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"La préretraite progressive : un dispositif d'avenir"

SANS | publié le : 03.09.2002 |

Plébiscitée par les salariés, considérée comme "neutre" pour les entreprises, la PRP pourrait constituer une alternative définitive aux préretraites totales, coûteuses pour la collectivité. Pour Annie Jolivet, toute la question est de savoir si ce dispositif doit rester une mesure d'entreprise ou évoluer vers un droit pour tous les salariés concernés.

E & C : Dans votre étude, menée auprès de douze entreprises, vous dites que la préretraite progressive (PRP) est la seule alternative crédible à la cessation totale d'activité. Pourquoi ?

Annie Jolivet : Parmi les possibilités de départ anticipé des salariés de plus de 55 ans, la PRP est sans doute le dispositif le plus équilibré du point de vue des différents acteurs concernés. Elle est moins coûteuse pour la collectivité que les conventions ASFNE ou l'Arpe. Elle permet un maintien des salariés dans l'emploi jusqu'à la retraite, ces derniers continuant à cotiser, au moins partiellement, aux caisses de retraite, et elle leur ménage une transition en douceur vers la retraite. Elle peut prémunir l'entreprise contre une perte brutale de savoirs et de savoir-faire, tout en favorisant le renouvellement du personnel et le rééquilibrage de la pyramide des âges. Enfin, elle aide à l'insertion des personnes les plus en difficulté.

Individuellement, c'est une mesure très appréciée des salariés qui voient progressivement se fermer devant eux les possibilités de départ en préretraite totale. Ils y trouvent un certain nombre d'avantages (la rémunération pour un mi-temps correspond à 80 % du salaire de base, pour un salaire à temps plein inférieur au plafond de la SS). Collectivement, ce dispositif offre aussi l'intérêt de créer une transition vers la désaccoutumance à la préretraite. C'est une façon d'atténuer l'impact de l'arrêt définitif des préretraites totales, sauf raison majeure telle qu'une fermeture de site sans possibilités de reclassement.

E & C : A quelles conditions ce dispositif pourrait-il se développer ?

A. J. : Si l'on souhaite développer la PRP, il faut savoir quel objectif on lui assigne. Si elle reste une mesure emploi, on peut augmenter un peu le nombre de bénéficiaires en aménageant légèrement le dispositif. Par exemple, améliorer les conditions de la décision individuelle, notamment sur le délai. Actuellement, le délai dépend complètement de l'entreprise, de la façon dont elle négocie et informe les salariés. Ceux-ci se retrouvent, parfois, avec des délais extrêmement courts pour se décider, sans s'être familiarisés avec l'idée, sans avoir eu le temps de procéder aux calculs concernant leur retraite. Autres suggestions : mieux impliquer les partenaires sociaux dans le suivi des conventions et des salariés recrutés, conseiller les entreprises dans la mise en place du temps partiel.

Si la PRP doit servir à la gestion des salariés âgés, il faut repenser le dispositif et ses objectifs. Faut-il l'ouvrir à tout le monde ? Faut-il aménager des conditions spécifiques, par exemple pour les salariés qui n'auront pas cotisé suffisamment à 65 ans ? Faut-il l'ouvrir aux salariés déjà à temps partiel et comment ?

E & C : Peut-on envisager une pérennisation de la préretraite progressive ?

A. J. : Tout est une question d'arbitrage et de transition vers une situation différente. On peut se demander, en particulier dans les grandes entreprises, si un temps partiel "normal" ne pourrait pas prendre le relais.

Les enjeux en termes de vieillissement et la demande sociale de temps partiel font de la PRP un dispositif à la frontière entre un droit de fait - dans certaines entreprises qui l'utilisent de façon récurrente, dans les TPE où elle n'est pratiquement jamais refusée - et une mesure d'entreprise, celle-ci ouvrant ou non l'accès de l'individu à ce dispositif. Le problème est de savoir vers quoi l'on se dirige : un droit individuel ou le maintien de la PRP sous la forme d'un dispositif d'entreprise.

E & C : Est-il souhaitable que le temps partiel devienne la norme pour les salariés âgés ?

A. J. : Je ne suis pas persuadée que la norme du temps partiel en fin de carrière doive être imposée comme une référence. Cela conduirait à exclure les plus de 55 ans du temps plein. Les gens qui choisissent le mi-temps ont de nouveaux impératifs. Toutes sortes de raisons font que l'arbitrage qui a été fait jusque-là, entre vie professionnelle et vie privée, peut être remis en cause. Deux aspects sont à considérer ensemble : ce n'est pas parce qu'on a 55 ans qu'on doit obligatoirement passer à temps partiel, et on ne passe pas à temps partiel à 55 ans parce qu'on se désintéresse de son travail. Bien aménagé, le temps partiel permet de continuer à travailler, y compris lorsque le travail est pénible.

SES LECTURES

20-40-60 ans : dessinons le travail de demain, sous la direction de Dominique Thierry, Ed. d'Organisation/ Eyrolles, 2002.

La démographie du travail pour anticiper le vieillissement, Anne-Françoise Molinié, Serge Volkoff, Ed. de l'Anact.

PARCOURS

Chercheuse à l'Ires (Institut de recherches économiques et sociales), Annie Jolivet travaille sur la politique européenne de l'emploi et sur la problématique des salariés âgés.

Elle a publié, avec Serge Volkoff et Anne-Françoise Molinié, Efficaces à tout âge ? Vieillissement démographique et activités de travail (Les cahiers du CEE, n° 16, La Documentation française). Avec Pascal Charpentier (Cnam), elle est l'auteure d'une étude sur les préretraites progressives, commandée par la DGEFP (ministère de l'Emploi), achevée en octobre 2001.