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SANS

Génération des abusés

SANS | publié le : 01.10.2002 |

« Tous pareils ! » Engoncé dans son fil-à-fil et ses certitudes, ce grand baron d'une banque d'affaires, connu pour son leadership et les scores de sa région, peste contre "les jeunes pingouins" qu'on lui demande de prendre en charge pour renouveler ses équipes. (J'adore le terme jeune pingouin. Pas très charitable. Mais assez bien vu).

« Font semblant de s'intéresser, et encore, pas tous... Des efforts calculés pour faire leur objectif. Jamais rien en plus... Ne croient en rien... Se moquent de tout... Considèrent cette entreprise comme une vieille dame ringarde tout juste bonne à être exploitée et à leur garantir des RTT. Ne s'intéressent qu'au court terme. Ne font même pas de projets de carrière. Bref, vous voulez que je vous dise ? C'est une génération désabusée, voilà la vérité ! »

Profond soupir et grande désespérance.

Ce n'est pas la première fois que j'entends cette rengaine. Et probablement pas la dernière. On se rappelle qu'Aristote se plaignait déjà de voir les jeunes générations s'amollir dans les plaisirs de la vie au lieu de construire un avenir solide. Rien de neuf donc. Le "Tout fout le camp" est de toutes les époques, de toutes les générations. (Moi-même, je trouve que les abricots du jardin n'ont plus, mais alors plus du tout, le goût d'avant. Et le facteur est de moins en moins à l'heure. Et le standard ne répond plus après 18 heures. Et on ne trouve plus de place pour se garer. Mais où va-t-on, je vous le demande ? Non, c'est vrai finalement, tout fout le camp...).

Bref, c'est difficile de vieillir sans nostalgie. Mais comment lui dire ?

Quelle est l'origine de ce phénomène ? Comment « faire avec » ? Après tout, il n'y a qu'une alternative : accepter de gouverner efficacement les générations qui vont nous succéder, ou alors leur laisser la place tout de suite. (Personnellement, si j'y réfléchis vraiment, je ne suis pas si pressé de partir...)

Je me lance.

« Pourquoi seraient-ils enthousiastes ? Pourquoi auraient-ils confiance ? Comment leur démontrez-vous que vous êtes prêts à investir sur eux ? En proposant des CDD ? En installant pour vos vendeurs des systèmes d'intéressement qui les transforment en mercenaires ? En repoussant sans cesse l'accès aux responsabilités ? »

« Halte au feu ! », crie le client. « Comme d'habitude, vous exagérez ! N'a-t-on pas fait comme ça pour nous ? En sommes-nous morts ? Etait-ce un si mauvais système ? »

Cette fois, c'est moi qui vois rouge.

« Drôle d'excuse ! Vous avez la mémoire courte. Que faites-vous des licenciements massifs, des mises à la retraite anticipée, de toutes les opérations de restructuration, des casses industrielles, du naufrage des PME, et de tous les oubliés de la croissance ? Allez vous étonner qu'on ait du mal à progresser ! Où est le progrès, si la génération des abusés n'est pas capable de produire mieux qu'une génération désabusée ? »