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L es heures supplémentaire s, mode d'emploi

SANS | publié le : 08.10.2002 |

Du projet Fillon, il a surtout été retenu la hausse du contingent légal d'heures supplémentaires de 130 à 180 heures par an et par salarié. Or, loin de signer la fin des 35 heures, cette disposition ne sera que rarement applicable. Démonstration en dix questions/réponses.

1- Qu'est-ce que le contingent annuel ?

Aussi appelé "contingent libre", c'est le montant d'heures supplémentaires auquel l'employeur peut recourir librement, après avoir averti les représentants du personnel et informé l'inspecteur du travail, et sans que les salariés ne puissent s'y soustraire. Mais, en réalité, il vaudrait mieux parler de contingents, au pluriel. En effet, coexistent le contingent légal, fixé par décret (actuellement à 130 heures an- nuelles par salarié ou à 90 heures en cas de forte modulation), et des contingents conventionnels, fixés par accord de branche étendu, à un niveau inférieur ou supérieur. Ces deux formes de contingent ont chacune un rôle propre. Le dépassement du contingent conventionnel nécessite, ainsi, le recours à l'autorisation de l'inspecteur du travail. Tandis que le contingent légal s'applique faute d'accord de branche, mais détermine aussi, quel que soit le niveau du contingent conventionnel, le déclenchement du repos compensateur.

Une entreprise qui appartient, par exemple, à la branche de la métallurgie, dont le contingent conventionnel a été fixé à 180 heures, peut aller jusqu'à ce montant sans demander l'autorisation de l'inspecteur du travail, mais doit appliquer un repos compensateur de 100 % à partir de la 131e heure. Inversement, dans une branche qui a fixé un contingent de 110 heures, il faut l'autorisation de l'inspecteur du travail pour effectuer une 111e heure supplémentaire, mais le droit à repos compensateur ne se déclenche qu'au-delà de 130 heures (sauf si l'accord prévoit un seuil inférieur, une convention collective pouvant toujours être plus favorable au salarié).

Le gouvernement souhaite réhausser par décret, pour une durée de dix-huit mois, le contingent légal à 180 heures par an et par salarié (en cas de forte modulation, il demeure fixé à 90 heures), et propose, dans son projet, de privilégier les contingents conventionnels. Ainsi, les branches pourront fixer, par accord étendu, le contingent de leur choix, à partir duquel sera saisi l'inspecteur du travail et sera attribué le repos compensateur. Le contingent légal ne s'appliquera alors qu'à défaut d'accord.

2- Qu'est-ce que le repos compensateur ?

Aujourd'hui, il en existe deux sortes. Tout d'abord, toute entreprise de plus de 10 salariés doit attribuer, outre la majoration financière, un repos compensateur de 50 % (1 demi-heure de repos pour une heure travaillée) pour toute "heure sup'" au-delà de 41 heures par semaine à l'intérieur du contingent. Ensuite, elle doit attribuer un repos de 100 % (une heure de repos pour une heure travaillée) au-delà du contingent légal. Résultat : la 131e heure a un coût, prohibitif, de 225 % (salaire + repos). Dans les entreprises de moins de 10 salariés, le repos compensateur est de 50 % au-delà du contingent légal.

Le projet Fillon propose de porter à 20 salariés le seuil à partir duquel les repos compensateurs de 50 % à plus de 41 heures et de 100 % au-delà du contigent légal s'appliquent.

3- Quel est le taux de majoration des heures supplémentaires ?

Il est actuellement de 25 % de la 36e à la 43e heure et de 50 % au-delà, dans les entreprises de plus de 20 salariés (voir question 4 pour les autres).

Cependant, la loi Aubry 2 a prévu que, pour les quatre premières heures supplémentaires, la bonification de 25 % soit versée sous forme de temps plutôt qu'en argent, sauf en cas d'accord collectif prévoyant le paiement de ces "heures sup'". Le projet Fillon propose d'unifier le régime des 8 premières heures supplémentaires, qui seront majorées financièrement de 25 %, sauf accord collectif prévoyant une bonification sous forme de repos.

Par ailleurs, le projet de loi propose aux branches de fixer, par accord étendu, leur propre taux de majoration, à condition qu'il respecte un plancher de 10 %.

4- Quelles sont les dispositions applicables aux petites entreprises ?

Un décret, pris le 15 octobre 2001, par le gouvernement Jospin, prévoyait que, jusqu'au 31 décembre 2002, les entreprises de 20 salariés et moins bénéficiaient d'un contingent légal d'heures supplémentaires de 180 heu- res par an et par salarié. Il venait en complément de la loi Aubry qui leur accordait un taux de majoration des "heures sup'", comprises entre la 36e et la 39e heure, de 10 % (25 % de la 40e à la 43e et 50 % au-delà), à défaut d'accord de branche étendu. Le projet Fillon prolonge ce dernier dispositif jusqu'au 31 décembre 2005.

5- Quelles sont les entreprises qui bénéficieront du nouveau contingent légal de 180 heures ?

Il s'agit essentiellement des entreprises qui ne sont pas couvertes par une convention collective, ou celles qui appartiennent à une branche qui n'a pas négocié sur ce sujet ou dont l'accord renvoie explicitement au "contingent légal" (sans mentionner la durée). Il s'agit également des entreprises appartenant à une branche qui a fixé un contingent supérieur ou équivalent à 180 heures annuelles. Ces dernières pourront, de la même manière, faire travailler leurs salariés jusqu'à 180 heures de plus par an, mais à un coût bien plus intéressant.

6- Que se passe-t-il pour les autres ?

La plupart des accords de branche fixent de façon très précise le contingent conventionnel (110 heures, 130, 150...). Jusqu'à présent, le dépassement conditionnait le recours à l'autorisation de l'inspecteur du travail. Or, le projet Fillon prévoyant que ne subsiste qu'un contingent unique, fixé prioritairement par la branche, cela signifie que ce contingent déterminera également l'attribution d'un repos compensateur de 100 %. Ce qui fait dire à Alice Fages, consultante en droit social à l'ordre des experts-comptables, que « pour les entreprises qui se réfèrent à un contingent conventionnel inférieur à 180 heures, qui représentent la majorité des cas, le nouveau régime est plus contraignant qu'avant ». A moins que les branches en question ne décident de réviser, voire de dénoncer, leur accord.

7- L'entreprise peut-elle utiliser le contingent pour revenir aux 39 heures ?

Le contingent d'heures supplémentaires doit être utilisé pour faire face aux variations d'activité, qu'elles soient exceptionnelles ou non, prévisibles ou non. Il peut donc tout à fait être utilisé de manière structurelle, et les heures supplémentaires inscrites à l'horaire collectif. Ce qui permet à une entreprise qui n'est pas passée aux 35 heures de rester à 39 heures, à raison de 4 "heures sup'" par semaine.

Le retour d'un horaire collectif de 35 heures à un horaire de 39 heures est, en revanche, plus compliqué. En effet, la RTT a souvent été contractualisée et est considérée comme un avantage acquis. Par ailleurs, pour Pascal Lagoutte, avocat au cabinet Barthélémy et associés, « lorsque les heures supplémentaires deviennent récurrentes, cela entraîne une modification du contrat de travail que le salarié peut refuser ».

8- Le salarié est-il libre de refuser des heures supplémentaires ou peut-il en réclamer ?

Malgré les promesses, le projet Fillon ne permet pas à « ceux qui veulent travailler plus de gagner plus ». En effet, un salarié ne peut refuser les heures supplémentaires quand elles restent à l'intérieur du contingent (à condition qu'elles soient motivées par l'intérêt de l'entreprise), la chambre sociale de la Cour de cassation ayant jugé qu'il s'agissait d'une faute. A l'inverse, il ne peut que se porter volontaire pour en faire, sans être assuré que sa demande sera prise en compte. La jurisprudence a également montré qu'un salarié qui décide, de sa propre initiative, de faire des heures supplémentaires ne peut réclamer le paiement de ces heures.

9- Que deviendra le décret provisoire portant le contingent à 180 heures, passés les dix-huit mois ?

« A cette échéance », a promis François Fillon, lors de son audition par la Commission des affaires sociales de l'Assemblée, le 18 septembre dernier, « le gouvernement prendra définitivement position, au vu des négociations et des pratiques, sur le niveau optimal du contingent qui doit s'appliquer en l'absence d'accord, après avis de la Commission nationale de la négociation collective et du Conseil économique et social ». Pour autant, d'aucuns comptent sur la tendance bien française à la pérennisation des dispositions provisoires...

10- Que va-t-il advenir du régime dérogatoire accordé aux petites entreprises ?

Là encore, le ministre des Affaires sociales s'est exprimé sur le sujet : « On n'imagine pas que les petites entreprises puissent indéfiniment conserver un régime dérogatoire. A terme, le système devra être unifié. » En réalité, le retour au régime commun dépendra de la conjoncture. Mais aussi de l'évolution du marché du travail, qui devrait, sans doute, les inciter à s'aligner sur les conditions de travail et de rémunération proposées par les plus grandes.