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Les leçon s d'une mutation

SANS | publié le : 27.08.2002 |

Amenés à changer de site ou de métier, des ouvriers du site de Vénissieux ont bénéficié d'une évaluation de leur santé et d'un accompagnement médico-psychologique pendant dix-huit mois.

Avril 1998 : la direction de RVI annonce une restructuration industrielle, sans licenciement, sur le site de Vénissieux (69). Deux ateliers - engrenages et forge - sont supprimés : le premier est délocalisé 2 km plus loin, l'autre est définitivement fermé ; 262 salariés sont concernés.

Les médecins du travail, Jacques Scalbert et Christine Vignon, s'inquiètent : une précédente restructuration avait eu pour conséquence une forte augmentation des problèmes de santé psychiques comme physiques. Cette fois, ils veulent anticiper. Ils proposent à la direction de mesurer l'impact des mutations professionnelles sur la santé des salariés en trois temps : juste avant la réorganisation effective, quatre mois après sa mise en place et dix-huit mois plus tard.

Suivi des salariés

Pendant tout le temps de l'enquête (1), confiée à un organisme extérieur, le Careps (Centre Rhône-Alpes d'épidémiologie et de prévention sanitaire), ils s'engagent à suivre les salariés sur le plan médical et proposent de mettre une psychologue à disposition pour tous ceux qui en éprouvent le besoin.

Les premières réactions sont vives, tant de la part de la direction, qui craint des vagues, que des salariés eux-mêmes : « On n'est pas fous ! » L'enquête, menée auprès des salariés concernés par les restructurations et d'un groupe témoin, offre toutes les garanties de sérieux et convainc les organisations syndicales. L'anonymat est garanti, la psychologue ne fait aucun compte rendu et la transparence est à l'oeuvre, car la direction s'est engagée à largement diffuser les résultats de l'étude.

Assumer ses responsabilités

Le directeur d'établissement d'alors, devenu, depuis, directeur des achats de RVI, s'est laissé convaincre parce qu'il estimait que l'entreprise devait « assumer sa responsabilité ». « Nous revendiquions le fait que la société devait évoluer et que cela pouvait et devait se faire correctement », indique Serge Perez.

Pour les médecins, cette démarche marque une innovation : « D'habitude, les entreprises mettent en place un soutien psychologique quand les gens sont agressés physiquement - les salariés des entreprises de transport, des banques, par exemple. Cette fois, ce soutien concernait des gens agressés psychologiquement », souligne le Dr Christine Vignon.

Rapports d'étape

En trois rapports d'étape, l'étude montre bien l'évolution de l'état de santé des salariés. Les deux mois qui précèdent la fermeture des ateliers est une période d'incertitude pendant laquelle les salariés sont au plus mal. On note des troubles psychologiques, des troubles physiques et une augmentation de l'absentéisme. Six mois après la restructuration, le changement est notable : la majorité de ceux qui ont changé de métier ne vivent plus la réorganisation de façon négative. Certains sont même très satisfaits de leurs nouvelles conditions de travail (passage en 2X8, moindre pénibilité) malgré la baisse de salaire, qui est toutefois partiellement compensée pendant quarante-huit mois.

Tous les problèmes ne sont pas encore résolus : 35 % des ex-forgerons continuent à mal vivre leur mutation. En revanche, ceux qui étaient les plus sereins au début - les salariés des engrenages, qui n'ont pas changé de métier mais de site - sont devenus insatisfaits. Explication : leurs conditions de travail se sont dégradées, ils sont déçus et le manifestent par une détérioration de leur état de santé.

Janvier 2001 : les auteurs de l'enquête notent que les problèmes de santé « se sont, globalement, très nettement atténués », l'absentéisme s'est nivelé, même si un quart des salariés, dix-huit mois après, continuent à mal vivre la mutation.

Donner du sens

« Avant, j'avais un métier, maintenant, j'ai un travail », a dit un jour un forgeron reclassé à Christine Vignon. « Donner du sens au nouveau poste est un pari difficile, souligne-t-elle. Ce suivi des salariés était aussi là pour les aider à reconstruire un avenir ailleurs. » Le médecin du travail est intervenue auprès des chefs des ateliers "d'accueil", a résolu plusieurs situations individuelles en permettant des changements de poste quand l'adaptation ne se faisait manifestement pas.

Du côté de la direction, la démarche s'est révélée positive : la restructuration s'est faite sans un seul jour de grève et Serge Perez observe que « le monde ouvrier a prouvé qu'il était capable d'affronter des mutations qui, avant, lui faisaient peur ». Une prochaine réorganisation - la fermeture, en 2003, de l'atelier usinage moteurs - vient d'être annoncée. Le même suivi médical et psychologique a déjà été proposé par la direction.

(1) Coût : 54 900 euros.

RVI

Effectif total : 15 761 salariés en 2001, dont 2 770 sur le site de Vénissieux.

Total des ventes : 67 180 camions.

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