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Ce qui a changé pour les salariés américains

SANS | publié le : 10.09.2002 |

Stress et sentiment d'insécurité, désir de favoriser la famille... Depuis les attentats, la vie de bureau a changé. Mais ces évolutions, dues aussi à la crise économique et aux licenciements, existaient déjà. Et les Américains ont passé l'épreuve en reprenant le business.

Une plaque dans la grande salle commune, portant le nom des salariés disparus et posée en présence de leurs familles : commémoration simple, ce lundi 2 septembre, dans le bâtiment de Morgan Stanley, à Time Square. La banque d'affaires, qui disposait du plus vaste espace de bureaux dans les tours jumelles, a été particulièrement affectée par les attaques terroristes du 11 septembre 2001 sur Manhattan.

Comme beaucoup de compagnies, autrefois logées dans les tours, mais aussi un peu partout dans le pays, la banque a mis en oeuvre des programmes d'assistance aux salariés (EAP) depuis un an, en orientant ceux qui le souhaitaient vers les services de psychologues en interne ou non. Elle a renforcé les mesures de sécurité dans l'entreprise. Les badges ne passent plus dans des automates, ils doivent être remis à des vigiles à l'entrée de l'immeuble. Mais les blessures intimes, nées de ce jour de septembre, ont eu des conséquences moins palpables sur la vie des salariés. « Les gens pensent plus à leur famille », explique ainsi Julia Gomez, 33 ans, analyste financière chez Morgan Stanley, spécialiste du secteur du transport aérien. Des programmes destinés à favoriser l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle existaient déjà au sein de la banque, mais ils ont été réactivés et promus : temps partagé, horaires assouplis, "benefits" destinés aux proches.

Ambiance plus grave

Pour Julia, la Grosse Pomme a changé. L'ambiance y est plus grave, les sorties plus rares. « Il y avait une fête, jeudi soir, à Time Square. Et il n'y avait pas grand monde. Les organisateurs attendaient une participation beaucoup plus forte. » Elle même, qui travaillait quelques rues au nord du World Trade Center, n'est « plus très sûre de vouloir habiter à New York ».

Dans tout le pays, avec l'arrivée des célébrations, les experts RH s'interrogent d'ailleurs sur ce que le 11 septembre a changé dans le monde du travail. Il est certes difficile de faire la part des attentats et de l'effondrement de l'activité économique. Mais, à tout le moins, les premiers ont accéléré la conjoncture et lancé le bal des licenciements massifs, au moins chez les transporteurs et constructeurs aéronautiques.

Sentiment d'insécurité

Le sentiment d'insécurité - qu'elle soit physique ou économique - pose le problème de la productivité. Les voyages d'affaires ont chuté, multipliant dans les entreprises l'usage des outils de communication à distance comme la vidéoconférence. Dans une récente enquête de la Croix Rouge américaine, 36 % des salariés interrogés demandaient à passer moins de temps au travail et plus avec leur famille.

Dans sa dernière livraison, le magazine spécialisé Workforce tranche le débat en titrant « Pourquoi le 9/11 n'a pas transformé le travail ». Postulat de ce journal : l'eau a déjà coulé sous les ponts et le business continue. Dans les semaines qui ont suivi l'attentat, les professionnels des RH ont été assaillis de rapports et d'études sur la sécurité sur le lieu de travail, les spécialistes en carrières ont prévu un grand retour à des valeurs fondamentales, moins pécuniaires, un retour en force du "worklife balance". Mais rien de tout cela n'est nouveau, la majorité des évolutions constatées ne sont que la poursuite de tendances plus anciennes, juge Workforce, et les DRH ont plus à faire aujourd'hui avec les conséquences des restructurations et des réductions de coûts.

Frédéric Artru, cofondateur français du fonds d'investissement SigEx, installé à Sarasota en Floride, retient, lui aussi, cette capacité des Américains à s'adapter professionnellement à toutes les crises. « Celle-ci a eu un effet temporaire de remise en cause du modèle économique pour certains d'entre eux, juge-t-il. Mais la façon de réagir a été de refaire du business. Ici, les gens naissent et vivent pour le travail. »

Les DRH sur le pont

Les arrêts de travail dus au stress ont largement augmenté, le coût des assurances santé aussi.

Programmes de remplacement de salariés clés : ils identifient des managers susceptibles de reprendre un poste stratégique et d'assurer la poursuite de l'activité.

Les voyages en avion font peur. Des salariés peuvent motiver médicalement leur refus de prendre un vol. L'employeur cherche d'autres solutions (communication à distance, vidéoconférence).

La communication interne s'est recentrée sur le sens à donner au travail, sur la place du salarié dans le process de production.

De très nombreux Employee assistance programs (EAP) ont été développés, avec soutien psychologique et parfois financier pour les familles (benefits, couverture sociale).

Les mesures de sécurité se sont multipliées. Les em- ployeurs craignent des poursuites intentées par leurs salariés pour négligence. Certaines entreprises ont même prévu des abris et des vivres pour survivre au moins 72 heures, pour leurs salariés coincés dans un bâtiment.