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Des techni ciens qui changent d'histoire*

SANS | publié le : 27.08.2002 |

Dans une unité technique de l'Isère, les réorganisations ont conduit à une dégradation de la santé des salariés. Le CHSCT a commandé deux études à des organismes extérieurs dont les résultats ont débouché sur un changement des pratiques de management.

Réorganisations, changements de métier et mobilité font le quotidien des salariés de France Télécom depuis dix ans. Passer d'un statut d'administration à celui d'entreprise concurrentielle ne s'est pas fait sans douleur.

Témoin cette unité iséroise de 400 personnes, assurant la construction et la maintenance du réseau des télécommunications sur le département. En l'espace de six ans, les deux tiers des salariés ont changé de métier. Ils se sont reconvertis au commercial ou ont gardé un poste technique, mais au contenu moins riche et sans l'autonomie de leur ancien poste.

Au plus fort de la restructuration, en 1999, le médecin de prévention, Marie-Odile Achard, est alertée par une forte augmentation des problèmes de santé du personnel, dont des pathologies anxiodépressives sévères. « J'étais comme face à une épidémie », se souvient le médecin, qui assiste également à des conflits très durs entre cadres et agents et à des rixes entre collègues. Pour comprendre le phénomène, le CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) demande que des études soient conduites par des organismes extérieurs. Une des études de psychodynamique du travail est menée par le laboratoire de psychologie du travail du Cnam.

Choc

Quand le rapport est diffusé, c'est un choc pour les cadres dirigeants, confrontés à ce qu'ils estiment être une remise en cause de leur gestion. Que disent les salariés ? « Que personne ne parle plus de travail, résume Marie-Odile Achard. On parle politique du groupe, réorganisation, baisse d'effectifs, mais plus jamais du travail. »

Le travail passé, lui aussi, disparaît, et le deuil ne se fait pas. « Des services disparaissaient, qui avaient produit quelque chose pendant quinze ou vingt ans. De cette expérience, la direction ne parlait pas mais évoquait l'avenir et ce qu'il fallait faire. » Certains salariés parlent aussi de l'inavouable : le manque de travail. Tandis que les uns croulent sous la tâche, d'autres n'ont rien à faire et le vivent très mal. L'absence physique des cadres est stigmatisée, la communication systématique par intranet et messagerie étant privilégiée.

Enfin, un problème est particulièrement mal vécu : l'absence de règles. « Nous sommes issus d'une administration avec beaucoup de règles, or les redéploiements se sont faits sans règles apparentes, selon des critères mouvants. Les agents ont un sentiment d'arbitraire total », constate le médecin de prévention.

Base de réflexion

Marie-Odile Achard effectue une synthèse des études, qui est acceptée comme base de réflexion et mise à l'ordre du jour du CHSCT au printemps 2001. Elle sert de base de travail au DRH de l'unité, Didier Mathieu, qui met en route un plan d'action. Parmi les mesures immédiates : pas plus d'une réunion par jour pour les cadres, pour leur laisser le temps d'être sur le terrain. Membre du CHSCT, José Riéra, élu CGT, note que, « pour la première fois, ce plan aborde les choses du côté des salariés et plus seulement du côté des objectifs de l'entreprise. On tient compte des situations individuelles et des compétences de chacun pour la mobilité. Mais la contrepartie, en termes de prime ou de carrière, est toujours absente ».

Charte de la mobilité

Ces principes vont maintenant s'appliquer à toute la direction régionale Alpes. Le DRH de la DR, Christian Oriol, a travaillé avec les représentants du personnel, à « donner un cadre clair à la mobilité ». Une charte de la mobilité, qui sera proposée à la signature des organisations syndicales en septembre, décline une série d'engagements en matière de communication, de suivi individuel, d'accueil et de formation sur le nouveau poste.

« Maintenant, le redéploiement est accompagné, on anticipe, on écoute les souhaits des agents. Ils ont plus de visibilité sur leur avenir, même si celui-ci ne correspond pas toujours à leurs désirs », note Marie-Odile Achard. En tout cas, le médecin de prévention constate une disparition des conflits entre agents. L'état de santé s'est, collectivement, amélioré, même si des situations individuelles restent préoccupantes. Mais sa plus grande satisfaction, c'est que « la parole circule. Aujourd'hui, on a le droit de dire qu'on ne va pas bien, et, à partir de là, de trouver des solutions ».

* Titre choisi par le Dr Marie-Odile Achard pour sa communication au 27e Congrès de médecine du travail.

FRANCE TÉLÉCOM ISèRE

Effectif : 400 personnes.

Activité : construction et maintenance du réseau des télécommunications.

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