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Des négociations à reculons...

SANS | publié le : 08.10.2002 |

Quota d'heures supplémentaires, taux de majoration, extension du forfait cadres ou compte épargne-temps... Les branches professionnelles ont dix-huit mois pour présenter leurs nouvelles propositions au gouvernement. Sans réel enthousiasme.

Une revanche ou un juste retour des choses ? En augmentant le quota légal d'heures supplémentaires de 130 à 180 heures, François Fillon semble donner raison aux revendications des branches professionnelles, malmenées par la deuxième loi Aubry. Le geste n'est pas anodin, il constitue même une petite révolution pour plusieurs secteurs d'activité qui avaient des contingents conventionnels supérieurs au contingent légal. C'est le cas de l'UIMM, l'Union des industries et des métiers de la métallurgie, qui affichait un quota de 180 heures, du nettoyage industriel (190 heures), du BTP (180 heures), de la boulangerie-pâtisserie (329 heures) ou encore des cabinets dentaires (158 heures).

Coût prohibitif

Toutes ces branches avaient déjà la possibilité de faire travailler "plus" leurs salariés, mais le coût de l'"heure sup'" devenait prohibitif : outre la majoration financière, toute heure effectuée au-delà du contingent légal donnait droit à une heure de repos. L'assouplissement proposé par François Fillon est, de fait, approuvé par Denis Gautier-Sauvagnac, vice-président délégué général de l'UIMM : « Malgré le ralentissement économique, les entreprises de notre secteur ont besoin de ce quota d'heures supplémentaires, car elles connaissent actuellement des difficultés de recrutement ; 32 % des entreprises industrielles risquent donc de ne pas pouvoir faire face à un développement d'activité. »

Toutefois, toutes les branches ne partagent pas cet avis. Les besoins en personnel varient, en effet, d'un secteur à l'autre, d'une fonction à l'autre. « Hormis pour les chefs d'équipe ou le personnel d'entretien, et pour quelques activités (comme l'ennoblissement), les 180 heures annuelles ne se justifient pas partout », indique François Pénard, directeur des affaires sociales de la Fédération du textile. Idem à la Capeb (Confédération des petites entreprises du bâtiment) : « Notre contingent, 130 heures (+15 pour les moins de 10 salariés), est largement suffisant. »

Plafond "d'heures sup'"

De fait, au total, 50 % des accords signés par la CFDT comprennent un plafond d'heures supplémentaires égal à 130 heures et 27 % un quota inférieur à 130 heures. Dans l'animation socioculturelle, par exemple, le quota tombe à 70 heures, les organismes de formation se limitent à 90 heures, tout comme le commerce alimentaire ou l'industrie de la chaux. En moyenne, les Français n'effectuent pas plus de 50 heures supplémentaires par an. On est donc bien loin des 130 heures autorisées aujourd'hui. Et, a fortiori, des 180 heures de demain. Faut-il, dès lors, rallonger les heures sup plémentaires?

Toutes les branches ont pourtant dix-huit mois pour trancher cette question. Libres à elles de revenir à 180 heures ou de rester à 130 heures supplémentaires. Ce sera également à elles de décider du taux de majoration de ces heures supplémentaires, 25 %, 50 %, voire en deçà, un plancher de 10 % étant cependant prévu. C'est également à elles de décider du recours au repos compensateur sur les quatre premières heures. En juillet 2004, le gouvernement tirera les enseignements des accords de branche, définissant le niveau du contingent, après avis de la Commission nationale de la négociation collective et du Conseil économique et social.

Méthode singulière

« Le fil rouge de ce projet, a averti François Fillon, c'est la méthode singulière ; c'est sa philosophie qui, contrairement à celle en vigueur par la passé, vise à mettre les partenaires sociaux en situation de responsabilité. » Sur le terrain, pourtant, les négociations n'ont pas commencé. Toutes les branches attendent le vote définitif de la loi pour lancer les discussions. Renégocier ? « Ce n'est pas forcément une priorité pour nos entreprises, indique Thirit Ung, nouveau directeur du département social et formation à la Fédération de la plasturgie. Nous cherchons, pour l'instant, à connaître le nombre exact d'"heures sup'" effectuées dans notre profession, compte tenu des périodes de forte activité et des carnets de commandes. » L'Unetel, l'Union des télécommunications, s'apprêtait, elle, à baisser son contingent. Elle ne le fera plus pour éviter « toute provocation » vis-à-vis du gouvernement en place. « Nous rechercherons un statu quo, probablement à 130 heures », indique-t-on à la fédération.

Surtout, les branches se demandent comment les syndicats accepteront de signer des accords en abaissant le coût des heures supplémentaires de 25 % à 10 %. Et même si elles y parviennent, d'autres problèmes surgiront. Car, comment rester attractif et accueillir la main-d'oeuvre qui fait défaut ?

D'autres sujets de négociation

Enfin, plus que sur les heures supplémentaires, les branches souhaitent surtout réouvrir les négociations sur deux autres dossiers, propices, également, à quelques assouplissements. L'extension du forfait jours à une catégorie plus large de cadres arrangerait non seulement l'UIMM qui, en 1998, avait ouvert le forfait aux itinérants non cadres, mais aussi la chimie, les banques et le BTP. Le compte épargne-temps, alimenté en argent plutôt qu'en temps, serait également bien perçu par les fédérations professionnelles.

Mais quelle contrepartie proposera le patronat ? « Jusqu'ici, les accords reposaient sur le gagnant-gagnant, indique Eric Heyer, directeur adjoint de l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). En échange de flexibilité, les salariés gagnaient du temps libre sans baisse de salaire. Or, le projet de François Fillon modifie les règles du jeu. L'équilibre est rompu. Il faudra apporter de solides garanties aux syndicats pour les décider à entamer les discussions. »

De fait, côté partenaires sociaux, le scepticisme demeure. La CFDT métallurgie ne voit pas très « bien ce qu'elle pourrait négocier ». « Notre quota d'heures est déjà à 180 heures, quelle sera alors notre marge de manoeuvre ? » D'autant que, pour cette branche, comme pour tous les secteurs qui ont déjà des contingents égaux ou supérieurs au plafond de 180 heures, les discussions seront serrées. Car, si, jusqu'ici, les ouvriers qui faisaient 180 heures par an pouvaient récupérer 50 heures, dans le cadre du projet Fillon, ils ne pourront plus en récupérer une seule.

Retour en arrière

La CGT construction craint, elle, un retour en arrière. « Dans nos professions, 9 entreprises sur 10 ont moins de 20 salariés, elles pourront rester à 39 heures, et ce, à moindre coût. Plus de 80 % des effectifs de nos professions risquent de ne jamais voir les 35 heures. » Bref, un terrain d'entente semble difficile à trouver... L'histoire retiendra, d'ailleurs, qu'en 1996, peu de négociations avaient abouti. C'est alors que Martine Aubry avait décidé de recourir à la loi...

Toyota : 50 % de plus l'"heure sup'"

Depuis le 1er septembre, certaines heures supplémentaires effectuées par les salariés de l'usine Toyota de Valenciennes sont payées 50 % de plus qu'une heure normale, contre 25 % auparavant. Seules sont concernées par cette mesure, prise par la direction à la demande des syndicats, sans que cela ait donné lieu à un accord, les heures supplémentaires pour lesquelles le délai de prévenance est très court, jusqu'à deux heures, effectuées en vue de rattraper un retard de production journalier.

L'usine fonctionne, en effet, selon le principe du flux tendu, nécessitant de faire du temps de travail journalier la principale variable d'ajustement. Cette majoration des heures supplémentaires est donc une contrepartie du court délai de prévenance. Les salariés ont désormais le choix entre capitaliser l'heure supplémentaire effectuée dans un compte épargne-temps ou se la faire payer. « Compte tenu de la majoration, il est plus intéressant pour le salarié d'être payé que de capitaliser. Pour l'entreprise, l'intérêt est de disposer d'heures », explique la direction, qui estime, sous réserve d'en savoir plus, que la modification du contingent d'heures supplémentaires prévue au titre de l'assouplissement de la loi sur les 35 heures n'aura pas d'impact sur son dispositif.