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Notat lance son agence européenne avec Arese

SANS | publié le : 02.07.2002 |

L'ex-secrétaire générale de la CFDT arrive au conseil d'administration de l'agence de notation sociale française Arese. Elle compte poursuivre un vaste tour de table pour lui donner une dimension européenne.

Nicole Notat ne chômera pas. Elle n'avait pas encore quitté les locaux du siège de la CFDT qu'elle avait déjà lancé sa nouvelle carrière dans la notation sociale des entreprises. Depuis le 12 juin, elle est entrée au conseil d'administration de l'agence française de rating social et environnemental Arese. Mais, à terme, l'agence française ne devrait être qu'un des partenaires d'un tour de table bien plus large. Les principaux actionnaires d'Arese, la Caisse des dépôts et consignations et les Caisses d'Epargne, n'ont pas laissé passer la chance d'une montée en puissance de cette structure et ont été convaincus par le projet Notat. Désillusion pour Geneviève Férone, créatrice d'Arese en 1997, qui a préféré quitter l'agence, le 16 juin dernier. Et qui pourrait être suivie par quelques-uns des neuf analystes qu'elle compte actuellement.

L'ex-secrétaire de la CFDT détaillait précisément son projet d'agence, le 11 juin dernier, lors d'un colloque organisé à Bruxelles par le cabinet Man-Com Consulting. « La création aura lieu fin juillet et l'agence sera prête à fonctionner, avec des grilles d'évaluation et des méthodologies, début 2003 », avait-elle alors précisé.

Une trentaine de salariés

Nicole Notat a d'ores et déjà trouvé de nouveaux locaux, à Bagnolet (93), pour abriter la trentaine de salariés que devrait employer son entreprise (dont le nom devrait être dévoilé dans les jours qui viennent) dès la fin de sa première année d'existence. L'idée majeure est d'en faire, dès le début, une agence à vocation européenne. Nicole Notat compte, en effet, « dans un délai raisonnable, at- teindre toutes les entreprises de l'Eurostoxx ».

Des ambitions européennes

Cette ambition représente déjà une évolution importante dans le secteur de la notation sociale européenne, sur lequel beaucoup d'agences nationales analysent principalement les entreprises de leur propre zone. Arese avait d'ailleurs quelques ambitions européennes : l'agence s'était détachée, le 7 juin dernier, du réseau Siri Group, rassemblant d'autres agences européennes, et fonctionnant comme un pacte de partenariat et de non-agression réciproque. L'autre évolution proposée par Nicole Notat concerne le modèle économique de cette grande agence de notation. Son actionnariat devrait comprendre des investisseurs, des entreprises et des syndicats. Une trentaine d'entreprises seraient d'ores et déjà intéressées. Pour garantir l'indépendance de la structure, aucun de ces acteurs n'aura un pouvoir déterminant, la participation de chaque entreprise étant, par exemple, limitée à 1% du capital.

Ce projet, en droite ligne avec la position tenue depuis de nombreuses années par la CFDT sur le rôle à jouer par les syndicats en matière d'investissement responsable, particulièrement dans le cadre de l'épargne salariale, devrait aussi convaincre un certain nombre de grandes organisations allemandes et scandinaves avec lesquelles Nicole Notat entretient des rapports cordiaux.

Peut-être plus déterminant encore, les clients de l'agence ne seront pas seulement les investisseurs, comme c'était globalement le cas pour Arese.

Outil de progrès

Nicole Notat veut faire de sa structure un « outil de progrès de l'entreprise ». La notation sollicitée par les entreprises entrera aussi dans ses activités. Ainsi, les sociétés pourront demander à être auditées par l'agence. Service qu'elles paieront d'un « bon prix », mais qui représente un travail jusqu'ici rarement réalisé : l'ex-secrétaire générale de la CFDT envisage, en effet, de pouvoir consacrer six semaines du travail de deux personnes pour chaque cas d'entreprise. Alors qu'Arèse comptait trois jours pour vérifier les informations contenues dans des rapports publics. Les moyens devront être importants et le tour de table n'est pas terminé. Même si les champs concernant les relations avec les clients et les relations avec les actionnaires ne seront pas pris en compte.

Le modèle économique en question

En annonçant que son agence fournirait aussi du service aux entreprises, Nicole Notat s'est attiré quelques critiques. Certains considèrent pourtant que cette clientèle est nécessaire pour obtenir les moyens d'améliorer le rating social.

Le projet de Nicole Notat a déjà fait grincer quelques dents parmi les puristes de la notation sociale. En cause, son modèle économique qui associe une clientèle d'entreprises et celle des investisseurs, brisant ainsi ce que les spécialistes appellent parfois une "muraille de Chine" entre les deux mondes.

Lors de la présentation du projet, le 11 juin dernier à Bruxelles, un gérant de fonds socialement responsables a, par exemple, évoqué les affres de l'évaluation financière qui ne sépare pas clairement la notation et l'audit, en souhaitant que l'évaluation sociale ne tombe pas dans le même travers.

« L'affaire Andersen/Enron incite à renforcer l'indépendance de ceux qui évaluent ou certifient par rapport à ceux qui conseillent ou qui investissent, explique aussi le professeur Jacques Igalens. De même, faudrait-il être assuré qu'Arèse ne se livre qu'à de l'évaluation et pas à du conseil. »

Pour Nicole Notat, il n'est pas question de mélanger les genres, et la déontologie et la formation des analystes seront les meilleures réponses à ces risques. Mais la question de la déontologie sera sans doute délicate. L'évaluation ou l'audit peuvent se rapprocher du conseil si les indicateurs fournis à l'entreprise induisent les éléments d'amélioration (par exemple, avoir tant de sites certifiés ISO 14000 pour être distingué par une agence).

« Quelques rares agences ont développé un peu de service aux entreprises, explique un spécialiste du secteur. Le problème est simple : le marché des seuls investisseurs est étroit pour bien vivre, et donc avoir suffisamment de moyens pour bien noter. La pratique de nombreuses agences, qui se contentent de déclaratif, est d'ailleurs critiquée. Pour un rating social plus en profondeur, avec plus de "terrain" et plus d'effectifs, il devient nécessaire d'élargir la cible, au risque d'être critiqué sur la déontologie. »