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Un mal caché mais alarmant

SANS | publié le : 28.05.2002 |

Un nombre croissant de salariés sont victimes de violence au travail. Si aucun chiffre officiel n'existe sur ce sujet, Lab'ho, l'Observatoire du groupe Adecco, a tenté de prendre la mesure du phénomène et étudié la façon dont les entreprises gèrent ce problème en interne.

Harcèlement moral ou sexuel, agressions verbales, menaces, agressions physiques, stress... La violence au travail se décline sous de multiples formes. Pour permettre de faire le point sur la réalité du problème et sur les solutions apportées, Lab'ho, lieu d'échanges et de réflexion sur les hommes et les organisations, dépendant du groupe Adecco, vient de dresser un état des lieux en France et à l'étranger.

Statistiques, législation, mesures de prévention : cette enquête, complétée par une étude approfondie de la littérature disponible sur le sujet, doit permettre aux entreprises de favoriser l'échange d'informations et d'expériences entre ceux qui ont pris des mesures concrètes et ceux qui ont été confrontés au problème récemment.

« Il est très difficile de qualifier et de quantifier le phénomène, à l'heure actuelle, indique Pascale Levet, responsable du Lab'ho. Mais nous avons voulu réaliser un outil de travail à l'attention des DRH, afin qu'ils cernent mieux le sujet. »

Réalité internationale

Car la violence au travail, exercée sur les salariés par des personnes externes ou internes à l'entreprise, est bien une réalité internationale : 11,9 % des hommes et 8,9 % des femmes déclaraient avoir été agressés, en 1995, selon le Bureau international du travail. Pour la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), qui a réalisé une enquête en 2 000, ce sont plus de 15 millions de travailleurs (environ 10 % de la population active) qui se disent victimes de violence. 9 % des salariés européens déclarent avoir subi des intimidations (la proportion est de 7 % pour les hommes et de 10 % pour les femmes). Selon les pays, les taux vont de 4 % (Italie et Portugal) à 15 % (Finlande), 10 % pour la France, placée ainsi en sixième position. Aux Etats-Unis, un million d'agressions seraient perpétrées chaque année sur le lieu de travail, d'après l'American national crime victimization survey (NCVS).

Le tertiaire très touché

Ce sont les activités du tertiaire, où le contact avec l'extérieur est le plus important, qui sont particulièrement touchées. Mais les nouveaux acteurs de la flexibilité subissent également de plein fouet cette nouvelle tyrannie : sous-traitants, indépendants, victimes du comportement "féodal" des clients. Tout comme les salariés employés en contrat précaire, plus vulnérables que les autres.

Dans les secteurs les plus concernés (transports en commun, santé, commerces), des entreprises ont déjà pris des mesures concrètes de prévention, en matière de conception des lieux de travail, d'organisation et de formation.

Soutien psychologique et prévention

Ainsi, la RATP a créé, en 1999, un institut indépendant pour offrir un soutien psychologique aux agents, 24 heures sur 24. Plus en amont, le Crédit Lyonnais a misé sur le préventif en créant, en 1996, un observatoire du stress. Usinor, de son côté, a lancé Ulysse, une enquête sur le moral et les attentes des salariés. Chez IBM, la direction a opté pour la création d'une division well-being, avec un directeur santé et environnement au travail. « Les entreprises se sont attaquées à ces phénomènes essentiellement sous la pression de l'opinion publique, elle-même nourrie de l'apport de l'ouvrage sur le harcèlement de Marie-France Hirigoyen, poursuit Pascale Levet. Les actions recensées sont surtout d'ordre psychologique. Ainsi, les initiatives prises à l'heure actuelle concernent principalement les victimes et la réparation du préjudice. Il reste une difficulté, voire un blocage, à travailler sur les dimensions collectives du phénomène, à en décortiquer les mécanismes, en isoler les faits ou indices typiques ; c'est pourtant ce travail d'analyse en amont qui permettra d'envisager des réponses en termes de gestion préventive. »

Coûts directs et indirects

De fait, notre pays n'a pas encore pris la mesure du phénomène de manière macro-économique. Car la violence a aussi un coût. Des coûts directs : arrêts de travail, aide médicale et psychologique aux victimes. Et des coûts indirects : baisse de la productivité et de l'efficacité, absentéisme, dégradation de la qualité et de l'image de l'entreprise pour les clients. En Allemagne, le coût direct de la violence psychologique, dans une organisation de 1 000 salariés, a été évalué à 1 022 euros par an, en plus des 51 129 euros annuels en coûts indirects, ce qui représente un coût total, pour l'ensemble du pays, estimé à 1,28 milliard d'euros par an. Un mal caché mais alarmant.

Pour aller plus loin : http://www.labho.fr

L'essentiel

1 La violence au travail est bien une réalité : en Europe, plus de 15 millions de travailleurs se disent concernés. Elle a aussi un coût. : en Allemagne, il est estimé à 1,28 milliard d'euros par an.

2 Le tertiaire est particulièrement touché. Les sous-traitants, indépendants et salariés en contrat précaire sont aussi très vulnérables.

3 Certaines entreprises, comme la RATP, le Crédit Lyonnais, Usinor ou IBM ont mis en place des mesures concrètes de prévention.

Un stage pour faire face à la violence

L'organisme de formation CSP propose, depuis un peu plus d'un an, une formation intitulée "Faire face à la violence". Organisée en inter ou intra-entreprise, elle se déroule sur trois jours et réunit, au maximum, une dizaine de participants. « Ce programme s'adresse à l'ensemble des salariés, cadres ou non cadres, subissant des affrontements dans leur fonction : accueil, commercial, règlements de contentieux ou bien encore médiation dans l'entreprise, énumère Yves Mexme, animateur de cette formation. Ces séances s'apparentent à des entraînements face à des situations difficiles où le recours aux entretiens en face à face est prépondérant. Elles ont plusieurs finalités. La prévention d'une situation redoutée et qui semble se dessiner : les stagiaires vont apprendre des techniques comportementales non nocives, susceptibles de désamorcer un échange. La maîtrise de soi et de son langage lorsque le conflit est là. A l'étude : les meilleures solutions de repli. Enfin, une partie du stage s'adresse aux supérieurs hiérarchiques appelés à se mettre en travers d'un conflit interpersonnel. »

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