E & C : Le stress progresse-t-il dans les entreprises ?

B. S. : C'est en tout cas un sujet de préoccupation croissant. Dans un sondage, réalisé il y a deux ans auprès de nos adhérents, 75 % des gens disaient subir une trop forte charge de travail et trop de pression sur les délais. Ce fort niveau de stress perçu se retrouve dans les enquêtes récentes de la Fondation de Dublin ou du BIT. D'autre part, à la CFE-CGC, nous avons beaucoup de demandes de formation sur le sujet, émanant de nos unions dépar- tementales.

E & C : Comment expliquez-vous cette évolution ?

B. S. : L'environnement n'est plus aussi stable. Dans une grande entreprise, on pouvait se croire sur une plate-forme solide. Aujourd'hui, tout change en permanence avec les fusions et les restructurations, avec des changements de culture et de management. En outre, les salariés sont de plus en plus confrontés à des injonctions paradoxales : faire de la qualité, mais pas cher ; favoriser des résultats financiers de court terme, mais garder le souci du client. Quand des actionnaires demandent 15 % de retour tous les ans, certaines entreprises ne peuvent le faire sans se couper les bras. La qualité aussi peut introduire de l'injonction paradoxale : elle prescrit des procédures rigides au moment où on demande aux salariés de la flexibilité, de l'adaptabilité, voire de la créativité. Et avec les procédures qualité, le management s'est immiscé dans l'espace entre travail prescrit et travail réel, réduisant encore les marges d'adaptation disponibles.

E & C : Quelles sont les conséquences sur les collectifs de travail ?

B. S. : Dans nos enquêtes, nous avons été étonnés par l'importance des témoignages sur les manipulations mentales. Le harcèlement moral est une petite partie émergée de l'iceberg, mais il y a aussi une multitude de manoeuvres et de pressions, n'ayant toutefois pas le caractère répétitif et la visée destructrice constitutifs du harcèlement moral. Avec la montée des pressions, le groupe a tendance à rechercher un responsable. Il y a un climat délétère dans l'entreprise.

Pour nous, le stress doit être combattu, comme les problèmes de bruit ou de l'amiante, par exemple, et faire l'objet d'actions coordonnées de la médecine du travail et de l'inspection du travail. Certaines situations relèvent de la mise en danger délibérée d'autrui.