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« Ce n'est pas la restructuration en soi qui fait souffrir, c'est la façon dont on la mène »

SANS | publié le : 27.08.2002 |

E & C : Pourquoi les restructurations font-elles souffrir ?

A.F. : Toutes les restructurations ne sont pas douloureuses. Celles qui risquent de porter atteinte à la santé physique et mentale des salariés sont celles qui leur paraissent aberrantes ou immorales. La difficulté peut être accentuée par une communication langue de bois ou, pire, manipulatrice et mensongère. L'autre source de souffrance peut venir de l'histoire collective vécue au travail. Dans des situations qui confrontent à la peur ou à l'injustice sociale, etc., les gens doivent mettre en place des stratégies de défense, qui sont indispensables pour continuer à travailler, mais qui ne sont pas sans risques pour le psychisme. Quand leur atelier ou leur site ferme, tout ce qui donnait sens à ces pratiques s'effondre. Ils sont face à leur culpabilité. Les conflits non résolus du passé reviennent et empêchent d'investir sur l'étape suivante.

E & C : Qui dit restructuration dit changement. N'est-il pas toujours difficile de changer ?

A.F. : On oublie de dire que les gens au travail passent leur temps à changer. Même un poste sur une chaîne automobile nécessite de changer sans cesse ses gestes. Il est absurde de parler de "résistance au changement". Mais transformer les pratiques individuelles et collectives est long. Les salariés s'agrippent à ce qu'ils connaissent, lorsqu'on ne leur donne pas les moyens d'évoluer. De plus, l'accusation d'archaïsme est souvent employée pour dénigrer le point de vue des opérateurs. Ce n'est pas la restructuration qui fait souffrir, c'est la façon dont on la mène.

E & C : Comment conduire une restructuration sans dommages pour les salariés ?

A.F. : Il faut que les salariés puissent situer la restructuration par rapport à leur travail. Cela passe par une information authentique et honnête. Des formules telles que "c'est la guerre économique, il faut restructurer sinon on meurt" visent seulement à terroriser et ne permettent pas de délibérer. D'autre part, les dirigeants doivent se garder de chercher le consensus à tous prix. Pour qu'une restructuration soit acceptée, il faut qu'on reconnaisse les points de vue différents. Le conflit, la discussion sont normaux. S'ils ne peuvent avoir cours, dans une confrontation verbale, c'est la violence qui prend la place de la parole.