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Les Moulinex entre espoir et découragement

SANS | publié le : 08.10.2002 |

Huit mois après le début du dispositif de "revitalisation", destiné aux anciens salariés de Moulinex, qui a déposé le bilan il y a un an, a-t-on atteint les limites du dispositif ou sommes-nous à la veille d'une relance ? Les chiffres n'incitent pas à l'optimisme.

«Médiocres. » C'est ainsi que Michel Bove, délégué interministériel en charge du programme de reclassement et de réindustrialisation des sites Moulinex, qualifie ses résultats à mi-parcours. Sur les 2 862 ex-salariés inscrits dans les cellules de reclassement des cinq sites de Basse-Normandie (Bayeux, Cormelles-le-Royal, Alençon Falaise, et Saint-Lo), seuls 378 (13 %) ont retrouvé un emploi ou une "solution emploi". Soit en CDI, en CDD de plus de six mois, en intérim choisi, soit en créant leur entreprise ou leur activité. Tandis que 57 % sont dans une situation précaire : CDD de moins de six mois, stage, formation courte (lire Repères ci-dessous). Pour les syndicats, ce premier bilan à mi-parcours (le dispositif de reclassement est financé jusqu'en juillet 2003) est un échec. Martial Lanlignel, délégué CFDT à Cormelles, anticipe déjà une « catastrophe financière » à la fin 2003, « lorsque les gens auront fini de dépenser leur prime et ne bénéficieront plus du Pare ». « Il ne faut pas baisser la garde », rétorque Michel Bove, qui voit la période propice à une relance. « Le dispositif n'est en place que depuis huit mois, j'ai bon espoir que les chiffres actuels s'améliorent d'ici à la fin de l'année. Nous entrons maintenant dans une période plus active. » Pour se relancer, les salariés et les cellules emploi devront réaliser la quadrature du cercle. Car de nombreux éléments ne plaident pas pour une évolution favorable de la situation. Le marché de l'emploi n'est pas bon dans la région, particulièrement pour les sites de Falaise et de Bayeux, qui sont isolés. « Le bassin ne permet pas d'absorber plus de 3 000 emplois », selon Thierry Lepaon, délégué syndical central CGT.

Manque de formation

De plus, la majorité des ex-salariés sont des femmes qui ont dépassé la quarantaine et sont sans qualification. « La validation des acquis aurait été un plus », relève Martial Lanlignel, qui constate que l'entreprise n'a jamais eu de vraie politique de formation. « Les gens sont peu mobiles », souligne-t-il, en outre : à Cormelles, l'éloignement est le premier argument invoqué pour refuser un poste parmi les 1 400 proposés. Sans compter que les salariés doivent faire avec une image "déplorable", selon Michel Bove pour qui les employeurs potentiels n'ont pas été rassurés par les menaces de faire exploser l'usine de Cormelles. « Sur le nombre de licenciés, les actions de désespoir ont été minoritaires », relativise Thierry Lepaon. Certes, mais le mal était fait après que les chaînes de télévision ont retransmis l'image de la banderole menaçante déployée sur un grand axe routier.

Failles des dispositifs d'aides

Le marché, l'absence de qualification et l'image n'expliquent cependant pas, à eux seuls, les résultats médiocres du reclassement. A côté de cela, le cas Moulinex souligne les failles de tous les dispositifs d'assistance. «Lorsqu'une personne de 50 ans sait qu'elle pourra bénéficier du "décret amiante" [permettant un départ anticipé à la retraite, NDLR] à 52 ans, comme c'est le cas à Cormelles, est-elle incitée à rechercher du travail ?», s'interroge Michel Bove. Il affirme également n'avoir «vu personne dans les cellules de reclassement pendant l'été ». La prime de 12 200 euros aurait pu inciter certains ex-salariés à adopter une attitude d'attente. Ce que nient les syndicats. « Jusqu'à quel point peut-on prendre en charge le destin des gens ? », poursuit Michel Bove, qui s'est cependant battu pour que les Moulinex obtiennent la prime la plus haute possible. Si on se borne à une vision économique de la recherche d'emploi, l'épuisement progressif de la prime pourrait donc relancer la machine du reclassement. Si l'on prend en compte la dimension psychologique, on pourra aussi dire que la fin du "deuil" que connaissent tous les salariés licenciés va dans le même sens. Reste qu'on ne peut pas postuler à des emplois qui n'existent pas.

Le projet de réindustrialisation, auquel l'Etat, les collectivités locales et certaines administrations consacrent 114 millions d'euros sur trois ans (la même somme va au reclassement), ouvrirait des pistes. Michel Bove pronostique que 2 300 emplois de substitution seront créés sur le bassin du Calvados et 1 300 dans la région d'Alençon. La priorité donnée dans le budget du nouveau gouvernement aux actions de reconversion et de restructuration dans l'industrie (35 millions d'euros, en hausse de 91 %) serait aussi une nouvelle raison d'espérer pour les Moulinex.

REPERES

3 240

salariés licenciés.

378 salariés hors dispositif de revitalisation (salariés du siège ayant retrouvé un emploi, salariés protégés payés par le liquidateur judiciaire, employés des cellules).

2 862 inscrits dans le dispositif dont :

378 en "solution emploi" ;

712 en solution sociale (préretraite, amiante...) ;

117 en formation longue qualifiante ;

1 655 hors solutions emploi (formations courtes, sans solution...).

Source : Mission de revitalisation économique (Mire), chiffres au 3 septembre 2002.