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« Le DRH, même de terrain, doit penser international »

SANS | publié le : 18.06.2002 |

Les entreprises qui s'internationalisent tendent à se rapprocher d'un modèle d'organisation transnationale. La fonction RH y a un rôle de coordination et d'intégration très important à jouer.

E & C : La fonction RH tend-elle à s'internationaliser, à l'instar d'autres fonctions de l'entreprise comme les finances, la production ou le marketing ?

Charles-Henri Besseyre des Horts : La fonction RH ne s'internationalise pas de la même façon que les autres fonctions de l'entreprise. Par définition, la fonction RH est essentiellement locale, en raison de facteurs culturels et juridiques. Même dans une entreprise totalement internationale, 90 % à 95 % du staff est local, donc fatalement géré par un local qui connaît beaucoup mieux les us et coutumes qu'un étranger. La fonction RH est internationale uniquement pour une population très spécifique de cadres dirigeants, de techniciens experts qu'on a besoin de déplacer en fonction des besoins, bref, pour des populations stratégiques. C'est pour elles qu'on a besoin d'une fonction RH internationale et l'internationalisation de cette fonction constitue un véritable enjeu pour les entreprises qui veulent devenir plus globales, plus mondiales.

E & C : Pourquoi l'internationalisation de la fonction RH pour cette population stratégique constitue- t-elle un enjeu ?

C.-H. B. des H. : Il s'agit d'un enjeu de coordination. Coordination des processus de mobilité des cadres, coordination des règles de rétribution, des processus de recrutement, de la politique de gestion des cadres à potentiel, etc. C'est sur ce champ d'action que l'internationalisation de la fonction RH tire sa légitimité. Une entreprise peut s'internationaliser selon trois modèles, décrits par Perlmutter en 1974 : le polycentrisme, l'ethnocentrisme et le géocentrisme. Dans le modèle polycentrique, l'entreprise se développe à l'international en laissant une très grande autonomie aux managers locaux. Le risque, c'est la tour de Babel et, en matière de ressources humaines, une absence de gestion de la population stratégique (cadres à haut potentiel, mais aussi techniciens très pointus). Le modèle ethnocentrique, c'est le modèle traditionnel, en voie de disparition : on envoie des expatriés conquérir le monde et c'est un réseau d'expatriés qui constitue donc le socle de l'internationalisation. Le modèle géocentrique - ou modèle transnational - se veut un peu la synthèse : on prend les meilleurs là où on en a besoin, on met en place une mobilité de cette population transnationale. Dans ce modèle, la fonction RH internationale a toute sa légitimité. Son rôle de coordination se manifeste aussi dans la diffusion d'une culture corporate.

E & C : Comment l'internationalisation peut-elle s'incarner au niveau de la DRH de terrain ?

C.-H. B. des H. : Il faut, en effet, distinguer deux niveaux de DRH : la DRH corporate, dont le rôle est de mettre en place des processus de coordination, et la DRH locale. La principale qualité d'un DRH de terrain, c'est d'être paradoxalement... international, c'est-à-dire de prendre conscience qu'il n'est pas propriétaire de ses ressources. Le DRH France, par exemple, doit accepter qu'un ingénieur, un technicien ou un vendeur, peut être envoyé en Malaisie parce qu'il y sera encore plus utile au groupe. Etre international ne signifie pas forcément travailler avec une population internationale, mais prendre conscience qu'on est dans un groupe et qu'il y a d'autres enjeux à l'autre bout du monde. Le véritable enjeu de la DRH, qu'elle soit au niveau local ou corporate, c'est d'être partenaire du business.

E & C : Le mode de développement transnational des entreprises, qui valorise le plus la fonction RH, est-il appelé à se développer ?

C.-H. B. des H. : Le modèle transnational, ou géocentrique, est l'idéal, même s'il est plus difficile à appliquer : mettre en place une mobilité internationale coûte cher, les questions de contexte juridique posent des difficultés.

Mais les entreprises où les équipes des différents pays travaillent ensemble sont des entreprises qui vont plus vite. C'est un modèle plus efficace : même si les différents pays ont leur propre façon de gérer, l'approche globale est nécessaire. Prenons l'exemple des systèmes d'information. S'ils ne peuvent pas communiquer entre les différents pays, cela pose un problème sérieux de coordination. Du coup, les entreprises qui atteignent une taille internationale font des choix : chaque pays abandonne son propre système au profit d'un pour tous, sinon, c'est la tour de Babel.

En matière de RH, même s'il peut y avoir un certain nombre d'applications locales, il est nécessaire d'adopter une même base de données pour gérer les potentiels au niveau international. C'est encore plus flagrant avec le e-RH, qui est un grand facteur de coordination et de normalisation. L'avenir des RH passe aussi par les technologies, même si la technologie, à elle seule, n'a jamais résolu de problèmes.

SES LECTURES

Rouge Brésil, Jean-Christophe Ruffin, Ed. Gallimard, 2001.

Les inventeurs de la stratégie, Rafael Ramirez et Johan Wallin, Ed. Village Mondial, 2001.

Hidden Value, Charles O'Reilly III et Jeffrey Pfeffer, Ed. Harvard Business Press, 2000.

PARCOURS

Charles-Henri Besseyre des Horts est professeur associé au département management et ressources humaines du groupe HEC. Il enseigne dans plusieurs programmes du groupe : HEC, Isa MBA, programme doctoral et programmes dirigeants HEC management. Il est le créateur et le directeur scientifique du mastère part-time management stratégique des RH, destiné à des responsables en activité.

Il participe à des activités internationales de conseil et de formation, en Amérique du Nord, Europe de l'Est, Moyen-Orient, Afrique et Asie.

Il a publié de nombreux articles et ouvrages dont Vers une gestion stratégique des ressources humaines (Ed. d'Organisation, 1988) et La maîtrise du redéploiement (Dunod, 1993).