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LE DIALOGUE SOCIAL FRANCHIT LES FRONTIERES

SANS | publié le : 25.06.2002 |

Alors que l'Union européenne encourage une consultation en amont des partenaires sociaux pour mieux anticiper les conséquences des multiples restructurations, de plus en plus d'entreprises communautaires s'efforcent de faire de leur comité européen un véritable interlocuteur à même de discuter stratégie et politique RH communes.

Dernier exemple d'une grande fusion intra-européenne, le géant de la sidérurgie Arcelor (né en 2001 de la fusion du français Usinor, du luxembourgeois Arbed et de l'espagnol Aceralia) a signé, le 27 mai dernier, le plus récent accord de création d'un comité d'entreprise européen. Le texte comporte de multiples innovations. Il prévoit ainsi que le CEE puisse émettre un avis lorsqu'il est consulté sur la stratégie de l'entreprise, et que cette consultation soit préalable à la décision définitive. Et lorsque cet avis n'est pas suivi par la direction, le comité restreint (16 membres sur 47) peut demander à examiner la mise en oeuvre des dispositions finalement prises. Ce comité peut également, s'il estime que des « problèmes nouveaux se posent », demander à rencontrer la direction générale pour engager le dialogue, de même qu'il peut accueillir, le cas échéant, des représentants des salariés non membres du CEE mais plus directement concernés par une décision. Surtout, souligne Jean-Louis Pierquin, DRH d'Arcelor, « nous avons convenu, dans une déclaration conjointe sur le dialogue social, de mettre en place, dès septembre prochain, des groupes de travail pour échanger sur quatre thèmes transversaux (la santé sécurité, la formation continue, le développement des compétences et le devenir de l'emploi). L'objectif est de trouver, quand cela sera possible avec un accord unanime, des politiques communes, des cadres de travail qui seront mis en oeuvre de manière obligatoire dans le groupe. »

Alors que la majorité des comités européens demeurent encore de simples relais d'information, ne se réunissent que pour assister au "show annuel" du patron, l'instance créée par Arcelor, « qui s'inspire explicitement de la récente directive sur l'implication des travailleurs dans une société européenne, représente un peu le modèle sur lequel on pourrait s'appuyer pour revendiquer la création de nouveaux comités, alors que la moitié des entreprises qui devraient en avoir un en possèdent », espère Marcel Grignard, secrétaire général de la FGMM-CFDT (métallurgie), qui a accompagné les négociations du sidérurgiste.

Décisions stratégiques

A l'image d'Arcelor, de plus en plus de grands groupes tentent de faire du comité européen - seule instance représentative présente au plus haut niveau, là où se prennent les décisions stratégiques -, un véritable interlocuteur, voire un contre-pouvoir.

Accords en nombre

Ces derniers mois ont ainsi donné lieu à des discussions poussées entre la direction et les CEE de nombreuses entreprises. Le comité d'Air France a "négocié" une charte sociale et éthique, signée, en juin de l'année dernière, par l'ensemble des syndicats européens présents au CEE, ainsi que par la Fédération européenne des travailleurs du transport, et devrait veiller à son application.

Au Club Méditerranée, en juin 2001, une déclaration commune, relative au respect des droits fondamentaux au travail dans le cadre du recours à la sous-traitance, a été signée.

Chez Danone, c'est la restructuration du pôle biscuit qui a donné lieu, le 25 octobre dernier, à la signature, avec l'Uita (Union internationale des travailleurs de l'agroalimentaire), d'un avis commun, par lequel la direction s'est engagée sur des mesures d'accompagnement social et de réindustrialisation des territoires applicables dans tous les sites touchés. A l'issue d'un rapport d'expert, mandaté par le comité européen, le groupe a également décidé de revenir sur sa décision de fermer une usine en Hongrie.

Politique de mobilité unifiée

Si l'avenir de l'emploi représente un thème qui se prête aisément à ces échanges transnationaux, EADS a, quant à lui, engagé un dialogue sur une politique de mobilité unifiée, ainsi qu'un dispositif d'intéressement groupe. Dans tous les cas, cependant, ces innovations doivent forcément être relayées par des négociations nationales, les décisions discutées avec le comité européen ne pouvant faire l'objet d'un accord juridiquement opposable.

Cela signifie-t-il que le CEE, notamment dans le cadre d'une possible révision de la directive de 1994, annoncée pour cette année, devrait se voir doter d'un pouvoir officiel de négociation ? Certains DRH en rêvent secrètement ! Mais tous sont conscients que cela relève pour l'instant de l'utopie, tant les partenaires sociaux français s'y montrent opposés.

Harmonisation des contraintes sociales

« Chez Rhodia, nous som- mes convaincus que la poursuite d'une concurrence saine au sein de l'Union européenne passera par l'harmonisation des contraintes sociales et par un développement de la négociation à ce niveau, souligne ainsi Max Matta, directeur des relations so- ciales Europe de Rhodia. Notre objectif est d'amener le CEE à être, à terme, cette instance de négociation, mais en matière sociale plus qu'ail- leurs, il est important de laisser faire le temps. »

En menant de front, l'année dernière, les négociations sur l'établissement du comité de groupe et du comité européen (nécessaires suite à la séparation avec Rhône-Poulenc), le DRS de Rhodia a obtenu l'accord des partenaires sociaux sur un transfert de certaines responsabilités (examen des comptes, information des élus en cas d'OPA...) du comité de groupe au CEE.

Souplesse

Pour Marcel Grignard (FGMM), le renforcement du dialogue social européen passera nécessairement par un « abandon de souveraineté » de la part des instances représentatives nationales : « Il s'agit ainsi de trouver des mécanismes souples permettant d'assurer une représentation des salariés au plus haut niveau, comme au plus près de leurs intérêts. »

L'essentiel

1 De plus en plus d'entreprises s'efforcent d'établir un dia- logue social au plus près des décisions stratégiques. La plupart choisissent de ren- forcer le rôle du comité européen, mais quelques-unes mettent en place une représentation salariale au sein des organes sociaux.

2 L'Union européenne encourage cette tendance, notamment par le biais d'un renforcement de la notion de consultation des partenaires sociaux, qui pourrait bien être inscrit au programme de la prochaine révision de la directive sur les CE européens.

3 Les syndicats français, cependant, demeurent hostiles à l'attribution de nouveaux pouvoirs à l'instance européenne, afin de conserver leur monopole de la négociation.