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LES SOLUTIONS DES ENTREPRISES

SANS | publié le : 01.10.2002 |

Les difficultés annoncées des retraites par répartition, et la réforme promise, font peser des craintes sur le niveau de couverture futur des salariés. Les grandes entreprises y ont souvent répondu en créant leur propre régime capitalisé. Mais la baisse des rendements financiers ne leur permet plus de garantir un niveau de rente. Les entreprises adaptent leurs outils.

Les Bourses ne cessent de plonger, tandis que les avertissements sur résultats s'enchaînent avec une régularité de métronome. Le temps est lourd pour les actionnaires et les épargnants. Et c'est dans ce climat que le gouvernement doit ouvrir, début 2003, le dossier du financement des retraites.

Il faudra bien affronter ce casse-tête dont les grandes lignes sont connues. De deux actifs cotisants pour un retraité, aujourd'hui, le système par répartition devra se contenter, en 2040, d'un actif pour un retraité. Faut-il allonger la durée de cotisation ou augmenter les cotisations elles-mêmes ? Elargir l'assiette des prélèvements au-delà des seuls salaires ? Les syndicats expliquent, en effet, que ces salaires comptent de moins en moins dans la création de richesses et que beaucoup d'éléments de rémunération, non soumis à cotisations, s'y sont agrégés, comme les stock-options, les primes d'intéressement, l'épargne salariale...

Nouvel étage de capitalisation

Le Medef, tout comme la Commission européenne, imagine plutôt un nouvel étage de capitalisation, au-delà des régimes de Sécurité sociale, soit sous forme d'épargne salariale orientée retraites, soit dans le cadre de fonds de pension. Cette dernière solution recueille moins de suffrages désormais, notamment à Bercy. Mais la réforme - outre la remise en cause des régimes spéciaux et fonctionnaires - pourrait aboutir à une baisse du taux de couverture du régime général. Et, en conséquence, favoriser des produits de capitalisation.

Les entreprises seront-elles amenées à proposer à leurs salariés des compléments de retraite ? En réalité, au-delà de l'épargne salariale, bloquée jusqu'à dix ans et avec sortie en capital, de nombreuses grandes compagnies offrent un véritable dispositif de retraite. Car il existe bien, en France, un troisième étage par capitalisation.

« Les salariés sont, aujourd'hui, particulièrement sensibilisés au problème, indique le DRH de Coca-Cola Entreprise. Y compris les jeunes qui, en phase de recrutement, posent régulièrement la question du dispositif de retraite. » Coca-Cola France a ainsi signé, en 2000, un accord d'entreprise sur la mise en place d'un régime de retraite d'entreprise à cotisations définies : les salariés versent une petite partie de leur salaire, que l'entreprise abonde, pour se constituer une rente. Le tout est investi dans un contrat en euros, géré par La Mondiale (lire p. 18).

Retraites supplémentaires

Des dizaines d'entreprises françaises ont mis en place de telles retraites supplémentaires. Pour la plupart, elles existaient depuis très longtemps - 1953, par exemple, pour IBM. A l'origine, il s'agissait, le plus souvent, d'un régime dit article 39, du nom de l'article du Code général des impôts, qui définit le statut fiscal du dispositif, ou régime à prestations définies. Dans ce cas, la rente servie est précisée dès le départ, par exemple dans le cadre d'un régime chapeau qui s'engage sur un taux de couverture, de 70 % à 85 % du salaire, une fois déduite la couverture des régimes de Sécurité sociale.

Cotisations définies

« Mais le grand mouvement qu'on observe depuis plusieurs années est la fermeture de ces "article 39", au profit de régimes à cotisations définies, ou article 83 », constate Gilbert Gurcel, directeur de La Mondiale Entreprises, premier intervenant sur le marché des retraites collectives, en 2001. Dans ce cas, l'entreprise s'engage sur un niveau de cotisations, mais pas sur la prestation servie à terme. Coca-Cola a fait ce choix, tout comme Axa, la Caisse d'épargne, la Société générale, Air liquide... « Nous avons fermé un régime 39, en 1996, explique ainsi Sandra Rouard, responsable "compensation & benefits" chez Air liquide. Nous en avons alors conservé le bénéfice pour les salariés de plus de 45 ans ou de plus de vingt ans d'ancienneté. Les autres, ainsi que les nouveaux embauchés, ont basculé dans un régime 83, avec des possibilités de rachat d'ancienneté, pour éviter des effets de seuil . » Les cotisations du nouveau régime sont assurées, à parité, par l'employeur et les salariés.

Prestations définies

De fait, ces régimes à prestations définies sont devenus rares. Michelin en a un, couvrant ses salariés qui ont un taux de remplacement inférieur à 55 % au moment de la retraite ; Shell a conservé une partie de prestations définies dans un dispositif mixte assez original (lire p. 16).

Mais, pour beaucoup d'entreprises, ces "article 39" étaient devenus ingérables. Rien à signaler en début de régime, alors que le flux des cotisations excédait largement celui des prestations à servir. Pas de soucis pendant les années d'euphorie boursière. Mais plus de vingt ans plus tard, il faut provisionner des montants très élevés pour faire face aux départs, alors que des licenciements ont parfois réduit le nombre des cotisants. Sans compter la chute des rendements boursiers. « Est-ce à l'entreprise de prendre en charge ce risque ? », interroge un DRH. Dans le cas des "article 83", le risque est externalisé auprès des assureurs. La loi leur impose un minimum de 3 % de rendement sur ces produits. La plupart s'engagent sur 4 % à 5 %.

Que réservent ces régimes à ceux qui en sortiront dans quinze ou vingt ans et plus ? En tout état de cause, les gestionnaires devront naviguer entre deux écueils : celui des rendements trop faibles, qui interdiront, à terme, de servir une rente raisonnable, et celui des risques du marché dans le cadre d'une gestion plus agressive. Sans compter une éventuelle augmentation durable de l'inflation.

L'exemple européen

L'exemple des voisins européens, dont les fonds de pension ont du mal à faire face à leurs engagements, n'incite guère à l'optimisme (lire p. 21). En Grande-Bretagne, les employeurs abandonnent les régimes à prestations définies pour indexer les prestations sur les cours de Bourse. En Suisse, le gouvernement veut réduire le rendement du capital investi de 4 % à 3,25 %, à la demande de grands assureurs qui gèrent la capitalisation retraite obligatoire.

Aux Pays-Bas, les fonds d'entreprise entament leurs réserves. En Allemagne, les pensions "Riester", individuelles, facultatives et abondées par l'Etat, rencontrent peu de succès.

Taux de couverture

En France, toujours en attente de réforme, les syndicats soulignent ces difficultés, ajoutant que le régime de capitalisation n'est pas plus apte à affronter le choc démographique que le régime de répartition. Ils continuent de plaider, avant tout, pour le maintien d'un bon taux de couverture du régime de Sécurité sociale. « Au plan local, là où des employeurs veulent financer la retraite de leurs salariés, nous ne nous y opposons pas, explique Jean-Christophe Le Duigou, responsable des dossiers économiques à la CGT. Mais nous attirons l'attention sur le fait que les rémunérations différées risquent de fragiliser les régimes, cadres en particulier. Une partie importante de ces rémunérations ne produit plus de cotisations retraites. »

A la CGC, la secrétaire nationale Solange Morgenstern fait le même constat : « Le patronat met l'accent sur l'importance des charges, et il est vrai que 25 % du salaire sert aujourd'hui à financer les retraites. Mais l'assiette des cotisations ne cesse de se réduire. Si on fait des régimes supplémentaires, on risque de la réduire encore. Il ne faut pas que le supplément phagocyte la base. »

Dans le débat qui s'ouvre, ces préventions vaudront aussi, et surtout, contre l'épargne salariale, qui monte en puissance et pourrait devenir un complément retraite important, et facultatif, en cas de net recul du taux de couverture des retraites Sécurité sociale.

L'essentiel

1 Pour répondre à l'inquiétude de leurs salariés, beaucoup de grandes entreprises ont ouvert un dispositif d'épargne retraite par capitalisation.

2 Les anciens systèmes, à prestations définies, supposent un provisionnement très lourd pour faire face aux engagements, surtout en période de faibles rendements financiers. Ils laissent souvent place à de la cotisation définie, ou à de l'épargne salariale.

3 Les syndicats soulignent que la multiplication des outils de rémunérations différées, exonérés de charges, handicapent la retraite par répartition, en réduisant l'assiette des cotisations.