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Le déclin des effectifs des Houillères de Lorraine

SANS | publié le : 08.10.2002 |

Les Houillères du bassin de Lorraine s'étaient donné dix ans pour passer leurs effectifs de plus de 12 000 salariés à un millier à l'horizon 2007. L'arrêt progressif de l'activité oblige à une minutieuse gestion prévisionnelle des compétences, compliquée par des incidents de fin de parcours.

Courant 2004, l'arrêt de l'exploitation à la mine de la Houve, à Creutzwald, marquera la fin de cent cinquante ans d'exploitation charbonnière dans l'est de la Moselle. Les Houillères du bassin de Lorraine (HBL), qui employèrent jusqu'à 46 000 mineurs au cours de l'immédiat après-guerre, ont cessé tout recrutement en 1985.

Décrue des effectifs

En 1994, le Pacte charbonnier a entériné un protocole de décrue des effectifs prévoyant la suppression, sans licenciement, de quelque 11 000 emplois en dix ans. Outre les dispositifs internes, les reclassements effectués dans le cadre de conventions avec EDF, les aides à la conversion, à la création d'entreprise ou au retour au pays ont permis de ramener les effectifs de l'entreprise à 5 500 salariés.

Des prévisions contrariées

Les scénarios élaborés par la direction des relations humaines et sociales des Houillères se trouvent aujourd'hui contrariés par deux déconvenues récentes. L'entreprise, qui a mené à bien l'externalisation de son réseau ferré, de son patrimoine immobilier et de ses activités de formation, a raté celle de la cerie de Carling, les négociations avec le repreneur pressenti ayant échoué. Condamnée à la disparition, cette entité emploie 400 agents des HBL - qui n'avaient pas été comptabilisés dans les plans de décrue des effectifs, par mesure de précaution. Les HBL se trouvent, en fait, contraintes de "reprendre" quelque 575 agents, car 175 salariés supplémentaires, détachés des houillères, sont concernés par le plan social survenu au sein de la centrale thermique exploitée par la Société nationale d'électricité et de thermie à Carling. Pour gérer ces sureffectifs, elles demanderont à leurs autorités de tutelle de nouvelles mesures de gestion des effectifs.

Parmi les pistes envisagées figure l'abaissement des critères permettant un départ anticipé à la retraite à 43 ans et vingt-trois ans d'ancienneté, contre 45 ans et vingt-cinq ans d'ancienneté actuellement. L'entreprise pourrait également remettre en cause le principe du volontariat, qui permet aux agents de poursuivre leur carrière au-delà de cette limite d'âge, possibilité choisie par 800 d'entre eux. « Bien sûr, nous nous serions bien passés de ces incidents de parcours. Mais il ne s'agit que des ultimes péripéties d'un plan social amorcé depuis vingt ans, et dans lequel l'Etat et l'entreprise ont assumé dignement leurs responsabilités », estime un cadre de l'entreprise.

Par ailleurs, la Commission européenne vient d'autoriser la France à verser en 2002 une aide de 996 millions d'euros à ses charbonnages en voie de fermeture.

Dispositifs de formation complexes

Pour assurer la continuité de l'exploitation sans aucun recrutement, puis amorcer la décrue des effectifs sans rupture de production, les HBL ont élaboré des dispositifs de formation et de mobilité internes complexes et performants, qui mobilisent de 6 % à 7 % de la masse salariale. « Les salariés des Houillères entraient à la mine jeunes et peu diplômés, mais travailleurs et motivés. Nous avons toujours trouvé des candidats à toutes nos formations », souligne Daniel Voriot, directeur des relations humaines et sociales. Nombre d'employés de la cerie ont atteint le niveau bac + 2. Certains agents de maîtrise ont poussé leur formation jusqu'au niveau d'ingénieur. Les HBL, qui assuraient traditionnellement toutes leurs formations en interne, continuent à le faire pour les métiers du fond. Pour les autres domaines, elles s'appuient sur des organismes extérieurs - Afpa, Aforest ou l'IUT de Saint-Avold.

Déséquilibres

Les incertitudes liées aux départs volontaires compliquent encore la gestion des ressources et des compétences. « L'entreprise compte, aujourd'hui, 800 agents éligibles au Congé charbonnier de fin de carrière (CCFC) mais ayant choisi de poursuivre leur carrière, soit pour des raisons financières - l'arrêt d'activité génère une perte salariale de 20 % -, soit par motivation personnelle. Ce chiffre s'avère globalement conforme à nos prévisions, mais il cache des déséquilibres. Les ouvriers se montrent nettement plus enclins à quitter leur travail que les Etam et le personnel d'encadrement », explique Daniel Voriot.

Sécurité de l'exploitation

Fin 2001, 78,2 % des ouvriers du fond, éligibles au CCFC, avaient quitté leur poste, contre 64 % des ouvriers du jour, 28 % des agents de maîtrise du fond, 30 % des agents de maîtrise du jour et 34 % des personnels administratifs et d'encadrement. Ces proportions, évidemment liées à la pénibilité du travail, génèrent des sureffectifs dans l'encadrement, mais permettent d'assurer la sécurité de l'exploitation. En revanche, l'entreprise ne peut se permettre de laisser vacants les postes clés des puits et des grosses machines. « Nous redoublons les entretiens avec les agents pour assurer une gestion du personnel de plus en plus pointue. Je souhaite l'instauration d'un délai de prévenance, car, durant cette phase de transition, il devient de plus en plus difficile de faire face aux départs imprévus », indique Daniel Voriot.

Le seul service des relations humaines et sociales compte 70 salariés. « Entreprise très particulière, les Houillères gèrent leur propre sécurité sociale, présentent des dispositifs particuliers en matière de gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles. L'entreprise, qui reste le premier employeur de Moselle, est représentée dans les caisses de retraite, à la Sécurité sociale, au sein des organismes de prévoyance... La Cour des comptes, qui a contrôlé les Houillères, n'a détecté aucun sureffectif dans notre service », souligne Jacques Roger, directeur adjoint des relations humaines et sociales, en charge de l'administration du personnel et de la gestion des cadres et des carrières.

Travaux de fermeture

L'arrêt de l'exploitation marquera l'effondrement des effectifs à 1 250 personnes à l'horizon 2006. Mais les travaux de pompage, de fermeture et de démantèlement mobiliseront encore 700 agents en 2007, date programmée de la disparition des Charbonnages de France. Quelque 200 salariés pourraient, en outre, être affectés aux travaux de fermeture des Houillères du Centre Midi. « Les Houillères du Nord sont arrêtées depuis plus de dix ans, mais les travaux de sécurisation et de dépollution se poursuivent », remarque Jacques Roger. Au cours des prochaines années, les Houillères pourraient paradoxa- lement se trouver en sous-effectifs.

L'essentiel

1 En 1994, le Pacte charbonnier a entériné un protocole de décrue des effectifs prévoyant la suppression, sans licenciement, de quelque 11 000 emplois en dix ans.

2 Les Houillères du bassin de Lorraine (HBL) doivent réduire progressivement leur activité d'ici à 2007. Divers dispositifs de reclassement ont permis de ramener les effectifs à 5 500 salariés.

3 Mais les HBL se voient contraintes de réintégrer 575 salariés reclassés, les sociétés repreneuses ayant fermé. Parmi les pistes pour gérer les sureffectifs : l'abaissement des critères de départ en retraite anticipé et la remise en cause du volontariat pour travailler plus longtemps.

Le Pacte charbonnier

Signé en 1994, le Pacte charbonnier comprend cinq points :

1- Constitution, en partenariat avec la Société nationale d'énergie et de thermique, d'un pôle électrique autour de la centrale Emile Huchet. Cette structure doit accueillir, prioritairement, les agents des Houillères.

2- Arrêt de l'exploitation en 2005.

3- Mise en place d'un volet social permettant aux agents ayant vingt-cinq ans d'ancienneté de quitter l'entreprise à 45 ans sur la base du volontariat dans le cadre du Congé charbonnier de fin de carrière (CCFC).

4- Externalisation des activités viables, indépendamment des Houillères.

5- Poursuite des mesures de conversion qui ont bénéficié à 4 000 salariés depuis 1986.