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Rhodia Valence limite le risque social

SANS | publié le : 02.07.2002 |

Pour réussir sans heurts la mise en place d'un nouvel outil de production, accompagnée d'une organisation du travail et d'une gestion des compétences rénovées, l'usine Rhodia Technical Fibers de Valence a impliqué, pendant deux ans, le middle management, des tuteurs volontaires ainsi que les partenaires sociaux.

Une usine réaménagée sur plus d'un tiers de son périmètre, une capacité de production plus que doublée en un an, des effectifs et un plan de formation à la hausse : à Valence (26), les 243 salariés de l'unité industrielle de Rhodia Technical Fibers vivent, depuis près de deux ans, une rupture organisationnelle complète.

"Valence 2002"

En juillet 2000, la direction du groupe, qui hésitait parmi d'autres implantations possibles en Europe, choisit l'usine drômoise pour devenir sa plate-forme stratégique de production de fil et de fibre "polyamide 66" (nylon). La jeune équipe de direction s'était appuyée, dès le mois d'avril précédent, sur l'expertise du cabinet lyonnais Algoé pour donner plus de chances à sa candidature. Au début de l'été 2000, elle s'apprête donc à accueillir un investissement de 63 millions d'euros, qui s'accompagne d'un nouveau modèle d'organisation, baptisé "Valence 2002".

La nouvelle usine, plus complexe, s'articule autour de deux services travaillant en 5 x 8, alors que l'ancien système reposait sur un seul département de fabrication. Chacun des deux services compte cinq équipes de 17 opérateurs, sous la responsabilité de 5 managers. Lesquels traiteront avec leur chef de service respectif, au lieu d'être en prise directe avec le directeur d'établissement. Cette répartition des tâches par équipes, qui voient leur encadrement intermédiaire se renforcer, abandonne la stricte logique postée. De plus en plus, les opérateurs réaliseront de nouveaux gestes, comme la maintenance de premier niveau ou les auto-contrôles qualité. Ils prendront part aussi à la formation de terrain.

« Il ne s'agit pas d'un investissement de pure productivité, souligne Thierry Lafont, DRH de Rhodia Technical Fibers, car nous avons créé de l'emploi. Nous avions prévu d'emblée l'embauche de 70 nouveaux salariés en CDI. »

Relations sociales turbulentes

Malgré tout, le projet fait figure de gageure. L'usine valentinoise est, en effet, réputée, dans l'ex-groupe Rhône-Poulenc, pour ses relations sociales turbulentes. René Moulin, secrétaire du CE et délégué syndical CGT, explique : « Depuis mes débuts, il y a trente-huit ans, l'entreprise a pris sept noms différents. Elle a connu au moins autant de changements d'équipe de direction, de restructurations et de plans sociaux. A chaque annonce de restructuration internationale du groupe, nous avons toujours eu la crainte que notre site soit fermé. »

L'usine accuse, en outre, une pyramide des âges vieillissante et des embauches en berne depuis plusieurs années. Si bien que, selon le DRH du site, Raphaël Chabrier, « l'opération représentait aussi bien une opportunité qu'un risque social élevé. Nous allions devoir gérer une opposition possible entre deux populations, "anciens contre nouveaux", ainsi que l'intégration de 50 % de nouveaux collaborateurs dans certaines équipes de production ». « Avec, en outre, renchérit Frédéric Chalmin, directeur de l'établissement, l'enjeu énorme que nos process de fabrication nécessitent une activité en continu. »

Pour réussir son pari, la direction mise alors sur la mobilisation de tous les acteurs de l'entreprise. D'octobre 2000 à janvier 2001, la direction propose au middle management une charte RH, qui formalise des engagements réciproques en matière de management et d'évaluation des compétences, mais aussi de formation et de progression professionnelle. Elle est préparée, avec l'aide d'Algoé, puis réécrite par la direction des ressources humaines, avant d'être "livrée en pâture" aux dix responsables de la maîtrise pour qu'ils se l'approprient. Les cinq organisations syndicales reçoivent, elles aussi, les moutures préparatoires de la charte.

24 tuteurs volontaires

Dans le même temps, la direction fait appel à 24 tuteurs volontaires pour mieux intégrer les futures recrues. Cette action intervient bien en amont de la réception des nouveaux équipements, prévue pour ne s'achever qu'à la fin de cette année.

En février 2001, un premier contingent de 16 opérateurs de production entame une formation au tutorat. Deux mois plus tard, interviennent les premiers recrutements, réalisés, notamment, grâce à la méthode des habiletés, en associant systématiquement le management intermédiaire.

C'est également au printemps 2001 que la direction de Valence signe, avec les organisations syndicales, un accord de méthode relatif à la réorganisation du travail et à une nouvelle gestion des compétences. Elles constituent alors un groupe de concertation, associant le secrétaire du comité d'entreprise, un représentant du CHSCT et les syndicats. Son rôle : élaborer le modus operandi des déroulements de carrière, définir les modalités de pondération et de rémunération des compétences, ainsi que préparer un projet d'accord définitif.

Référentiels de compétences

Parallèlement, des groupes de travail "terrain" sont chargés de concevoir, pour chaque métier, les référentiels de compétences (adossés à la convention collective), d'identifier les moyens d'acquisition et de validation des compétences, et de définir les profils de progression. Cette démarche, baptisée "Compétences/Reconnaissance", s'est déroulée jusqu'en novembre 2001. René Moulin approuve cette approche participative : « Les entretiens annuels d'évaluation n'ont pas toujours été aussi formalisés. Il arrivait même que le contremaître fasse tirer au sort, dans son équipe, les primes individuelles d'intéressement. Aujourd'hui, chacun connaît mieux ses possibilités de progression. »

Climat serein

Résultat de la démarche : le climat interne demeure serein, malgré les perturbations causées par la réception des équipements industriels (toujours en cours) et la rénovation des chaînes d'étirage, à l'automne 2001. En dépit, aussi, des quinze jours de chômage technique décidés en décembre dernier, liés à une chute conjoncturelle du marché et des commandes. Il reste aux partenaires sociaux à entériner le projet Valence 2002 par un accord définitif, qui devrait être atteint d'ici à l'automne. La négociation tournera notamment autour de l'enjeu des rémunérations. Pour l'heure, Rhodia Valence prépare un nouvel accord d'intéressement. Il prévoit d'attribuer les primes selon un objectif de résultats, estimé trimestriellement et indexé sur la marge brute d'exploitation de l'établissement.

RHODIA TECHNICAL FIBERS VALENCE

Création : 1957.

Effectif : 243 salariés (dont 199 en usine).

Chiffre d'affaires : 47,48 millions d'euros en 2001.

Plan de formation : 18 000 heures de formation, en 2001 (contre 8 000 habituellement).

L'essentiel

1 Rhodia Technical Fibers, à Valence, a entrepris, voilà deux ans, une vaste réorganisation de sa production. Ce chantier devait s'accompagner de recrutements et d'une montée en compétences du personnel. Le tout dans une usine au climat social agité.

2 Mené avec l'aide du cabinet Algoé et impliquant le management, les opérateurs et les partenaires sociaux, le projet a donné lieu à la définition d'une charte RH, à la formation de tuteurs ainsi qu'à une démarche de validation d'acquis.

3 La direction, les représentants du personnel et des groupes de travail ont planché sur un nouveau dispositif d'évaluation et de gestion des compétences.

Une charte RH en six volets

La politique RH de Rhodia Valence est traduite dans une charte. Ce document interne se décline selon six thèmes : recrutement et intégration, formation et compétences, évaluation et performance, mobilité et parcours professionnel, reconnaissance et valorisation, information et communication. Pour chacun d'eux, la charte en décrit les principes, les règles de gestion et les indicateurs de suivi ou de performance.

Un graphique indique, en fonction des différents cas de figure, les réponses que doivent apporter le management ou le DRH. Par exemple, en matière de communication interne, les suites à donner à une question posée par un salarié : y a-t-il réponse sous sept jours (oui ou non) ? La solution apportée est-elle satisfaisante (oui ou non) ?, etc. La performance de chaque item est exprimée selon un indice de satisfaction, fourni par une enquête trimestrielle.

Validation d'acquis

Les opérateurs s'étant portés volontaires pour la formation au tutorat ont également bénéficié d'un dispositif individualisé de validation d'acquis, débouchant sur un CAP de conducteur d'installation par procédés. Quatorze d'entre eux ont réussi cette formation qualifiante et diplômante, pour laquelle le Greta, le Cepitra (organisme de formation de la branche textile) et des professionnels d'autres entreprises sont intervenus, au titre de formateurs ou d'évaluateurs.

L'enjeu de la formation consistait, en outre, à capitaliser le savoir-faire de ces tuteurs, opérateurs aguerris. Ils ont ainsi participé à l'élaboration d'une application informatique servant à leur propre formation, comme à celle des nouveaux ouvriers.