plus nombreux ; ils travailleront chez les clients ou à domicile. Les bureaux seront partagés.

Pour la fonction RH, l'enjeu est clair : soit elle s'adapte pour jouer un rôle plus valorisant, et cela passe, en partie, par l'e-RH ; soit elle continue d'attacher trop d'importance à l'administration et elle peut préparer ses funérailles. La fonction RH doit donc faire sa révolution si elle veut devenir un relais incontournable dans la stratégie des entreprises. Il y va de sa survie.

SES LECTURES

L'art de la guerre, Sun Tzu, Flammarion, 1972.

Les singes et le manager, K. Blanchard, W. Oncken, K. Burrows, InterEditions, 1990.

Amkoullel, l'enfant Peul, Amadou Hampâté Bâ, Actes sud, 1991.

PARCOURS

Bernard Merck est, notamment, en charge du chantier "RH Demain", programme de reengineering de la fonction RH chez France Télécom, où

il travaille depuis plus de vingt ans.

Président de la commission informatique de l'ANDCP, il est l'un des experts français en matière d'application des NTIC dans la fonction personnel.

Il publiera un nouvel ouvrage, en novembre prochain, consacré à l'e-RH (éd. d'Organisation).