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Les techniques d'achat restent artisanales

SANS | publié le : 25.06.2002 |

Les pratiques d'achat de formation restent globalement peu professionnalisées, estime une enquête Demos. Seules les très grosses entreprises ont mis en place des méthodes modernes inspirées des services achats généralistes.

Des pratiques em- piriques et pas toujours productives, voilà la synthèse que tire Demos d'une enquête (1) sur l'achat de formation dans les entreprises françaises. Pourquoi un tel résultat ? Parce que la fonction d'achat reste largement assumée par le service formation (80 % des réponses). Les entreprises, qui ont pour la plupart rationalisé leurs achats, font une exception pour la formation. De ce fait, les techniques d'achat de formation ne bénéficient pas systématiquement de l'expérience des services achats généralistes (référencement, reconstitution des prix de revient, veille sur le marché...).

La responsabilité du responsable formation en ce domaine est donc entière. C'est même sa fonction principale. D'ailleurs, la responsabilité du budget formation est assurée par le service formation (75 %). « L'achat de formation n'est réellement professionnalisé que dans les 100 premières entreprises françaises, reconnaît Philippe Joffre, directeur général de Génération formation et ancien acheteur formation pour une grande banque française. Binômes et cotravail entre le service achats et le service formation sont en place. Dans ces entreprises, la caricature de l'acheteur de formation est dépassée. »

Acheter, c'est compter

Les responsables formation restent particulièrement jaloux de cette prérogative d'achat, et ne pensent pas qu'elle puisse être externalisée, ni auprès d'un Opca (71 %), ni auprès d'un cabinet- conseil (83 %), ni auprès d'un organisme de formation partenaire (75 %). Pourtant, l'externalisation de l'achat de formation a été choisie par quelques grandes entreprises. « La maîtrise des budgets de formation est souvent le résultat le plus directement visible, et parfois le plus regardé, de l'action des responsables de formation, explique Jean-Michel Mathieu, du cabinet d'outsourcing et d'externalisation Merlane. Cela explique leur souhait d'assurer l'intégralité du processus d'achat. Les responsables de formation ne doivent pas hésiter à s'entourer des compétences internes ou externes qui leur permettront de professionnaliser l'achat de formation et d'accroître la valeur ajoutée de leur action. Cependant, dans tous les cas, ils doivent garder la maîtrise d'oeuvre du dispositif de formation. »

Nivellement de l'offre

Cette fonction d'achat est d'autant plus sensible que le nombre de prestataires de formation est important et qu'ils assurent un très gros volume de la formation. Ainsi, 55 % des entreprises interrogées ont plus de 50 prestataires, et 18 % plus de 100. La formation externe est majoritaire en volume dans 80 % des cas. Dans 43,5 % des réponses, plus de 75 % de l'activité de formation est assurée par l'externe ! L'externalisation de l'acte de formation est donc, depuis longtemps, très largement entamée. Ce qui explique que les responsables formation s'accrochent à l'acte d'achat.

Cahier des charges

L'usage du cahier des charges se répand (62 %). Il est réalisé, le plus souvent, après validation de la demande de formation (68 %), mais plus dans la perspective d'une confirmation de l'analyse du besoin que dans celle de technique d'achat. Dans 53 % des cas, en effet, le cahier des charges serait construit au coup par coup, et seules 33 % des entreprises interrogées utiliseraient un cahier des charges type. De même, si l'on considère les informations contenues dans ces cahiers, on remarque qu'ils sont très prescripteurs sur le fond de l'action elle-même, et beaucoup moins sur son organisation et ses conditions de réussite et tarifaires. « Les cahiers des charges ont atteint de bons niveaux, estime Philippe Joffre, mais ne sont pas assez fonctionnels. Ils sont trop techniques et fermés, ce qui entraîne un nivellement et une moindre créativité des réponses. Le cahier des charges devrait permettre aux prestataires de se différencier sur les méthodes et les approches. Avec des cahiers trop fermés, le point de différenciation se réduit au prix. »

Souplesse

Les responsables formation ne sont d'ailleurs pas opposés à ce que les prestataires fassent des propositions d'amélioration : 54 % d'entre eux pensent ainsi que la commande doit être "ouverte", et 75 % trouvent pertinent que l'organisme de formation intervienne très en amont de la commande. Cette "souplesse" est plutôt un bon point.

La première source d'information sur les organismes de formation reste le bouche à oreille entre responsables formation (40 %). L'informel et l'information autoproduite prédominent largement. Les associations de responsables formation jouent là un grand rôle, officiellement ou pas. La publicité des organismes (25 %), les entretiens avec les représentants d'organismes (25 %), leurs annuaires (10 %), Internet (10 %) et la presse professionnelle (3 %) viennent ensuite dans les sources d'information. « Manque à ce travail de veille un vrai ben- chmark sur les techniques d'achat géné- ralistes, juge Philippe Joffre, qui sont au- jourd'hui très techniques et pointues, notamment au travers d'approches comme l'analyse à "coûts objectifs". Beaucoup d'éléments sont à y puiser. »

Le coût de la veille

Une majorité de responsables formation estiment bien connaître le marché de la formation (65 %) et ne pas rencontrer de difficultés pour trouver des prestataires (57 %). Mais un gros tiers avouent ne pas connaître le marché et plus de 40 % ont des difficultés pour trouver des prestataires. D'ailleurs, 42 % des interrogés avouent que s'ils devaient quitter leur fonction, leurs successeurs ne disposeraient d'aucune information directement accessible sur la qualité des prestataires ! « L'achat de formation est la chose la plus difficile qui soit, juge Alain Marlière, responsable formation chez Frigoscandia services. La fonction de veille sur le marché est primordiale. Il faut lire la presse, organiser son réseau, recevoir les prestataires... C'est beaucoup de temps. »

Les responsables formation se rejoignent majoritairement (64 %) pour estimer que le marché de la formation est très concurrentiel. Un tiers d'entre eux pensent cependant qu'il ne l'est que dans certains secteurs. « Le maigre professionnalisme des acheteurs de formation, au-delà des 100 premières entreprises françaises, ne doit pas laisser à penser que tous les "répondeurs" sont excellents !, prévient Philippe Joffre. Les réponses aux appels d'offres sont souvent médiocres. Un cercle vertueux serait que les acheteurs fassent comprendre leurs besoins d'informations, et que les réponses leur facilitent la vie et permettent aux prestataires de se différencier. »

La rotation des prestataires n'est pas de mise. Au contraire, une forte fidélité anime les relations entre entreprises et organismes de formation (80 % des entreprises interrogées n'ont pas une politique de renouvellement systématique de leurs prestataires). Une majorité d'entreprises (57 %) mènent des négociations globales dans le cadre de collaborations annuelles, mais une autre majorité (53 %) confessent ne pas prendre d'engagements vis-à-vis des prestataires qui soient de nature à garantir la qualité des formations à réaliser. Les RF ont coutume de dire qu'une fois qu'ils ont trouvé le "bon" organisme, ils n'en changent pas.

Défaut d'ingénierie

« Hélas, reconnaît Philippe Joffre. Fait défaut aujourd'hui un vrai savoir-faire en termes d'ingénierie liée aux nouvelles technologies. Les économies se font et se feront désormais sur les dispositifs et non sur le prix de journée. Les NTIC impliquent des réflexions plus complexes qu'avant, mais elles sont encore rares. »

Les normes et certifications (ISO, OPQF, ICPF...) sont peu utilisées dans le travail d'achat. «Dans un sens, avoue Alain Marlière, c'est normal, car c'est le formateur qui fait la réussite finale. Comment certifier son talent ? Ce problème ne sera peut-être jamais résolu. »

Seules 55 % des entreprises s'efforcent de reconstituer le prix de revient de l'organisme prestataire. Une forte minorité s'en tiennent au prix du marché ou au montant brut du prix, sans aller dans le détail de ce tarif. Les pratiques de "décorticage", parfois féroces, des prix en vigueur dans les services achats généralistes n'ont donc pas encore fait leur entrée dans les services formation.

D'ailleurs, on est loin du prix unique : les tarifs d'achat varient dans des proportions de 1 à 7 pour les formations interentreprises, et de 1 à 9 pour les formations intra-entreprises. « Les prix sont peu décortiqués, admet Alain Marlière. Mais les nouvelles normes ISO 9000 vont imposer de prouver l'efficacité de la formation, nous allons devoir faire des progrès en technique d'évaluation, donc d'analyse de coût et de prix. »

(1) Enquête réalisée en février 2002 auprès de 100 entreprises, dont 80 % de plus de 500 salariés.

L'essentiel

1 Les techniques d'achat de formation ne bénéficient pas systématiquement de l'expérience des services achats généralistes (référencement, reconstitution des prix de revient, veille sur le marché...).

2 La grande majorité des responsables formation estiment que l'achat de formation ne peut être externalisé, alors que l'acte pédagogique, lui, l'est très largement.

3 Les acheteurs de formation gagneraient à faire des cahiers des charges plus ouverts et à assurer une veille sur l'ingénierie pédagogique en nouvelles technologies.

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