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Nicole Notat passe le relais

SANS | publié le : 28.05.2002 |

Nicole Notat quitte la CFDT sur un bilan largement positif en termes d'effectifs, mais sa politique réformiste, qui lui a attiré les sympathies du patronat, a déboussolé une partie de la base, aujourd'hui en décalage avec l'appareil.

Après dix ans à la tête de la CFDT, Nicole Notat a décidé de passer la main au cours du congrès du syndicat, du 27 au 31 mai prochains. Ce même congrès doit la remplacer par François Chérèque, ex-secrétaire général de la fédération santé-sociaux. Il devra vivre avec l'héritage de la ligne réformiste suivie par Nicole Notat, autant qu'avec le vide laissé par sa forte personnalité.

Sous son mandat, la CFDT est devenue l'interlocuteur privilégié d'un patronat séduit par sa politique de la main tendue, sa participation à la refondation sociale, proposée par le Medef, ou ses prises de position non dogmatiques en faveur de la réforme Juppé sur la Sécurité sociale. Un rôle jusque-là tenu par FO, et dans lequel la CFDT fut officiellement intronisée lorsqu'elle prit, au syndicat de Marc Blondel, la présidence de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), en 1996, grâce à l'appui du CNPF. « Avec Nicole Notat, la CFDT en a terminé avec certaines vieilles lunes du syndicalisme », résume Hubert Landier, consultant en relations sociales.

Estime des patrons et des médias

La forte personnalité de Nicole Notat, réputée pour sa parfaite connaissance des dossiers et pour sa capacité à saisir les grands enjeux sociaux et économiques, a également contribué à lui attirer l'estime des patrons et des médias. A tel point qu'elle a pu être pressentie comme Premier ministre par le magazine L'Expansion, juste avant le premier tour des élections présidentielles. « Sa position d'interlocuteur du patronat lui a donné une influence au-delà des adhésions à la CFDT », note Hubert Landier.

Progression des effectifs

Sous Nicole Notat, les effectifs de la confédération ont progressé. De 586 000 en 1992, le nombre de ses adhérents est passé à 865 000 en 2001, ce qui lui permet de revendiquer la place de première organisation syndicale en France. Assertion invérifiable cependant, compte tenu du mode de comptage des adhérents (voir encadré). Mais la progression des effectifs de la CFDT est indéniable. Cependant, elle a été en partie tirée par les 35 heures. Les salariés mandatés ayant été fortement incités à prendre leur carte, le successeur de Nicole Notat devra s'attacher à pérenniser ces adhésions.

La ligne réformiste et la personnalité de Nicole Notat ont toutefois les inconvénients de leurs avantages. « Nicole Notat comprenait les grands enjeux, mais il lui restait à les transformer en négociations et à les faire passer auprès de la base. Elle s'est fondue dans l'establishment, mais ce n'est pas exactement ce qu'on attend d'un dirigeant syndical », note Daniel Labbé, ancien coordinateur CFDT chez Renault, consultant en relations sociales.

Décalage

Même constat du côté d'Hubert Landier : « Le décalage s'est accentué entre l'appareil de la CFDT et la base, qui mène sa vie syndicale propre. Pour les militants dans l'entreprise, les rapports avec la confédération sont moins importants que ceux qu'ils entretiennent avec la base d'où ils tirent leur légitimité. » Une analyse qu'il applique d'ailleurs aussi aux autres syndicats et qui lui fait dire que « les DRH ne doivent pas se préoccuper de l'étiquette de leurs interlocuteurs syndicaux mais de leur comportement individuel ». Mais de quelle base la CFDT s'est-elle coupée ? De celle composée des adhérents historiques du syndicalisme, ouvriers et employés des entreprises publiques et de l'industrie ? Ou de celle des salariés du privé, cadres dans les services ? "Billancourt" ou "La Défense" ?

Désespérer "Billancourt"

Aujourd'hui, les adhérents de la CFDT sont plus souvent des cadres (elle est arrivée devant la CGC dans le collège cadres, aux élections prud'homales de 1997), des salariés de PME, du privé et des services. Le message du syndicat s'adresse à ces catégories dont le nombre est en croissance. C'est à "La Défense" que la CFDT grignote ses parts de marché.

A l'inverse, "Billancourt" a du mal à retrouver ses intérêts dans la ligne réformiste de Nicole Notat. Cette base-là est directement à l'origine de la création des syndicats Sud, dont de nombreux membres sont issus des rangs de la CFDT, comme à La Poste, à la SNCF ou à France Télécom, notamment.

"Crises sudistes"

Dans le privé, l'intervention de la fédération chimie-énergie de la CFDT en faveur de l'accord sur les 35 heures chez Michelin, qui a court-circuité une base opposée à cet accord, s'est traduite par une percée des Sud aux élections professionnelles suivantes.

Or, dans le contexte politique actuel, ces "crises sudistes" prennent une signification particulière. « Sud a percé là où des salariés avaient eu l'impression d'être oubliés. De même, Jean-Marie Le Pen a fait des voix là où les gens ont eu l'impression d'être oubliés », constate Daniel Labbé, suggérant des causes communes au radicalisme syndical et politique.

Pas d'états d'âme

L'heure ne semble pourtant pas à la remise en cause à la CFDT, qui aborde, sans états d'âme, la succession de Nicole Notat et la poursuite de la ligne réformiste. A l'image d'Ivan Béraud, patron de la fédération Bétor-Pub, autodésigné syndicat de la nouvelle économie : « La CFDT avait besoin de Nicole Notat pour remettre l'appareil au travail et le reconstruire après les crises sudistes. Maintenant, ce qu'il faut, c'est irriguer l'appareil pour qu'il corresponde à la nouvelle sociologie de nos adhérents. »

L'arrivée de François Chérèque, issu du secteur mixte, public/privé, de la santé, changera-t-elle la donne ? Vraisemblablement non. Nicole Notat, en marginalisant Claude Debons, patron de la fédération des transports et de l'équipement, a fait taire l'opposition. Et au regard des cinq projets de résolution proposés au congrès du 27 mai, portant sur la construction du plein-emploi, la qualité du travail, la protection sociale et sur une "CFDT forte et attractive", c'est la première base, "moderniste", qui est ciblée. Tandis que les autres ne trouvent plus à s'exprimer que dans les propositions d'amendement. Tant pis pour "Billancourt".

François Chérèque

1978 : adhésion à la CFDT.

1986 : secrétaire de l'union départementale des Alpes-de-Haute-Provence.

1991 : secrétaire national de la fédération santé-sociaux.

1996 : secrétaire général de la fédération santé-sociaux.

Octobre 2001 : membre de la Commission exécutive de la CFDT.

Nicole Notat

1982 : membre de la Commission exécutive de la CFDT.

1988 : devient responsable de l'activité revendicatrice, numéro deux de la CFDT.

Novembre 1992 : secrétaire générale de la CFDT.

Mars 1995 : congrès de la CFDT. Nicole Notat n'obtient pas le quitus.

15 novembre 1995 : Nicole Notat soutient le plan Juppé de la réforme de la Sécurité sociale.

22 novembre 1995 : Nicole Notat est huée par une partie des militants cédétistes à la Bourse du travail.

1998 : congrès de Lille au cours duquel elle est plébiscitée.

Septembre 2001 : annonce son départ de la CFDT.

Le calcul complexe des effectifs

La CFDT calcule ses effectifs à partir des cotisations mensuelles qu'elle perçoit de ses adhérents. Elle considère ensuite qu'un adhérent paie, en moyenne, un peu moins de 8 timbres mensuels par an et, de là, déduit le nombre des cotisants. Avec 6,2 millions de cotisations perçues en 2000, on obtient un nombre d'adhérents d'environ 850 000.

Or, ce ratio de 8 est sujet à caution. Pour Hubert Landier, il serait plus proche de 10. Dans cette hypothèse, le nombre d'adhérents réels serait de 620 000, soit moins que ceux revendiqués par la CGT (650 000).