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A QUI PROFITERONT LES DEPARTS A LA RETRAITE ?

SANS | publié le : 10.09.2002 |

Les jeunes diplômés ne devraient pas être les seuls gagnants de la pénurie de main-d'oeuvre qui se profile. Les entreprises pourraient jouer sur d'autres registres alternatifs au recrutement pour atténuer le phénomène. Les femmes, les jeunes sans qualification et les seniors pourraient constituer les principaux relais de compétences pour éviter le choc démographique.

Le compte à rebours est lancé : en 2004, la génération du baby-boom, née entre 1945 et 1955, commencera à faire valoir ses droits à la retraite. Secteur par secteur, les entreprises font leur compte : dans les assurances, par exemple, l'âge moyen actuel des salariés est de 40,4 ans et 5,19 % ont plus de 50 ans ; 37 000 salariés (sur 118 400) vont atteindre l'âge de la retraite entre 2004 et 2013, avec une accélération très forte entre 2004 et 2009.

Dans les banques, le phénomène est équivalent. Alors que les 40-54 ans représentent 61 % des effectifs, les moins de 35 ans ne sont que 20 %. Entre 2005 et 2015, 5 % des effectifs vont partir à la retraite chaque année. En moins de dix ans, c'est un salarié sur deux qui quittera l'entreprise.

La fonction publique n'est pas mieux lotie. Dans la fonction publique d'Etat, par exemple, près de 30 % des fonctionnaires des ministères civils en poste à la fin 2 000, soit 460 000 titulaires, auront cessé leur activité d'ici à 2 009, selon une étude de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

Manque d'actifs

Cette hémorragie touchera également le BTP, l'industrie et les services aux particuliers, autant d'activités où les plus de 50 ans dépassent déjà 20 % des effectifs, selon une récente étude de la Dares (services d'études du ministère des Affaires sociales). Les actifs ne seront pas assez nombreux pour les remplacer et le spectre de la pénurie de main-d'oeuvre se profile. Au total, selon les projections de l'Apec (Association pour l'emploi des cadres), entre 40 000 et 60 000 cadres pourraient faire défaut chaque année jusqu'en 2010, soit un total de 440 000 personnes. De quoi inquiéter plus d'un DRH ! Car les conséquences d'une telle hémorragie sont évidentes : dysfonctionnement interne, perte de mémoire pour l'entreprise, surenchère salariale des nouvelles recrues... Comme en 2000, la guerre des talents pourrait bien avoir lieu et conduire les entreprises à modifier leurs pratiques RH.

Premières pénuries

Les premières pénuries ont déjà commencé dans la fonction publique : les infirmières, les responsables de ressources humaines, tout comme les financiers et les informaticiens font défaut. L'hôtellerie-restauration commence également à manquer de cuisiniers.

Le Syntec recrutement, qui regroupe les grands cabinets de la profession, a déjà émis quelques signaux d'alerte : « Les entreprises semblent encore peu mobilisées et peu sensibles au problème de gestion des recrutements et des carrières que cette situation va induire : dans près d'un établissement sur deux, le responsable n'a pas encore réfléchi à la question. » La Dares n'hésite pas à parler de myopie des employeurs, tandis que le Centre d'études de l'emploi s'inquiète du « choc des transmissions des savoirs ».

Après les coups de froid sur l'activité, les DRH se sont, en effet, davantage concentrés sur l'urgence du moment : réduire les embauches et mettre un coup de frein sur les rémunérations pour compenser les baisses enregistrées sur les carnets de commandes. Leur peu d'empres- sement à prendre des mesures s'explique aussi par le manque de culture en matière de gestion de l'emploi à long terme. « Les entreprises ne savent pas exactement quelles compétences seront indispensables dans le futur. Peu d'entre elles ont lancé des analyses stratégiques de compétences, insiste Didier Lebras, consultant chez Eurogroup, cabinet de conseil et d'organisation. Il faut d'abord identifier les zones à risque avant de lancer les moyens d'action. Car la pénurie ne sera pas dans tous les domaines. »

Catégories sous-employées

A qui profiteront les départs à la retraite ? Les jeunes diplômés ne devraient pas être les seuls gagnants de cette pénurie. La diminution du nombre d'actifs pourrait être atténuée par une remontée de l'activité de certaines catégories jusqu'ici sous-employées. C'est, par exem- ple, le cas des femmes. L'Insee table sur une augmentation de l'activité féminine. La population active devrait compter dans ses rangs 200 000 femmes de plus d'ici à 2020 et plus de 500 000 à l'horizon 2050.

Se faire accepter dans un monde d'hommes

Signe des temps : L'Etat et la profession du bâtiment ont signé, en février dernier, un protocole pour féminiser la formation et permettre aux femmes de mieux se faire accepter dans un monde d'hommes. Actuellement, la part des femmes salariées dans le secteur du bâtiment atteint à peine 9 % sur un total de 1,2 million de salariés. Cette sous-féminisation pouvait s'expliquer jusqu'à présent par l'aspect très physique de la profession mais la situation a désormais changé, affirment les signataires du protocole.

Les femmes sont également attendues dans l'industrie. Leur intégration est d'ailleurs l'une des priorités de l'UIMM (Union des industries et des métiers de la métallurgie). Si leur taux d'emploi ne dépasse pas les 15 % aujourd'hui, « rien n'empêcherait, dans les prochaines années, qu'il atteigne les 80 % », s'enthousiasme Dominique de Calan, délé- gué adjoint de l'UIMM. « Hormis quelques-uns, liés, par exemple, à la peinture, les femmes peuvent exercer les différents métiers de la branche. »

Les jeunes sans qualification pourraient également recueillir les faveurs des recruteurs. Pour contourner la concurrence des jeunes diplômés plus exigeants et surtout plus chers, l'accent sera mis sur la formation des jeunes sans qualification. Ainsi, pour "élargir les flux", l'Association française des banques a décidé de multiplier les formations en alternance pour recruter les jeunes en amont, via des contrats de qualification et des contrats d'apprentissage, et de créer une filière par alternance qui va du BTS au DESS en passant par les licences.

Les compagnies d'assurance ont également misé sur la formation en créant, cette année, avec La Poste, une mention complémentaire "services financiers", de niveau bac +1, spécialisée dans l'accueil à la clientèle et la commercialisation des produits financiers (voir p. 18).

Renversement de situation

Enfin, le troisième vivier qui pourrait prendre le relais, ce sont les seniors. S'ils connaissent encore une situation de sous-emploi massif (seulement 38 % des cadres de 50 ans et plus sont des actifs occupés), la situation pourrait se renverser rapidement. Avec la fin des préretraites, les DRH révisent, en effet, leur politique RH à l'égard des quinquas.

Préretraite progressive, formation, promotion interne, transfert de compétences... Elles cherchent aujourd'hui à mettre en place des dispositifs pour les motiver et les fidéliser. Hormis l'UIMM, qui préférerait opter pour des « reconversions externes », la plupart des branches se prononcent pour un maintien en activité des salariés plus âgés. Autant de registres à actionner pour éviter le choc démographique.

L'essentiel

1 En 2004, la génération du babyboom, née entre 1945 et 1955, commencera à faire valoir ses droits à la retraite. La fonction publique, les banques et les assurances seront les secteurs les plus touchés.

2 Les conséquences d'une telle hémorragie sont évidentes : dysfonctionnement interne, perte de mémoire pour l'entreprise, surenchère salariale des nouvelles recrues...

3 Les jeunes diplômés ne devraient pas être les seuls bénéficiaires de cette pénurie de main-d'oeuvre. Les entreprises cherchent à actionner d'autres registres alternatifs à ces recrutements. Les femmes, les jeunes sans qualification et les seniors devraient constituer les trois principaux relais de compétences.