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UNE LOI SANS MODE D'EMPLOI

SANS | publié le : 03.09.2002 |

Entré en vigueur le 17 janvier dernier, le volet anti-licenciement de la loi de modernisation sociale est d'autant plus délicat à appliquer que le nouveau gouvernement s'est, jusqu'ici, montré discret sur les retouches qu'il envisage. Sur le terrain, les entreprises utilisent notamment la technique des accords de méthode, pour pallier les incertitudes du texte.

Le 12 juillet dernier, le tribunal de grande instance de Lyon annulait la procédure de consultation des élus du personnel de Lejaby (fabriquant de sous-vêtements, 650 salariés) sur un projet de réorganisation, entamée deux semaines plus tôt. Le tribunal avait été saisi en référé par le comité d'entreprise, la CFDT et la CGT, qui estimaient « ne pas disposer de tous les éléments sur le projet de réorganisation économique pour, conformément à la loi de modernisation sociale, émettre un avis et formuler des propositions alternatives ». Il a estimé que le document fourni par la direction n'était « appuyé par aucun budget prévisionnel ni plan de développement [...] et annonce une délocalisation vers l'étranger sans autre précision ». La direction n'a pas cherché à faire appel : elle prévoit, au contraire, de fournir, mi-septembre, les éléments complémentaires d'information au CE, après avoir retravaillé le volet économique du projet, en concertation avec l'expert mandaté par les élus.

Nouveau cadre légal

La mésaventure de Lejaby illustre bien les difficultés que rencontrent actuellement nombre d'entreprises pour mener à bien une restructuration dans le nouveau cadre légal instauré par la loi de modernisation sociale (LMS). « Le texte donne la possibilité au comité d'entreprise de nommer un expert dès le livre iv, mais ce dernier n'a que treize jours pour rendre son rapport ; c'est un délai complètement irréaliste, peste Daniel Unvois, DRH de Mitsubishi France, qui ferme actuellement son site d'Etrelles en Ille-et-Vilaine (550 licenciements). Et je ne comprends pas pourquoi la consultation livre iv ne comporte que deux réunions, quand le livre iii en compte trois... »

Le texte est d'autant plus délicat à appliquer que plusieurs dispositions restent en suspens depuis le départ du gouvernement Jospin, certains décrets d'application n'ayant pu être publiés. Ainsi, le recours au médiateur demeure pour l'instant virtuel, en l'absence de l'arrêté précisant la liste des personnes à même de tenir ce rôle et leur rémunération. Et à ce jour, encore aucun juge n'a été saisi par un comité d'entreprise désirant faire jouer son droit d'opposition. Le même flou entoure le contenu de la fiche d'impact social et territorial ou encore le dispositif d'aide au conseil en gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) promis aux PME.

Une chose est sûre pour le nouveau ministre du Travail : ces décrets ne seront pas publiés. Et le dispositif anti-licenciement sera modifié en concertation avec syndicats de salariés et organisations patronales, « avec, pour objectif, de réduire les délais et de permettre une meilleure réactivité, tant des directions que des représentants du personnel, précise Eric Aubry, conseiller chargé du travail et des relations sociales au cabinet de François Fillon. Ces retouches pourraient prochainement faire l'objet d'une négociation interprofessionnelle ». Le ministre du Travail, qui a achevé, le 2 septembre, sa consultation des partenaires sociaux, devrait annoncer, en fin de semaine, ses intentions.

Accords de méthode

En attendant, l'une des pistes expérimentées par les entreprises pour lever les incertitudes réside dans la signature, avec les partenaires sociaux, d'accords de méthode sur l'accompagnement de la restructuration. Retenue par Alcatel, pour gérer la reconversion de son site d'Illkirch (67), la démarche a également été appliquée par Valeo, en mars dernier, pour accompagner son désengagement de quatre sites français d'ici à mi-2003. De même, l'accord signé le 8 juillet dernier par la direction et l'ensemble des syndicats d'HP, dont la fusion avec Compaq va se traduire par 1 400 suppressions de poste en France, a pour objectif de « fixer les modalités, le cadre et le calendrier de la concertation et des négociations qui porteront, notamment, sur les conséquences économiques et organisationnelles, les alternatives possibles et les incidences sociales de la fusion ».

Désigner un médiateur

C'est encore la solution qu'a choisie précipitamment la direction de Mitsubishi France, en juillet dernier. Les élus du personnel, insatisfaits des réponses de la direction à leurs contre-propositions, avaient déposé un recours en référé devant le TGI de Nanterre pour faire désigner un médiateur. « Il fallait trouver un moyen de sortir de cette impasse, alors que les congés d'août arrivaient et que la pression des salariés se faisait plus forte pour connaître les mesures du plan social, explique Daniel Unvois, le DRH. Sous l'égide de la DDTEFP d'Ille-et-Vilaine, nous avons alors commencé à négocier sur un accord de méthode, qui était en réalité une sorte de préaccord livre iii. En échange, les élus ont abandonné leur recours et reconnu que la consultation livre iv était close. »

Autre levier d'action pour faciliter les restructurations, mais à mettre en oeuvre plus en amont : redynamiser les outils de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. C'est le choix fait, notamment, par la DRH d'Aventis pharma, qui a décidé de lancer, cet automne, une vaste négociation sur ce thème. Mais aussi par Faurecia systèmes d'échappement, qui a engagé, fin juillet, une concertation en vue de la signature d'un dispositif de GPEC, pour accompagner, sur le plan humain, la baisse du carnet de commandes. « Comme il existe pour les CE un droit annuel d'expertise des comptes, il faudrait créer un droit à l'expertise de l'employabilité, estime Alain Petitjean, responsable du bureau parisien du cabinet Secafi-Alpha (expertise pour les comités d'entreprise). Un tel dispositif permettrait aux directions d'anticiper sur les conséquences des restructurations sans risquer le délit d'entrave. »

REPèRES

Livre IV : consultation du CE sur le projet économique de restructuration.

Livre III : consultation du CE sur les modalités du plan de sauvegarde de l'emploi.

L'essentiel

1 Complexe et encore empreinte d'incertitudes, la loi de modernisation sociale devrait, dans les semaines qui viennent, faire l'objet de retouches pour faciliter les licenciements.

2 Entreprises et experts réclament, notamment, la reconnaissance des "accords de méthode", utilisés pour mieux encadrer le dialogue social sur le projet de restructuration et mettre en place, le plus tôt possible, des mesures d'aide à la mobilité volontaire.

3 Une autre piste d'action pour faciliter les restructurations futures consiste à relancer les dispositifs de gestion prévisionnelle des emplois et compétences et de maintien de l'employabilité.