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Accenture veut faire rimer maternité et responsabilités

SANS | publié le : 04.06.2002 |

Confronté à une inquiétante "fuite" de jeunes consultantes, préférant materner plutôt que manager, le cabinet de conseil Accenture a lancé, voilà un peu plus d'un an, un vaste programme en trois étapes pour combattre cette "autocensure".

Le 11 avril dernier, les bureaux parisiens d'Accenture accueillaient une conférence consacrée à la gestion de carrière des femmes, organisée en partenariat avec l'association internationale Women future. Au programme, notamment : des témoignages de femmes dirigeantes. L'événement s'intègre dans un vaste programme, intitulé "Great place to work for women", lancé en mars 2001 par le cabinet conseil. « Il s'agit d'un projet mondial, consacré au leadership féminin, qui s'inscrit lui-même au sein du programme "Great place to work", sur les conditions de travail, la motivation, la gestion de carrière..., explique Guy Vandebrouck, partner d'Accenture en charge du projet. Mais chaque direction locale peut décider de lui donner plus ou moins de poids. En France, nous avons démarré très tôt, en souhaitant avoir une action un peu "pilote". »

20 % des managers sont des femmes

Car les faits sont là : si les jeunes femmes sont recrutées à quasi-égalité avec les hommes (le cabinet ayant toutefois plus de mal à attirer de jeunes ingénieures que de jeunes commerciales), au fil de l'avancement de la carrière, cette proportion diminue. « On observe, surtout, un fort décrochage au stade de la nomination au poste de manager, après cinq ou six ans de carrière, c'est-à-dire vers la trentaine, explique Guy Vandebrouck. C'est le mo- ment où les femmes se posent la question de leur équilibre de vie, estiment devoir faire un choix entre faire carrière ou faire des enfants. Nombreuses sont celles qui ne pensent pas pouvoir concilier les deux chez nous, et préfèrent quitter le cabinet pour des entreprises qui leur demanderont une progression moins rapide. » Le responsable du projet "Women" l'assure : même si moins de 20 % des managers sont des femmes, elles ne se plaignent pas d'être volontairement écartées des postes de management. Ainsi, Elena Gadol, l'une des 5 associées d'Accenture (sur une centaine), témoigne : « Je n'ai jamais vécu le machisme au bureau. D'ailleurs, j'ai été promue manager pendant mon congé maternité. Et ma demande, à mon retour, de passer aux 4/5es, a même été encouragée par mes supérieurs. »

Offres de flexibilité

Outre "l'autocensure", les consultantes pâtiraient, en réalité, du manque d'anticipation de leur carrière : « Elles s'attendent à être naturellement promues si elles travaillent bien, là où les hommes se construisent des réseaux et n'hésitent pas à se porter volontaires pour une promotion, explique Guy Vandebrouck. C'est clairement un point sur lequel elles doivent progresser. »

Pour s'attaquer à ces différents freins, le projet "Women" se décline sur trois axes. Le premier chantier vise à proposer aux salariées un environnement de travail plus accueillant pour les femmes, grâce à des offres de flexibilité (temps partiel, télétravail...), un meilleur accompagnement de la maternité et des services pour faciliter le quotidien (CE on line, pressing, service de courses...), accessibles par l'intranet. Par exemple, un groupe de travail a planché pour clarifier les règles de gestion (évaluation et augmentation annuelles, promotion) des femmes en congé maternité, mais aussi pour définir des procédures (essentiellement des entretiens, avec le supérieur, la DRH ou encore le mentor) afin de mieux gérer la réintagration au retour. « Nous travaillons actuellement sur la mise en place d'offres de flexibilité, sur quelques semaines ou quel- ques mois, pour une reprise graduelle du travail, ainsi que sur celle d'un intranet consacré aux aspects légaux et pratiques de la maternité : le congé, les aides, la garde d'enfant... », explique Elena Gadol

Gestion de carrière

Le deuxième axe concerne la gestion de carrière. Les managers françaises d'Accenture sont impliquées depuis six mois dans une expérience de counseling, qui consiste à leur proposer de choisir, parmi des cadres possédant deux ou trois ans de plus de carrière, un interlocuteur à même de les guider dans leurs choix professionnels. Plus disponibles et connaissant mieux leur "protégée" que les traditionnels mentors (qui étaient imposés), ces "counselors" ont été invités à les faire réfléchir sur leur vision du leadership ou la nécessité d'être pro-actives dans la gestion de leur carrière. Ce dernier thème est également à l'ordre du jour de séances de coaching collectif proposées actuellement à 40 managers.

« Cinq réunions sont planifiées, notamment sur le développement de l'affirmation de soi, la gestion de l'image, la négociation et le développement de réseaux, explique Karine Duchatel, une participante. Nous sommes plus focalisées sur le fait de bien faire notre travail que sur le faire savoir, et avons moins tendance à nous projeter dans l'avenir, à calculer, que les hommes. Je n'ai pas forcément envie de les imiter, mais je trouve intéressant qu'on nous alerte sur nos points faibles. »

Dernière action : le networking, ou mise en réseau, repose sur l'organisation de petits-déjeuners mensuels réunissant les femmes d'Accenture. Outre leur permettre de mieux se connaître, il s'agit, notamment, de montrer aux plus jeunes que d'autres ont pu concilier maternité et prise de responsabilités.

Tisser un réseau

« Je suis consciente de l'importance de tisser un réseau pour faire carrière, souligne une jeune consultante. Mais le problème majeur est que notre travail nécessite des horaires difficilement compatibles avec une vie de famille. Quant aux femmes qui ont atteint le plus haut niveau, elles ne donnent pas forcément un bon exemple : elles ont des enfants, certes, mais les élèvent-elles ? Enfin, les mentalités masculines mettent du temps à évoluer ! » C'est justement la raison d'être du troisième chantier, le "chantier des hommes", qui doit s'ouvrir prochainement. Son objectif : sensibiliser les hommes aux qualités managériales des femmes et les convaincre qu'elles constituent une richesse pour l'entreprise. Sa mise en oeuvre « qui nécessite humour et doigté », selon Guy Vandebrouck, en est encore au stade de la réflexion. Quant aux premiers résultats du programme, ils ne sont pas attendus avant au moins trois ou quatre ans.

ACCENTURE

Activité : conseil en management et technologies de l'information.

Effectif : 3 000 personnes en France, 75 000 collaborateurs dans 47 pays.

Chiffre d'affaires : 11,44 milliards de dollars au 31/08/01.

L'essentiel

1 Chez Accenture France, la proportion de femmes chute brutalement après cinq ans de carrière.

2 En mars 2001, le cabinet a lancé le programme "Great place to work for women", afin de leur offrir un cadre de travail facilitant la conciliation entre la prise de responsabilités et la maternité, ainsi que des outils pour mieux anticiper leur évolution de carrière.

3 Il lui reste à ouvrir le "chantier des hommes", destiné à faire évoluer les mentalités et à promouvoir une meilleure "diversité" des modes de management.

Deux catégories de salariées

Le cabinet Accenture possède deux populations, assez différentes, de femmes cadres :

la première, la plus nombreuse, regroupe les consultantes, qui évoluent dans leur carrière chaque année, et ne peuvent prétendre à une stabilisation dans un poste avant d'avoir atteint une certaine ancienneté dans le grade de manager, c'est-à-dire, pas avant environ douze ans de carrière. C'est la fameuse règle du up or out : si elles ne souhaitent plus évoluer, elles doivent quitter le cabinet ;

la seconde est composée des cadres des fonctions supports (ressources humaines, communication, gestion-comptabilité...), qui bénéficient, quant à elles, d'un rythme d'évolution moins rapide. « Nous sommes, là, plus proches d'un système par poste », souligne Guy Vandebrouck. A noter que le cabinet encourage moins que par le passé le passage de ses consultantes vers ces postes fonctionnels.

REPERES

40 % de femmes recrutées comme consultantes juniors.

20 % de femmes managers.

5 % de femmes associées.