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SANS

France d'en bas

SANS | publié le : 09.07.2002 |

Fin fond de la France, dite profonde.

A ce propos, d'ailleurs, il y a longtemps que je me demande si "profonde" s'oppose alors à "superficielle", ce qui me conviendrait assez. Je connais, en effet, bien des endroits, soi-disant délaissés, où les moeurs d'entreprise et la réflexion sur le management sont autrement plus avancées que dans les endroits les plus branchés d'une France "d'en haut" qui n'a, en réalité, pas grand-chose à dire...

Service d'accueil d'une association de soutien social. En province, donc.

La misère a beau être moins pénible au soleil (sic), le flot continu des sollicitations que doit gérer l'équipe de "premier contact" a quelque chose d'effrayant, d'insurmontable, d'impossible à contenir.

Chaque situation, toujours complexe, recèle un enchevêtrement de problématiques culturelles, sociales, économiques, psychiatriques, dans un fouillis improbable de récriminations, de plaintes, de détresses muettes, et de désespérance.

Imperturbable.

L'équipe de cinq "conseillers d'orientation", chargés de trier les demandes et d'orienter vers les services "compétents" (je pense qu'on veut dire plutôt "concernés"...), fait face à ce flot avec une attitude très professionnelle, mélange bien dosé de compassion et de distanciation, avec une humeur égale quelle que soit l'attitude du demandeur, quelquefois agressif, le plus souvent confus, rarement précis.

Je cherche la recette, le grand secret de cette alchimie de l'efficacité.

Les conditions matérielles de travail ? Sûrement pas. Le service est logé dans un rez-de-chaussée miteux, prêté par une collectivité territoriale exsangue. Le mobilier est misérable, la chaleur presque intenable.

Le casting de l'équipe ? Peut-être. Mais alors, on entre dans le domaine de la chimie fine, compte tenu de l'extraordinaire variété des silhouettes personnelles et professionnelles des conseillers : une sorte de géant, aux épaules de déménageur et à l'élocution rauque, exerce à côté d'une vieille demoiselle frileuse. Une vamp locale, modèle avec décolleté vertigineux et robe fendue, collabore avec une maîtresse femme, genre Dubout, qui apostrophe les demandeurs comme une poissonnière sur le marché. Monsieur Paul, le plus ancien, glisse comme une ombre le long des murs, dans son costume trop étroit.

L'exercice d'une authentique vocation sociale ? Au bout de deux minutes d'entretien, chacun m'avoue qu'il fait ce métier pour gagner sa vie, comme n'importe qui. L'un est un ancien comptable licencié pour raison économique. L'autre travaillait dans un supermarché. Aucun n'a jamais milité nulle part. Pas de discours social ou politique repérable.

Alors, le management de l'équipe, peut-être ?

Entretien rapide avec le responsable du site. « Oh, vous savez, nous n'avons pas la culture de l'exploit. Je les invite à faire leur boulot comme il faut, c'est tout. J'évite les militants, les intégristes, les larmoyants. Et surtout, je les écoute au moins autant que je leur demande d'écouter. Normal, non ? »

Normal. Mais pas ordinaire...