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QUE FAIT L'ENTREPRISE ?

SANS | publié le : 16.07.2002 |

Le stress gangrène l'entreprise. Plus de 70 % des salariés le subissent. Les institutions européennes veulent s'attaquer au problème. En France, au-delà des programmes de relaxation ou de l'offre de services aux salariés, utiles mais souvent insuffisants, quelques rares entreprises ont mis en oeuvre un dispositif ambitieux.

Flux tendus, pression des objectifs, dilution du sens et des collectifs de travail... Comment échapper au stress ? Il touche plus de 40 millions de personnes au travail dans l'UE et représente un préjudice de plus de 20 milliards d'euros par an, en frais de santé, perte de temps de travail et de productivité. Un vrai fléau, tout juste déclaré cause européenne.

L'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail a, en effet, lancé, le 2 juillet dernier, une campagne à l'échelle de l'Union. Elle collecte des bonnes pratiques d'entreprises, dont les meilleurs exemples seront récompensés le 25 novembre prochain, lors de la Semaine européenne de la santé et de la sécurité au travail. Seuls les pays scandinaves et la Belgique ont déjà légiféré de façon spécifique sur le sujet. Ainsi, outre-Quievrain, toute entreprise est désormais tenue de mener une politique visant à évaluer le stress et à le prévenir.

Le stress, c'est le syndrome d'adaptation, disent les médecins. Il permet d'accompagner des changements, de faire face aux modifications de son environnement, y compris dans sa vie quotidienne, de relever des défis. Le danger est de dépasser la dose. Et la zone rouge, celle où on estime ne plus être capable de faire face, ne démarre pas au même endroit pour tout le monde, ce qui fait du stress un problème autant collectif qu'individuel. Mais une culture de la gestion du stress n'existe pas encore en France. Il est vrai que de nombreux bouleversements, générateurs de stress, sont encore assez récents.

Culte de la performance

A partir des années 80, et surtout 90, « faire son travail ne suffisait plus, observe le dr Legeron (1). Progressivement, s'est installé un culte de la performance et du dépassement ». Résultat : le sentiment du travail bien fait s'amenuise, chaque réussite amène des objectifs plus élevés et... plus stressants. Au service de cette performance, toutes les technologies de l'information qui modifient en permanence l'environnement de travail, les relations interpersonnelles, et abolissent les frontières entre le bureau et la maison. Enfin, les restructura- tions et fusions ajoutent aux incertitudes. Et tout le monde souffre : les ouvriers au moins autant que les cadres, a révélé le dernier congrès français de la médecine du travail (lire Entreprise & Carrières n° 625). Et les femmes, qui doivent concilier vies professionnelle et domestique, sont les plus exposées.

Prise de conscience

« On assiste, aujourd'hui, à une prise de conscience sur le sujet dans les grandes entreprises, estime pourtant le dr Eric Albert, cofondateur de l'Institut français de l'anxiété et du stress. D'une part, la question de l'adaptabilité des collaborateurs est devenue un enjeu central, d'autre part, les entreprises commencent à se préoccuper de la mesure de la responsabilité sociale. » Son cabinet accompagne six grandes entreprises, dont Renault est la pionnière (lire p. 16), dans la réalisation d'observatoires internes du stress. Mais, d'ici à la fin de l'année, Eric Albert pense qu'une demi-douzaine d'autres employeurs les auront rejointes. Le cabinet Stimulus, du dr Patrick Legeron, intervient aussi de façon approfondie auprès de grandes entreprises, notamment de service public, comme La Poste.

Pour ces précurseurs, il n'a pas toujours été facile de briser le tabou qui entourait le stress. Renault en sait quelque chose. L'annonce de la création de son observatoire du stress, et surtout des premiers résultats relevés auprès des salariés, en 1999, avaient été interprétés un peu vite comme une preuve des problèmes de stress au sein de la marque au losange. « Or, il n'existait alors aucun élément de comparaison avec d'autres entreprises », explique Philippe Jarriault, médecin coordonnateur chez Renault.

Management de la santé dans l'entreprise

Au centre des dispositifs mis en oeuvre pour prévenir le stress, se trouve de plus en plus le médecin du travail qui sort du rôle de témoin pour intégrer la vie des équipes. Wilfredo Ferre, directeur du bien-être chez IBM, fait partie des premiers à avoir endossé ce rôle (lire ci-contre). Il se décrit comme « un médecin passé au management de la santé dans l'entreprise ». Ainsi, il accompagne chaque service dans une réflexion sur son fonctionnement et ses valeurs.

A La Poste, une vaste action, menée sur demande du CHSCT, permettra d'harmoniser les interventions des différents médecins du travail et de les outiller pour mieux évaluer les éléments générateurs de stress. Autant d'initiatives qui vont, désormais, beaucoup plus loin que les seuls programmes de massage ou de relaxation au bureau, parfois utiles, souvent insuffisants. Mieux : alors que la nécessité de fidéliser va encore s'accroître, il deviendra insuffisant de se contenter de culpabiliser ses collaborateurs quant à leur efficacité, et de les envoyer se former à la gestion de leur temps.

(1) Dans Le stress au travail,

éditions Odile Jacob, août 2001.

L'essentiel

1 Le stress en entreprise ne cesse d'augmenter ; 40 millions de personnes en souffrent en Europe. L'Agence européenne pour la santé au travail en a fait son cheval de bataille pour 2002.

2 Le stress est le syndrome d'adaptation. Fusions et restructurations, changements de culture managériale, objectifs parfois irréalistes : tous les salariés peuvent être victimes d'une surdose de stress, les ouvriers autant que les cadres.

3 Alors que le sujet reste bien souvent tabou, quelques grandes entreprises commencent à mettre en oeuvre des dispositifs ambitieux de prévention dans lesquels le médecin du travail joue un rôle central.

Attention au technostress

« On dit qu'avec l'informatique, le travail se fait plus vite, ce qui laisse entendre qu'on peut en faire encore plus, explique une salariée stressée. On n'a plus droit à l'erreur. » Les personnels itinérants sont accessibles à tout moment grâce à un téléphone et un ordinateur portables, ce qui peut même conduire au concept de salarié "juste quand on en a besoin". Or les mêmes disent souvent manquer de contacts humains. « L'urgence donne un ersatz de sens au travail », explique Gérard Valenduc, chercheur à la Fondation Travail-Université de Namur. Ce qui ne suffit pas.

Quant à la maîtrise des outils, elle est trop souvent considérée comme allant de soi : « On met les gens en situation d'apprendre sur le tas, estime Denis Bérard, chercheur de l'Anact. Pour les PME, l'achat d'un logiciel ne peut être renchéri par celui de la formation. Par ailleurs, le marketing de la micro-informatique a développé l'idée que l'utilisation de ces outils est à la portée de tout le monde. Enfin, les dirigeants estiment que beaucoup de salariés ont un ordinateur et Internet chez eux, et qu'ils s'autoforment. Or ce n'est pas le cas de tout le monde : on parle actuellement de "fracture numérique", alors que, lors de l'introduction des machines à commande numérique, par exemple, tout le monde était sur un pied d'égalité. »

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