Lorsque Thierry Lecot a monté son entreprise de marketing téléphonique ADM Conseils, en 1994, il disposait d'un bureau dans un centre d'affaires. Difficile d'y loger les vingt téléacteurs nécessaires à son activité : la réalisation d'enquêtes de satisfaction pour le compte de concessions automobiles. Il a donc pensé au télétravail et s'est aperçu que le profil qui l'intéressait - personnes fiables, avec peu d'obligations familiales, car il faut téléphoner jusqu'à 20 h 30 - coïncidait souvent avec celui des personnes ayant une RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé). Thierry Lecot les recrute, en effet, en contrat initiative emploi (CIE), ce qui permet une exonération des charges sur les cotisations de Sécurité sociale. « C'est une façon d'allier l'avantage pour l'entreprise et l'avantage pour la personne, résume-t-il. Mais je recrute quelqu'un d'abord parce qu'il a les qualités pour exercer l'activité, pas parce qu'il est handicapé. »

ADM Conseils a employé ainsi jusqu'à 20 personnes à domicile, dont 18 ayant la RQTH. Leurs postes de travail sont aménagés : fauteuil ergonomique, repose-pied et micro-casque. Le financement est entièrement pris en charge par l'Agefiph. Tous recrutés en CDI, ces salariés sont en contact permanent avec l'entreprise et, tous les trois mois, sont conviés à une réunion au siège.

Parmi eux, Serge Garcia a été repéré par Thierry Lecot. « Je me suis très vite lassé de faire des enquêtes de satisfaction. Le directeur m'a proposé de créer une nouvelle activité de formation en communication, destinée à nos clients. » Les antécédents médicaux de Serge Garcia avaient pourtant de quoi rebuter les chefs d'entreprise les moins frileux : après un cancer du système lymphatique, cet ancien cadre commercial de 48 ans a été victime d'un accident cérébral, qui a nécessité un an et demi de rééducation, et souffre également de problèmes cardiaques, conséquence du traitement contre le cancer. Mais Thierry Lecot s'est d'abord attaché à ses atouts professionnels et à sa personnalité.

Depuis octobre 2001, l'entreprise s'est dotée d'une plate-forme téléphonique et recrute plutôt des étudiants. Mais les personnes ayant une RQTH représentent toujours la majorité des salariés (17 sur 30 personnes). Deux travaillent sur la plate-forme, 13 à domicile et 2 au siège.

Thierry Lecot s'adresse à une association du réseau Cap emploi, Ohé 93, pour recruter, ainsi qu'à l'ANPE Handipass de Paris. Il recommande aux chefs d'entreprise et DRH de passer par une association : « Elle sert de médiateur entre le salarié et l'entreprise et permet de trouver des solutions aux problèmes qui ne relèvent pas du chef d'entreprise. Le problème premier des travailleurs handicapés est la fragilité psychologique, car beaucoup sont cassés par la maladie et ses conséquences : chômage, précarité. Une association sait les écouter et les orienter. » Mais aussi, « quelques mois d'enquête téléphonique les revalorisent et leur redonnent confiance pour trouver un poste plus proche de leurs compétences », observe le chef d'entreprise.