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Les médecins se penchent sur la souffrance au travail

SANS | publié le : 11.06.2002 |

Le 27e Congrès de médecine et santé au travail a abordé, cette année, des thèmes de société comme la violence au travail, le stress ou les inégalités socioprofessionnelles de santé.

Organisé tous les deux ans, le Congrès de médecine du travail est, d'ordinaire, le rendez-vous des "professionnels de la profession". Cette année, le 27e Congrès, qui s'est tenu à Grenoble, du 4 au 7 juin, a innové en s'ouvrant à d'autres acteurs de la santé au travail : infirmières, techniciens, ergonomes, ingénieurs de la sécurité, auxiliaires médicaux, psychologues, nutritionnistes. Il a également élargi le thème de la médecine à celui de la santé au travail. Le président du comité d'organisation, le Dr Bernard Morin, a résumé cette ouverture par cette formule : « La médecine est un moyen, la santé est l'objectif. »

Vingt thèmes

Sur les vingt thèmes abordés au congrès, plus de la moitié concernaient des sujets dépassant largement le domaine de la médecine pure. Parmi eux : les actes de violence dans les relations avec la clientèle, les effets des restructurations sur la santé, le travail après 50 ans, les inégalités socioprofessionnelles de santé, les troubles du sommeil, la nutrition au travail, etc. Des sujets sur lesquels les médecins du travail ne détiennent pas de solutions, même si les expérimentations existent, et ce fut l'intérêt du congrès de s'en faire l'écho. Les médecins du travail et les infirmières de RVI et de France Télécom Grenoble ont présenté des enquêtes sur les effets des restructurations internes sur la santé. Dans les deux cas, les directions en ont tenu compte pour améliorer les conditions de travail des salariés.

Confrontés fréquemment aux agressions, les 14 000 agents de La Poste travaillant dans les "zones urbaines sensibles" bénéficient, depuis 1999, d'un soutien spécifique : volontariat dans l'affectation, formations pour maîtriser l'agressivité, suivi médical particulier avec dépistage précoce d'éventuels troubles psychologiques, suivi post-agression. Un péager d'autoroute est victime, en moyenne, de 4 agressions verbales par jour ! Dans la Société des autoroutes Area, personne n'en parlait, jusqu'au jour où plusieurs agressions physiques ont conduit le CHSCT à entamer une action sur le sujet avec le médecin du travail. Des mesures de prévention techniques ont été mises en place ainsi qu'une formation à la prévention des agressions et un accompagnement des victimes par une association spécialisée.

Enquêtes épidémiologiques

Parmi les événements du congrès : la présentation d'enquêtes épidémiologiques inédites, prouvant que le travail est un facteur de risque cardio-vasculaire. « Les principaux facteurs évoqués d'habitude - tabac, cholestérol, alcool, hypertension artérielle, sédentarité, diabète - n'expliquent que la moitié des accidents de ce type. Or, certaines organisations du travail peuvent être considérées comme des facteurs de risque cardio-vasculaire », a expliqué le professeur Régis de Gaudemaris, responsable de l'équipe de médecine et santé au travail de l'université Joseph-Fourier de Grenoble. Stress, travail de nuit, sédentarité au travail sont les facteurs de risque principaux.

Etude épidémiologique

De même, ce sont les conditions de travail qui favorisent l'hypertension, comme l'a montré une étude épidémiologique menée auprès de 30 000 salariés. Ces facteurs de risque se concentrent aussi sur les non-cadres. "Les inégalités socio-professionnelles de la santé" a d'ailleurs été un thème phare, avec deux communications re- marquées. L'une, de Thierry Lang, de l'Inserm Toulouse, a fait part des résultats d'une étude européenne montrant une surmortalité, de 40 % en moyenne, des ouvriers et employés de 25 à 54 ans par rapport aux cadres, dans dix pays de l'Union, sauf en France, où l'écart est de 71 % !

Stress des ouvriers

A son tour, Johannes Siegriest, de l'université de Düsseldorf, a brisé le mythe du cadre stressé : ouvriers et employés sont les plus exposés au stress, le stress étant lui-même la cause de nombreuses maladies. « Appartenir à une catégorie sociale inférieure est, aujourd'hui, le premier facteur de risque de mortalité précoce », a-t-il affirmé. Un problème de santé publique encore largement sous-estimé, sauf dans les pays du Nord, qui commencent à prendre des mesures.

Les sujets classiques comme les TMS ou la prévention des risques professionnels ont alimenté beaucoup de débats d'autant plus que le rôle du médecin du travail est central dans l'application du décret du 5 novembre 2001, qui fait obligation à l'employeur d'évaluer les risques sur la santé des salariés. L'usage de l'Internet et de l'intranet, bien qu'encore trop peu répandu chez les médecins du travail, peut pourtant faciliter la prévention, comme l'ont montré des médecins du travail de Thalès qui ont élaboré avec des ingénieurs une base de données sur les produits chimiques utilisés en entreprise.

La réflexion sur les pratiques, avec des ateliers sur l'éthique, sur les démarches qualité, a traversé ce congrès, les médecins du travail aspirant à travailler davantage sur la prévention, moins sur la seule aptitude au travail. « Il faut déplacer le médecin du travail hors de son cabinet », a recommandé le docteur Dell'Accio, médecin du travail à Grenoble. Un message entendu, en tout cas, par les 2 700 participants au congrès.

Une mission élargie

Il y a, en France, 6 500 médecins du travail qui suivent, avec 8 000 auxiliaires médicaux, plus de 12 millions de salariés du secteur privé.

Les derniers textes de la loi de modernisation sociale élargissent la notion de médecine du travail en lui donnant une dimension de santé au travail et introduisent la pluridisciplinarité, c'est-à-dire le travail avec des spécialistes d'autres disciplines. Ils garantissent aussi une meilleure indépendance du médecin dans sa mission.