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LE TELETRAVAIL CHERCHE SES MARQUES

SANS | publié le : 02.07.2002 |

Longtemps présenté comme une solution d'avenir pour l'organisation des entreprises, et pratiqué par de nombreux salariés, le travail à distance est toujours à la recherche de son modèle. Quelques expériences de grandes entreprises ont cependant permis de tracer des pistes.

Ne demandez pas à Jean Hildbrand où il travaille, il est sans bureau fixe. Un jour au siège, le lendemain dans un bureau de proximité, à côté de chez lui, ce manager du programme "Mobilité" d'IBM fait partie de ces salariés qui pratiquent le travail à distance, ou télétravail.

Qu'il s'agisse du consultant qui travaille chez un client, et plus rarement chez lui, du salarié en centre de proximité ou du salarié pilotant une activité à distance de son équipe et de sa hiérarchie tout en restant à son bureau (travail coopératif), nombreux sont ceux qui pratiquent le travail à distance, parfois sans le savoir. En effet, si cette forme de travail est souvent pratiquée, elle est rarement raisonnée. Seules quelques grandes entreprises ont les moyens de capitaliser les expériences et d'en tirer des conclusions. Conséquence, il est toujours difficile de valider un modèle.

Avantages

En théorie, les avantages du travail à distance sont nombreux : accroissement de la performance en jouant sur la proximité, la flexibilité et la réduction des délais de réponse au client, économie sur les loyers, optimisation de l'organisation pour faire face à la réduction du temps de travail, et, du côté des salariés, meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Mais, en même temps qu'il apporte des solutions, le travail à distance pose de nouveaux problèmes de management. Comment maintenir la relation entre l'entreprise et son salarié ? Comment évaluer ses résultats ? Des résistances peuvent également apparaître. Le salarié peut ainsi craindre que l'éloignement de la hiérarchie ne nuise à sa carrière. L'utilisation des nouvelles technologies fait également peser des risques de "flicage" (voir p. 16). Quant au manager, il peut ressentir le fait de ne pas avoir son équipe "sous la main", comme une perte de pouvoir. Sans compter les surcoûts liés à l'installation et à la sécurisation des réseaux informatiques lorsqu'ils s'étendent hors de l'entreprise.

Peu de travail à domicile

Avec le recul sur des expériences menées dans de grandes entreprises, quelques pistes semblent s'esquisser. France Télécom, comme EDF-Gaz de France (voir p. 14) et IBM (voir p. 16), qui se sont dotées de missions télétravail pour capitaliser les expériences, ont ainsi pratiquement abandonné la perspective du travail uniquement à domicile. Sur les 2 000 à 3 000 salariés à distance d'EDF et GDF, seuls une centaine travaillent chez eux. Ils sont également très peu dans cette situation parmi les 7 000 salariés nomades de France Télécom et les 3 000 d'IBM ; pour l'essentiel, des salariés malades ou handicapés, qui ne peuvent pas se déplacer.

Faible demande

Le premier argument invoqué est une faible demande des salariés eux-mêmes. L'installation d'un salarié à domicile implique également une modification, peu incitative pour les entreprises, du contrat de travail. Des trois entreprises, seule France Télécom a prévu un avenant. En outre, le travail à domicile est, en général, très décrié par les syndicats.

Autre enseignement : le principe du travail strictement nomade, c'est-à-dire uniquement à domicile ou en centre de proximité, a été délaissé. Les responsables des missions télétravail prônent l'alternance domicile/bureau (France Télécom) ou bureau de proximité/bureau principal (EDF, IBM). « Nous encourageons l'alternance afin d'éviter la rupture du lien social », explique Anne Le- fevre, directrice du télétravail chez France Télécom. A IBM, on met également en avant la volonté de ne pas créer des sédentaires dans les bureaux de proximité.

Meilleure organisation

Le travail à distance nécessite, si ce n'est une autre, du moins une meilleure organisation. Pour Bertrand Déroulède, responsable du stage "Manager des équipes à distance" à la Cegos, « le management à distance amplifie les problèmes de management classiques ».

Par exemple, comment assurer le suivi d'un collaborateur quand il est loin ? Anne Lefevre insiste sur la nécessité d'être « plus précis sur les objectifs », de « pratiquer des reportings réguliers ». A France Télécom, la fréquence de ces reportings est écrite noir sur blanc dans l'avenant au contrat de travail des télétravailleurs. Une précaution indispensable également pour éviter l'isolement.

Importance du présentiel

Mais ces reportings, qui peuvent être faits par téléphone, ne dispensent pas de se rencontrer de visu. Pour Bertrand Déroulède, « le manager à distance ne peut faire l'économie d'une rencontre en présentiel avec ses collaborateurs. Une visite peut indiquer la considération qu'on a pour le travail de quelqu'un, elle peut permettre aussi de capter les messages non verbaux, qui se perdent lors d'une conférence téléphonique ».

Le présentiel est d'autant plus nécessaire que les salariés travaillent chez leurs clients, comme dans la SSII Cadextan. « Les consultants en mission longue durée risquent de développer un sentiment d'appartenance à l'entreprise cliente, au détriment de Cadextan », explique Christine Capao, la DRH, qui reconnaît que « la plupart des démissionnaires de ces deux dernières années sont partis chez un client ».

Retisser les liens

Pour retisser le lien, elle invite les salariés, durant le mois de leur anniversaire, à un dîner, ou encore organise des cocktails et des "pizzas thématiques" mêlant bonne chair et travail. Certains salariés consacrent, en outre, une ou une demi-journée par mois à rencontrer les consultants chez les clients. Histoire de montrer que distance ne rime pas avec absence.

L'essentiel

1 Le télétravail offre des avantages théoriques identifiés depuis longtemps: économies de loyer, flexibilité de l'organisation, proximité des clients, équilibre vie privée/vie professionnelle...

2 Mais rares sont les entreprises qui le pratiquent de façon raisonnée. Du coup, un modèle validé par l'expérience et reproductible tarde à apparaître.

3 Quelques pistes semblent cependant s'esquisser à la lumière de projets mis en place à EDF et GDF, IBM ou encore France Télécom.

A LIRE

Le travail à distance. L'expérience du télétravail à EDF et Gaz de France, Patrick Gilbert et Emmanuelle Frank, Entreprise et Personnel, mai 2001.