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La fin d'une époque

SANS | publié le : 28.05.2002 |

Douze ans après sa création, Kalisto jette l'éponge après avoir incarné le symbole de la nouvelle économie triomphante ; 177 salariés se retrouvent sans emploi. Seul espoir : l'offre de rachat partiel d'éventuels repreneurs.

Kalisto n'est plus. Cette société bordelaise, spécialisée dans la création de jeux multimédia, a fermé ses portes au mois d'avril. L'aventure avait commencé il y a douze ans. Nicolas Gaume, alors âgé de 19 ans, après avoir tenté sans trop de conviction ni de réussite le concours d'entrée à HEC, fonde, avec 4 570 euros en poche, sa première société : Astreid Concept. Très vite, les contrats affluent et, en 1994, cette start-up lance son premier jeu best seller.

Attisant les convoitises et ralenti par des coûts très lourds de développement, Astreid passe sous le giron du britannique Pearson. Lorsque, deux ans plus tard, ce groupe se désengage du multimédia ludique, Nicolas Gaume saisit l'occasion pour racheter sa société qu'il rebaptise Kalisto. Du même coup, et à tout juste 25 ans, il devient le porte-drapeau de la nouvelle économie florissante.

Croissance brutale

Ernest-Antoine Seillière le fait entrer au conseil exécutif du Medef. Alain Juppé, maire de Bordeaux, ne prononce pas un discours sur le dynamisme économique de sa ville sans citer son nom. Et le conseil d'administration de Kalisto ne compte pas moins, dans ses rangs, que le Pdg de Danone, Franck Riboud. Même Jacques Chirac est sous le charme. Pour preuve, il l'invite lors d'un voyage présidentiel au Japon.

Il ne faut pas longtemps à Kalisto pour s'imposer sur le marché international des jeux vidéo. Les contrats affluent des quatre coins du monde. Le chiffre d'affaires de 3,35 millions d'euros en 1996 s'envole à 8,4 millions d'euros en 1998. La PME bordelaise grandit, passant d'un effectif de 100 salariés, à la fin 1997, à 200 salariés en 1999, pour atteindre 250 l'année suivante, dont pas plus de 20 % sont originaires de la région. Sur les rangs : essentiellement des jeunes. La moyenne d'âge est, en effet, de 26 ans. A l'époque, une bonne centaine s'enorgueillissent d'être virtuellement millionnaires grâce aux stock-options distribuées massivement à l'ensemble des troupes. Mais l'euphorie sera de courte durée.

Perte de 25 millions d'euros

En 2001, le rêve tourne court. Les résultats 2000 ne sont pas bons. L'exercice se solde par une perte de 25 millions d'euros. Difficultés de trésorerie, défections commerciales, alourdissement de sa dette bancaire, surinvestissement... Kalisto est en mauvaise posture. « Le tort a été de continuer à faire du développement plutôt que de valoriser les jeux qui faisaient notre succès », souligne Philippe Coudrille, délégué du personnel. D'autres reprochent à demi-mot, à leur Pdg, le recrutement de certains cadres dirigeants. Premiers touchés, quelque 70 salariés licenciés à la fin de l'année dernière, juste quelques mois avant que ne soit prononcé le dépôt de bilan par Nicolas Gaume, le 8 février dernier. S'ensuit le placement en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bordeaux et, finalement, la liquidation judiciaire, le 10 avril dernier. « Les 177 salariés, pour la plupart graphistes et ingénieurs programmeurs, ont reçu leur lettre de licenciement, annonce Philippe Coudrille. Tous ne sont pas prêts à déposer les armes. Nous attendons, pour l'heure, que des repreneurs se fassent connaître. Mais si rien ne vient, certains salariés sont prêts à relever le défi. » Seule ombre au tableau : un marché du jeu vidéo moribond en France, qui restreint l'employabilité des Kalisto. Même si beaucoup s'accordent à dire que la French touch peut encore faire parler d'elle.

Vente globale ou par petits bouts ?

Le président du tribunal de commerce de Bordeaux, ainsi que le mandataire liquidateur n'ont pas dit leur dernier mot : « Ce n'est pas parce qu'aucun repreneur ne s'est fait connaître dans les délais imposés par le tribunal, à savoir le 13 mai, que l'affaire Kalisto est close, avertit André Garcia, président du tribunal de commerce de Bordeaux. Ce dossier est difficile. Pour autant, nous sommes prêts à exploiter toutes les pistes. Kalisto bénéficie d'une bonne image en termes de savoir-faire technologiques et il faut savoir que plusieurs jeux sont finalisés et n'attendent que d'être commercialisés. » L'idée serait donc de vendre Kalisto par petits bouts. Une perspective qui n'était pas celle de Nicolas Gaume, partisan d'une reprise globale de son entreprise. Américains ? Japonais ? Personne ne connaît encore l'origine du futur acquéreur.

Les principales dates

1990 : création de Astreid Concept par Nicolas Gaume.

1994 : rachat d'Astreid Concept par le britannique Pearson.

1996 : Nicolas Gaume redevient propriétaire de Astreid Concept qu'il rebaptise Kalisto.

juin 1999 : introduction en Bourse au second marché de la Bourse de Paris.

5 février 2002 : suspension de cotation des actions de Kalisto.

8 février 2002 : prononciation du dépôt de bilan.

7 mars 2002 : les actionnaires minoritaires saisissent le cabinet de conseil Deminor. La Commission des opérations de Bourse lance une enquête.

10 avril 2002 : placement en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Bordeaux. Passif estimé à 50,31 millions d'euros.